L'Écriture Sainte: Son Autorité et Son Inspiration, par Dr. Wilbert Kreiss - index
CHAPITRE 7: LES R GLES D'INTERPRÉTATION DE LA BIBLE
Introduction :
Comme pour toute oeuvre littéraire produite par les hommes, il existe un certain nombre de règles qu'il
faut à tout prix respecter pour bien interpréter la Bible. Dieu a voulu se révéler aux hommes pour se faire
connaître à eux. Il a donc fallu qu'il leur parle dans les langues qu'ils connaissaient. Comme il s'était choisi
un peuple, Israël, pour donner un Sauveur au monde, il lui a donné sa Parole dans la langue des juifs.
C'était, à l'époque de Moïse, l'hébreu. Plus tard, quand ils furent emmenés en captivité à Babylone, ils
apprirent l'araméen, la langue des Babyloniens. Plus tard encore, quand l'empereur grec Alexandre le
Grand conquit la Palestine et tous les pays aux alentours, les juifs s'habituèrent progressivement à parler
le grec. Voilà pourquoi la Bible a été écrite en hébreu pour l'Ancien Testament (avec quelques chapitres
en araméen), et en grec pour le Nouveau Testament.
C'était à l'époque des prophètes, puis de Jésus-Christ et des apôtres. En ce temps-là, on ne savait pas
encore imprimer des livres. Il fallait donc les recopier chaque fois qu'on en voulait un exemplaire. Pendant
de nombreux siècles, la Bible tout entière ou des livres de la Bible furent soigneusement recopiés. On
appelait cela des manuscrits. Quelques-uns d'entre eux ne sont que des fragments d'un livre ou d'un
chapitre de la Bible. Tout au début, on prenait du papyrus, une variété de grand roseau dont on déroulait
la tige. Cela permettait d'obtenir des feuilles qu'on traitait spécialement et sur lesquelles on écrivait le texte.
Par la suite, on utilisa des peaux de bêtes, de chèvres ou de veaux, qu'on traitait aussi de façon spéciale
pour qu'elles soient bien souples. On appelait cela des parchemins. C'est seulement beaucoup plus tard,
au XVº siècle, qu'on invita en Europe l'imprimerie, ce qui permettait de reproduire rapidement un
texte en autant d'exemplaires qu'on en voulait. On a retrouvé au fil du temps des milliers de manuscrits de
la Bible qui sont parfois âgés de plus de 1.500 ans. Pour pouvoir imprimer le texte de l'Ecriture, il fallut
les lire soigneusement et les comparer entre eux. Cela permit d'éliminer des erreurs, des fautes de copie
qui s'étaient introduites çà et là à force de recopier le texte. L'étude de tous ces manuscrits est un travail
de spécialiste qu'on appelle la critique textuelle. Une fois qu'on a bien établi le texte, il s'agit de le traduire,
et finalement de l'imprimer.
Le spécialiste de l'interprétation de la Bible l'étudie dans les langues anciennes dans lesquelles elle a été
écrite. Ceux qui ne maîtrisent pas ces langues l'étudient dans les langues modernes dans lesquelles elle a
été traduite. A l'heure actuelle, la Bible a été traduite dans toutes les grandes langues de ce monde. On
appelle grandes langues celles qui sont parlées par beaucoup de gens à la fois. Pour beaucoup de langues
parlées seulement par des tribus isolées qui ne sont pas numériquement très importantes, il se peut qu'on
ait seulement traduit à l'heure actuelle une partie de la Bible comme le Nouveau Testament et les Psaumes,
ou bien seulement un évangile.
Il existe même dans certaines langues parlées par beaucoup de monde comme le français ou l'anglais
plusieurs traductions de la Bible. En français, par exemple, il existe la Bible de Jérusalem qui a été publiée
et qui est utilisée par l'Eglise catholique. Les protestants utilisent la Bible de Louis Segond, qui a été
révisée plusieurs fois pour l'adapter à la langue qui évolue. Ou bien la Bible "A la Colombe", ou encore
la Bible en Français Courant, ou la Bible du Semeur. Il existe même ce qu'on appelle la Bible en Français
Fondamental : il s'agit d'un français très simple que comprennent même ceux qui parlent très mal cette
langue. Il y a aussi ce qu'on appelle la T.O.B. (Traduction Oecuménique de la Bible), ainsi appelée parce
qu'il s'agit d'une traduction faite à la fois par des théologiens catholiques et des théologiens protestants.
Pour simplifier, disons qu'on peut répartir les traductions de la Bible en deux catégories. Il y a tout d'abord
les traductions classiques. Elles ont le mérite d'être généralement très proches du texte original et fidèles
dans la traduction des nuances les plus fines. Leur défaut, si on peut s'exprimer ainsi, c'est qu'elles utilisent
parfois des mots un peu compliqués que tout le monde ne connaît pas et qu'il faut alors expliquer aux gens,
comme par exemple les mots "repentance", "chair", "grâce", "justification", "sanctification", "rémission"
ou "rédemption". C'est le cas de la Bible de Segond. Et puis il y a les Bibles traduites dans une langue
beaucoup plus simple, qui évitent systématiquement les mots difficiles. Alors, au lieu d'employer les
termes de repentance, chair, grâce ou rédemption, elles utilisent d'autres mots mais qui ne sont pas toujours
aussi précis ou qui ont parfois même un sens un peu différent. Le résultat est que ces traductions faciles
à comprendre manquent souvent de précision. Dans quelques cas précis, on peut même leur reprocher de
ne pas bien reproduire le sens du texte. Voilà pourquoi il est bon, quand on prépare un sermon ou une
étude biblique et qu'on en a la possibilité, de lire et d'étudier le texte dans plusieurs traductions.
Voilà ce qu'il fallait dire en guise d'introduction concernant le texte de la Bible. Voici maintenant une
présentation des principales règles d'interprétation de l'Ecriture Sainte.
I. La Bible doit être interprétée en recourant à toutes les connaissances qui permettent de bien la comprendre :
Dieu est, comme nous avons eu l'occasion de l'étudier dans le détail, l'auteur suprême de la Bible. Pour
se révéler aux hommes, il s'est servi d'auteurs humains qui ont vécu et écrit à des époques et en des lieux
différents, comme hommes de leur temps. Aussi les livres de l'Ecriture Sainte doivent-ils être lus comme
des documents littéraires dans les cadres historique, géographique, culturel dans lequel ils ont vu le jour.
Il existe des connaissances qui sont non seulement utiles, mais même indispensables pour bien comprendre
l'Ecriture Sainte et discerner le sens que le Seigneur a voulu donner à ses textes. Tenir compte du contexte
dans lequel ses livres furent écrits n'est pas seulement souhaitable, mais indispensable, une nécessité
incontournable. L'interprétation de la Bible se fait donc en recourant à un certain nombre de sciences ou
disciplines profanes. En voici les plus importantes :
1) La géographie :
Quand on connaît un peu la géographie de cette partie du monde, on comprend mieux les textes qui
racontent la sortie de l'Egypte, la traversée du désert et l'entrée dans la terre promise. On comprend
mieux aussi ce que représentait pour le peuple d'Israël l'exil à Babylone. La connaissance de la
géographie de la Palestine, avec son climat, ses montagnes, ses plaines et son désert, son fleuve, ses
rivières et ses lacs, est importante pour bien comprendre beaucoup de ses textes et le style de vie des
habitants (nomadisme, élevage, agriculture, pêche). On comprend alors pourquoi l'eau y joue un rôle
si important, et pourquoi il y est si souvent question de la vigne et des oliviers. On saisit mieux ce que
pouvait représenter une invasion de sauterelles. On comprend mieux aussi les grands problèmes
d'approvisionnement en eau et en aliments que connaissait Jérusalem, surtout à l'époque des grandes
fêtes où de nombreux pèlerins venaient d'un peu partout. La géographie est donc une discipline qu'il
ne faut pas négliger.
2) L'histoire :
Pour bien comprendre l'histoire du peuple d'Israël, il est important de connaître celle des peuples au
milieu desquels il vivait. C'est vrai pour l'Egypte, l'Assyrie, Babylone, la Perse, la Grèce et l'empire
romain. L'histoire fournit des dates, raconte et explique les événements qui se sont produits ici et là.
Ainsi, l'histoire de l'Egypte permet de mieux comprendre l'attitude de ses rois envers les Israélites et
le genre de travaux qu'on leur fit faire. Quand on sait que beaucoup plus tard, des rois étrangers ont
souillé le temple de Jérusalem en y égorgeant des cochons en l'honneur de dieux païens, on comprend
mieux l'indignation et la souffrance du peuple d'Israël colonisé par des puissances étrangères.
L'histoire des migrations de peuples entiers ou des techniques de guerre utilisées à l'époque par les
uns et les autres jette elle aussi de la lumière sur bien des textes de l'Ancien Testament.
3) L'archéologie :
L'archéologie est une science au service de l'histoire. Elle consiste à faire des fouilles qui permettent
souvent de découvrir les ruines d'anciennes villes ou bien les ustensiles dont on se servait à l'époque
pour faire la guerre, cultiver le sol, cuire les aliments ou décorer une maison. Beaucoup de fouilles
ont mis à jour les ruines de villes dont parle la Bible telles que Jéricho, Ninive, Babylone,
Capernaüm ou l'ancienne cité de Jérusalem. Ces découvertes sont importantes et très
intéressantes, car elles nous permettent de nous faire une idée de la façon dont vivaient les gens.
Parmi les découvertes archéologiques figurent aussi des textes inscrits sur des tablettes d'argile. Il
s'agit souvent de lois, de pratiques ou de coutumes diverses qui nous donnent des indications très
utiles pour comprendre la culture des peuples de l'époque. Dans Genèse 15, on nous raconte une
histoire étrange. Dieu demanda à Abraham de couper plusieurs animaux en deux et de disposer les
morceaux en deux tas. Quand la nuit fut venue, un grand feu passa au milieu des quartiers de viande
et Dieu conclut une alliance en promettant à Abraham qu'il serait le père d'un peuple nombreux à qui
il ferait don du pays de Canaan. C'était un ancien rite qui servait à sceller une alliance dont on a
retrouvé la trace dans d'autres civilisations de l'époque. Une telle découverte permet de mieux
comprendre un texte comme celui-là.
L'archéologie a aidé aussi à mieux comprendre les religions des peuples au milieu desquels vivaient
les Israélites, qu'il s'agisse de la religion égyptienne, de celle des Phéniciens, des Cananéens, des
Babyloniens et d'autres peuples encore. On comprend mieux l'attrait qu'elles ont souvent exercé sur
le peuple que Dieu s'était choisi et les dangers qu'elles représentaient pour lui. L'archéologie a permis
ainsi aux spécialistes de l'interprétation de la Bible de mieux comprendre beaucoup de ses textes.
4) L'ethnologie :
L'ethnologie est la science qui étudie les civilisations et les modes de vie des peuples. Elle s'intéresse
aux langues qu'ils parlent, à leurs coutumes, aux règles qui régissent leur société. Cf. par exemple ce
qui vient d'être dit de la façon dont Dieu conclut une alliance avec Abraham. L'ethnologie nous
apprend aussi beaucoup de choses sur les coutumes liées au mariage des peuples anciens, sur la façon
dont il était conclu, les festivités auxquelles il donnait lieu, la dot, la polygamie, les règles concernant
le divorce, la protection dont on entourait les couples et leurs enfants. Elle nous apprend aussi bien
des choses sur tout ce qui concerne le statut des esclaves ou bien les transactions commerciales,
l'achat et la vente de terres, le patrimoine et l'héritage, le régime patriarcal, les privilèges du fils aîné,
etc.
Certains peuples voisins de la Palestine parlaient des langues assez proches de l'hébreu. C'est vrai
de l'araméen, du phénicien ou du syriaque. La connaissance de ces langues a permis parfois de mieux
comprendre tel ou tel mot hébreu dont le sens était incertain.
On pourrait multiplier les exemples montrant combien toutes ces sciences sont utiles et nous donnent accès
à des connaissances qui permettent de mieux comprendre les textes bibliques, en particulier certains détails
qui autrement resteraient parfois bien mystérieux. Pour bien comprendre les textes de la Bible, il faut donc
toujours, dans la mesure du possible, tenir compte de la situation historique, géographique, culturelle et
politique de l'époque.
II. La Bible doit être interprétée selon les règles linguistiques habituelles :
Personne ne sait quelle langue on parle dans le ciel. Si on s'y exprime dans une langue donnée, ce n'est
certainement pas une langue humaine. Mais Dieu a voulu se révéler aux hommes. Il a donc bien fallu qu'il
le fasse de manière à ce qu'ils puissent le comprendre. C'est pourquoi il l'a fait dans une langue parlée par
eux. Une langue humaine donc, que les hommes ont inventée et pris l'habitude de parler pour
communiquer entre eux, comme l'hébreu ou le grec. Il a inspiré les prophètes et les apôtres. Cela veut dire
qu'il leur a communiqué ce qu'ils devaient écrire. Il l'a donc fait dans la langue de ces hommes. La Bible
est Parole de Dieu, inspirée par le Seigneur et écrite par des hommes, dans des langues d'hommes et pour
des hommes. Elle se lit donc de la même façon que n'importe quel livre, ce qui signifie que son
interprétation obéit aux mêmes règles.
Une phrase est faite de plusieurs mots qu'il s'agit d'analyser pour comprendre son sens. Les verbes
indiquent si un événement a eu lieu dans le passé, s'il a lieu dans le présent, s'il aura lieu à l'avenir ou s'il
a lieu en tout temps. Quand Jésus dit à son Père dans une prière : "Ta parole est la vérité" (Jean 17:17),
il affirme que la Parole de Dieu est constamment vraie. Elle était vraie jadis, elle est vraie aujourd'hui, elle
sera vraie demain. Elle est toujours vraie. Dans Esaïe 9:5, le prophète dit : "Un enfant nous est né, un fils
nous est donné". Il parle au présent, alors qu'il annonce un événement, la naissance du Christ, qui n'aura
lieu que sept cents ans plus tard. Mais la chose est tellement sûre, puisque c'est Dieu qui l'a promise, que
le prophète l'annonce comme si elle avait lieu dans le présent. Quand l'apôtre Paul dit au gardien de la
prison de Philippes : "Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta famille" (Actes 17:31), il affirme
que le salut est quelque chose que nous n'avons pas encore, mais qui nous sera offert un jour si nous
croyons en Jésus. Il faut donc bien respecter le temps des verbes. Il faut également respecter le sens des
mots. A ce sujet, voici quelques règles importantes :
1) Tout texte de la Bible a un sens voulu par le Saint-Esprit, et ce sens est unique :
Luther a beaucoup insisté sur cette règle. En effet, peu de temps après la mort des apôtres, des
théologiens ont développé l'idée qu'un texte de la Bible avait plusieurs sens à la fois, un sens apparent
et des sens cachés. Un Père de l'Eglise du nom d'Origène disait qu'il y avait plusieurs niveaux
d'interprétation. En voici un exemple : dans Genèse 37:3 il est dit que le patriarche Jacob fit une
tunique de couleurs pour Joseph. Le sens apparent est évident : Jacob fit confectionner ou acheta un
vêtement pour son fils préféré. C'est le sens littéral du texte que n'importe quel lecteur de la Bible peut
saisir. Le deuxième sens est un sens moral : ce texte veut nous donner une leçon sur le danger qu'il
y a pour un père à préférer un de ses enfants aux autres ou à favoriser quelqu'un. Mais pour Origène,
un texte comprend aussi un sens spirituel ou mystique qui est, de loin, le plus important. Il était
convaincu que l'histoire de cette tunique de différentes couleurs était là pour nous enseigner aussi qu'il
existe des connaissances philosophiques secrètes qu'on n'a pas le droit de rejeter. Les frères de Joseph
représentaient selon lui les hommes mauvais qui veulent rejeter les enseignements philosophiques
hors de l'Eglise. Dieu ne veut pas de cela, c'est pourquoi il a voulu, selon Origène, que l'histoire de
la tunique figure dans la Bible. Tel est le soi-disant sens profond et mystique de ce texte. Mais seuls
les meilleurs chrétiens ou les chrétiens les plus évolués et les plus sages peuvent le saisir.
Un jour, Jésus rappela à un maître de la Loi qu'il fallait aimer Dieu de tout son coeur, de toute son
âme et de toutes ses forces, et son prochain comme soi-même. Le maître de la Loi lui demanda qui
était ce prochain. C'est pour répondre à cette question que le Christ raconta la parabole bien connue
du bon Samaritain (Luc 10:25-37). Elle enseigne que notre prochain est tout homme qui a besoin de
nous, besoin que nous lui venions en aide. Tel est le sens et la leçon de cette parabole. Mais il arrive
parfois qu'on l'interprète autrement, en comparant Jésus au bon Samaritain qui vient en aide aux
hommes et les délivre de la mort. C'est vrai que le Christ fait cela, mais ce n'est pas ce qu'enseigne
cette parabole. Prétendre cela, c'est donner à la parabole un sens allégorique.
Donner à un texte biblique plusieurs sens est une méthode qui peut être très dangereuse, car on lui
fait dire plus que ce qu'il veut dire, plus que ce que le Saint-Esprit a voulu lui faire dire. Et on peut
finalement lui faire dire alors tout ce qu'on veut. Il est tout à fait évident que Jacob a eu tort de
préférer Joseph à ses autres enfants et de le montrer en lui offrant un beau vêtement. Ce
comportemant a d'ailleurs été à l'origine de tous les problèmes qu'il a connus dans sa famille, et
l'interprétation de ce texte doit déboucher sur cette application. Cependant elle ne doit pas en dégager
plusieurs sens, littéral, moral, allégorique, etc. Il est donc faux d'affirmer que les textes de la Bible
ont plusieurs sens à la fois. Ils n'en ont qu'un, celui que le Saint-Esprit a voulu qu'ils aient et qu'il faut
découvrir en les étudiant soigneusement.
2) Dans la Bible, un mot doit toujours être pris dans son sens habituel ou littéral, sauf quand on a la preuve qu'il est employé dans un sens figuré :
Les mots sont comme des véhicules qui apportent aux hommes le message que Dieu leur destine.
Quand Dieu déclare dans sa Loi révélée dans la Bible : "Maudit soit celui qui n'obéit pas
continuellement à tout ce qui est écrit dans le livre de la loi" (Galates 3:10), il nous dit que celui qui
transgresse sa Loi se place sous sa malédiction, ce qui signifie qu'il est éternellement condamné.
Quand la Bible dit de Jésus-Christ : "C'est lui le Dieu véritable, c'est lui la vie éternelle" (1 Jean 5:20),
tous ces mots doivent être pris dans leur sens habituel. Jésus est vraiment Dieu, de la même façon que
le Père ou le Saint-Esprit. Quand elle dit que Dieu a chargé Jésus de nos péchés (2 Corinthiens 5:21;
1 Pierre 2:24) ou qu'il est devenu un "objet de malédiction à notre place" (Galates 3:13), c'est qu'il
a vraiment été chargé de nos péchés et maudit à cause d'eux comme s'il les avait commis lui-même.
Quand Jésus institue la Sainte Cène et qu'il dit à ses disciples en leur donnant du pain, puis en leur
tendant une coupe de vin : "Prenez et mangez ceci, c'est mon corps... Buvez-en tous, car ceci est mon
sang" (Matthieu 26:26-28), il nous demande de croire que le pain est vraiment son corps et le vin
vraiment son sang. En effet, l'apôtre Paul affirme que le pain et le vin de la Sainte Cène sont la
communion au corps et au sang de Jésus-Christ (1 Corinthiens 10:16). Il déclare aussi que celui qui
communie indignement "se rend coupable envers le corps et le sang du Seigneur" (1 Corinthiens
11:27). Le pain et le vin ne sont donc pas de simples images de son corps et de son sang, comme le
prétendent certains chrétiens, mais ils sont véritablement son corps et son sang. Un texte de la Bible
doit toujours être interprété dans son sens littéral, sauf s'il nous indique lui-même qu'il a un autre sens
que celui-là.
Nous croyons aussi qu'un texte comme le récit de la chute d'Adam et d'Eve doit être pris dans son
sens littéral. Cela signifie que la chute dans le péché s'est bien produite de la façon dont cela nous est
raconté, du fait que le diable, ayant pris l'apparence d'un serpent, réussit à séduire Eve et à lui faire
manger du fruit de l'arbre défendu, et qu'Adam se fit séduire par elle. Ce n'est pas une image ou une
petite histoire qui essaie d'expliquer comment le péché est entré dans le monde, mais c'est ainsi que
les choses se sont passées. Voilà pourquoi dans Romains 5:12-21, l'apôtre Paul se fonde sur ce texte
pour dire que par Adam le péché et la mort sont entrés dans le monde. Il se fonde aussi sur le récit
de la chute pour expliquer pourquoi la femme ne doit pas exercer dans l'Eglise le ministère de
l'enseignement (1 Timothée 2:12-14). Il ne pourrait pas faire cela si la chute ne s'était pas produite
comme cela est raconté dans Genèse 3.
Il est donc très important de donner à chaque mot de la Bible son sens habituel, sinon on finit par
lui faire dire n'importe quoi. Chaque fois qu'une phrase de l'Ecriture ne nous convient pas, nous
pourrions alors lui donner un autre sens. Le résultat serait que nous ferions dire à la Bible ce que nous
aimerions bien qu'elle dise. Elle ne serait plus alors la Parole de Dieu.
Mais il faut savoir aussi que beaucoup de mots ont plusieurs sens, et très souvent un sens figuré ou
imagé. Dans Esaïe 45:9, le prophète compare Dieu à un potier et les hommes aux vases et aux pots
qu'il façonne de ses mains. Tout le monde sait que Dieu n'est pas un potier dans le sens habituel du
mot et que les hommes ne sont pas des vases qui servent à puiser de l'eau ou des pots pour conserver
ou cuire les aliments. Il s'agit donc d'une image qui exprime l'idée que nous sommes ses créatures et
qu'il nous crée entièrement comme il le veut. La Bible dit aussi que Dieu est un berger. Pas un berger
qui garde des moutons quelque part dans la brousse, mais un berger qui nous garde et qui prend soin
de nous. Son troupeau n'est pas fait d'animaux, mais des hommes qui croient en lui et le suivent. C'est
encore une image qui exprime l'idée que Dieu nous aime, qu'il nous garde et qu'il prend soin de nous.
La Bible dit aussi que Dieu est notre Père (Matthieu 5:16; 6:9.14.26; 23:9). Il s'agit là aussi d'une
image, car Dieu n'est pas celui qui nous a engendrés. Notre père, au sens littéral du terme, est celui
qui nous a engendrés en fécondant notre mère. Mais le mot "père" évoque l'image de quelqu'un qui
aime ses enfants, les nourrit, les élève et en prend soin. C'est ce que Dieu fait pour nous. Pouvoir
adorer Dieu comme un Père est ce qui fait toute la beauté de la religion chrétienne.
Dans 1 Corinthiens 15:8, Paul affirme qu'il est un avorton. Il n'est pas cela au sens littéral du mot,
sinon il ne serait pas venu vivant au monde. Il utilise ce mot pour confesser qu'il ne méritait
absolument pas d'être un apôtre de Jésus-Christ parce qu'avant d'être converti, il avait haï le Christ
et persécuté les chrétiens.
Retenons qu'un mot a toujours un sens littéral et parfois aussi un sens figuré. Dans la Bible, un mot
a toujours son sens littéral, sauf quand la preuve est faite qu'il est utilisé dans un sens figuré.
3) Un texte de la Bible doit toujours être interprété dans son contexte :
On appelle contexte ce qui entoure un texte, le chapitre ou le paragraphe dans lequel il se trouve. Un
texte ne doit jamais être isolé, mais il faut l'étudier dans son contexte. En effet, si on l'isole, on peut
lui faire dire des choses qu'il ne veut pas dire du tout. En voici un exemple. L'apôtre Pierre écrit :
"L'amour efface un grand nombre de péchés" (1 Pierre 4:7). Si j'isole ce texte de son contexte, je peux
lui faire dire que par mon amour j'obtiens que mes péchés soient pardonnés, autrement dit que je
mérite le pardon en pratiquant l'amour. C'est une interprétation qui a été parfois donnée par les
théologiens catholiques pour expliquer que la foi ne suffit pas pour être pardonné et sauvé, mais qu'il
faut mériter le pardon en accomplissant de bonnes oeuvres. Cette interprétation est fausse car elle
contredit ce que la Bible enseigne au sujet du pardon et du salut. Et si on lit ce texte dans son
contexte, on comprend facilement que par notre amour nous n'effaçons pas nos péchés, mais
couvrons ceux des autres. Aimer son prochain, c'est refuser de raconter partout le mal qu'il a pu faire,
le cacher ou l'effacer, faire comme s'il n'existait pas. Voilà ce qu'affirme l'apôtre Pierre.
Dans Luc 7:36-50, on nous raconte comment une femme était venue verser du parfum sur les pieds
de Jésus. Le Seigneur dit d'elle : "Ses nombreux péchés ont été pardonnés car elle a beaucoup aimé"
(Luc 7:47) 47. Si on extrait ce verset
de son contexte, on pourrait lui faire dire que cette femme a mérité par son amour que Dieu lui
pardonne ses péchés. Le contexte nous fait comprendre que Jésus veut dire exactement le contraire
: ce n'est pas pour que Dieu lui pardonne qu'elle a montré beaucoup d'amour, mais elle l'a fait parce
qu'elle se savait pardonnée, parce qu'elle savait que Dieu ou Jésus lui avait fait grâce. C'est pour l'en
remercier qu'elle était venue verser du parfum sur les pieds du Christ.
Voici un autre exemple. Dans Jacques 2:24, il est dit que "l'homme est reconnu juste par Dieu à
cause des actes qu'il accomplit et pas uniquement à cause de la foi qu'il a". Si vous isolez ce texte de
son contexte, vous lui faites dire le contraire de tout ce que la Bible enseigne par ailleurs. En effet,
l'Ecriture Sainte enseigne que nous sommes justifiés par la foi, sans les oeuvres de la Loi (Romains
3:20; 4:1-8; Galates 2:16). Ce texte doit être lu dans son contexte. Or tout le contexte montre qu'une
foi qui ne produit pas d'oeuvres est une foi morte. Jacques fait la leçon à ceux qui disent : "J'ai la foi"
et qui vivent dans le péché en se disant que la foi les sauvera. Une telle foi ne sauve personne parce
que ce n'est pas une vraie foi.
Autre exemple : dans Jean 3:16, Jésus dit que Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils
unique pour que tous ceux qui croient en lui aient la vie éternelle. Or dans 1 Jean 2:15, l'apôtre nous
demande de ne pas aimer le monde. Comment la Bible peut-elle nous demander de ne pas aimer le
monde alors que Dieu l'aime? C'est que dans ces deux textes, le mot "monde" a un sens différent.
Dans le premier, il désigne tous les hommes. Dans le deuxième, il désigne le monde des incroyants
et des pécheurs. Le sens du mot n'est pas le même. Il faut lire ces deux textes dans leur contexte pour
les comprendre.
III. La Bible doit être interprétée selon un certain nombre de règles théologiques:
La Bible est un livre écrit dans des langues humaines, par des hommes et pour des hommes. C'est une
oeuvre littéraire qui, pour cette raison, ressemble à bien d'autres oeuvres littéraires. Elle est donc
profondément humaine et veut toucher le coeur des hommes. Seulement, comme cela a été attesté
clairement plus haut, elle n'est pas seulement parole d'hommes, mais aussi Parole de Dieu. Bien que les
prophètes et les apôtres aient écrit selon leur style propre et que chaque livre de la Bible reflète la
personnalité de son auteur, elle a Dieu pour auteur principal. Cela signifie que le Seigneur a inspiré les
auteurs de la Bible pour qu'ils écrivent ce qu'il a voulu qu'ils écrivent et de la façon dont il l'a voulu. Elle
est donc Parole de Dieu dans tout ce qu'elle affirme. Et c'est pour cela qu'elle est la source et la norme de
la foi, de la doctrine et de la vie chrétiennes. Elle possède à ce titre un certain nombre de qualités ou de
particularités que ne possède aucun autre livre humain. Nous les avons évoquées plus haut. Nous nous
contenterons donc de rappeler ici qu'elle est revêtue d'une autorité divine à laquelle aucun homme n'a le
droit de porter atteinte. Elle nous révèle la vérité de Dieu de façon infaillible et inerrante, ce qui signifie
qu'elle ne contient aucune erreur.
Il s'ensuit que l'Ecriture Sainte doit être interprétée selon un certain nombre de règles que nous appellerons
théologiques car elles découlent directement de son inspiration et origine divines. Nous en exposerons les
principales.
1) La Bible utilise souvent des anthropomorphismes. Cela signifie que puisque Dieu ne peut pas être décrit tel qu'il est en lui-même, elle le décrit souvent comme s'il était un homme :
Nous venons de voir que la Bible compare Dieu à un potier, un berger ou un père. Ce sont des
images. Souvent elle le décrit aussi comme s'il avait un corps humain. Elle parle de ses yeux
(Deutéronome 11:12. 32:10; Psaume 11:4; 33:18; Luc 1:48), de ses oreilles (2 Samuel 22:7; Psaume
116:2), de ses mains (Exode 9:3; Nombres 11:23; Juges 2:15; Job 12:9; Psaume 31:6; 75:9) ou de
ses bras (Deutéronome 33:27; Esaïe 40:10; 52:10). Or Dieu n'a pas de corps; il n'a donc rien de tout
cela. C'est pourquoi, il s'agit là aussi d'images pour nous faire comprendre qu'il voit et sait tout, qu'il
entend nos prières, qu'il agit avec force et qu'il nous protège.
La Bible dit aussi que Dieu se met en colère (Lévitique 10:6; Deutéronome 1:37; 1 Rois 11:9), qu'il
rit quand il voit les hommes s'agiter (Psaume 2:4; 37:13; 59:9) ou qu'il se moque d'eux (Psaume 2:4;
Proverbes 3:34), ou encore qu'il s'est repenti d'avoir créé le monde (Genèse 6:6) ou d'avoir voulu
punir son peuple (Exode 32:14). Elle lui attribue donc un corps humain, mais elle lui prête aussi des
sentiments humains et nous le décrit se conduisant comme un homme pour nous aider à mieux le
connaître, à mieux comprendre comment il est et comment il se comporte. On appelle cela des
"anthropomorphismes". Ces descriptions de Dieu ne doivent pas être prises au sens littéral. Ce sont
des images qui veulent nous aider à nous le représenter tel qu'il est.
2) La Bible diffère de tous les autres livres de ce monde en ce qu'elle est Parole de Dieu dans un sens unique du terme :
L'Ecriture Sainte, quoique écrite par des hommes pour des hommes, est un spécimen unique de la
littérature mondiale en ce sens qu'elle est le résultat de l'action miraculeuse de Dieu le Saint-Esprit
sur les prophètes, les apôtres et tous ceux qui ont participé à sa rédaction. Elle est divinement inspirée,
mais pas de la façon dont on a l'habitude de dire cela d'un beau cantique ou d'un sermon. L'inspiration
divine consiste en ce que Dieu s'est emparé de l'intelligence, de l'esprit et du coeur des prophètes et
des apôtres de sorte qu'il leur a communiqué sa Parole et la leur a fait retransmettre de la façon voulue
par lui, si bien qu'il en est le véritable auteur. Ces hommes, inspirés par lui, ont retransmis et écrit ce
qu'il a voulu qu'ils écrivent et de la façon voulue par lui. On ne peut dire cela d'aucun autre livre écrit
par les hommes.
3) La Bible doit être lue et interprétée à l'aide de la raison humaine, mais celle-ci ne doit jamais s'arroger le droit de critiquer son contenu :
Luther disait que la raison doit être la servante de la Bible et non sa maîtresse. Elle doit rester
soumise à son enseignement et ne jamais chercher à le dominer. Il écrit par exemple : "L'Ecriture
Sainte ne vient pas des juifs, ni des saints, ni des anges, et encore moins des démons, mais elle est de
Dieu seul. Lui seul l'a dite et écrite. C'est à lui de l'expliquer et de l'interpréter là où c'est nécessaire.
Les démons et les hommes ne sont que des élèves et des auditeurs" 48. "La Parole de Dieu est Parole de Dieu. Il
n'y a là rien à contester. Quiconque accuse Dieu de mentir en un seul point ou estime qu'il importe
peu qu'il soit blasphémé et accusé de mensonge, blasphème Dieu tout entier... Il y a un Dieu unique
qu'on ne peut pas partager ou louer sur un point et réprimander sur un autre" 49.
La Formule de Concorde, une des Confessions de foi de l'Eglise luthérienne, déclare : "Nous
croyons, enseignons et confessons que les livres prophétiques et apostoliques de l'Ancien et du
Nouveau Testament constituent la seule règle ou norme selon laquelle toutes les doctrines et tous les
docteurs doivent être appréciés et jugés... Ainsi, nous maintenons rigoureusement la différence qui
sépare les écrits sacrés de l'Ancien et du Nouveau Testament d'avec les autres écrits. La Sainte
Ecriture reste la seule règle et la seule norme. Elle seule a l'autorité de juger. Elle est comme la pierre
de touche à laquelle il faut éprouver toutes les doctrines pour reconnaître si elles sont bonnes ou
mauvaises, vraies ou fausses" 50.
Cela signifie que notre intelligence, notre raison et les connaissances que nous procurent
l'archéologie, l'histoire, la géographie ou la linguistique sont des outils dont nous devons nous servir
pour bien comprendre l'Ecriture Sainte, mais elles ne doivent jamais s'ériger en juge de son
enseignement. Jamais elles n'ont le droit de dire : "Ceci n'est pas vrai parce que ce n'est pas possible
et qu'on ne peut pas le croire". Si la raison humaine se met à critiquer, juger et corriger ce qu'affirme
la Bible, elle se place au-dessus de la Parole de Dieu. Si nous déclarons : "Nous ne pouvons pas croire
que Jésus-Christ est vrai Dieu parce qu'on ne peut pas être à la fois Dieu et homme", ou bien : "Je ne
peux pas croire que Jésus est ressuscité des morts parce qu'on n'a jamais vu un mort sortir de sa
tombe", ou bien encore : "Je ne peux pas croire que le corps et le sang de Jésus-Christ sont réellement
présents dans la Sainte Cène parce qu'ils sont dans le ciel et non pas sur la terre et qu'on ne les voit
et ne les sent pas quand on va communier", nous plaçons notre raison et notre intelligence au-dessus
de l'Ecriture Sainte. Dans ce cas, l'Ecriture Sainte n'est plus reconnue comme la Parole que Dieu nous
a donnée et comme la vérité suprême à laquelle tout homme doit se soumettre.
L'apôtre Paul écrit aux chrétiens de Corinthe : "Nous renversons tout ce que l'on dresse
orgueilleusement contre la connaissance de Dieu. Nous faisons prisonnière toute pensée pour l'amener
à obéir au Christ" (2 Corinthiens 10:5). Notre raison doit se soumettre à la connaissance de Dieu et
nos pensées obéir à Jésus-Christ. Où pouvons-nous connaître Dieu et l'Evangile de Jésus-Christ? Dans
la Bible, tout simplement. La raison ou l'intelligence humaine ne doit donc en aucun cas se placer au-
dessus d'elle et juger ou critiquer son enseignement.
4) Un théologien luthérien souscrit aux Confessions de foi de l'Eglise luthérienne. Cela présuppose qu'il accepte l'attitude de ces Confessions de foi concernant la nature et l'interprétation de l'Ecriture Sainte :
Il n'existe pas dans les Confessions de l'Eglise luthérienne d'article consacré à l'Ecriture Sainte, son
inspiration et son autorité. Cependant, quiconque les connaît sait qu'elles confessent son inspiration,
son autorité et son infaillibilité ou inerrance divines. Ce n'était pas là matière à controverse au
XVIº siècle. On ne débattait pas de cela, mais d'autres questions doctrinales. Aussi le besoin
d'y consacrer un article ne s'était-il pas fait ressentir. Souscrire aux Confessions de l'Eglise luthérienne
comme "norma normata" (norme normée) revient donc à confesser que la Bible est "norma normans"
(norme normante et donc souveraine) et à s'incliner devant elle, à accepter son enseignement. Voici
ce que la Formule de Concorde dit à ce sujet : "Nous reconnaissons sans réserve l'autorité des livres
prophétiques et apostoliques de l'Ancien et du Nouveau Testament, sources pures et limpides d'Israël,
et nous croyons que les Saintes Ecritures sont la règle unique et sûre d'après laquelle il faut examiner
tous les dogmes, juger de toutes les doctrines et apprécier tous les docteurs" 51. Cela revient aussi à accepter les règles
d'interprétation qui sont manifestement celles de la Réforme et dont on retrouvera l'essentiel dans les
pages qui suivent.
5) La Bible poursuit un but précis. Il ne faut donc pas s'attendre à ce qu'elle réponde à toutes les questions que nous nous posons :
Quel est le but de la Bible? L'apôtre Paul écrit à Timothée : "Depuis ton enfance tu connais les
Saintes Ecritures. Elles peuvent te donner la sagesse qui conduit au salut par la foi en Jésus-Christ.
Toute Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, réfuter l'erreur, corriger les fautes et former
à une juste manière de vivre, afin que l'homme de Dieu soit parfaitement préparé et équipé pour
accomplir toute bonne oeuvre" (2 Timothée 3:15-17). Son but? Nous donner la sagesse qui conduit
au salut. Nous révéler la vérité, corriger nos erreurs, nous faire connaître tout ce que nous devons
savoir pour être sauvés et vivre chrétiennement.
La Bible nous parle-t-elle de la création du monde? Bien sûr, puisque Dieu est le Créateur de toutes
choses. Mais elle ne le fait pas de la même façon que la science. Elle nous dit de la création du monde
ce que Dieu a voulu lui faire dire et proclame la toute-puissance, l'infinie sagesse et la grande bonté
du Créateur du ciel et de la terre. La Bible décrit-elle l'univers avec ses étoiles et ses galaxies? Oui,
mais d'une autre façon et avec d'autres mots que l'astronomie. Décrit-elle les animaux et les plantes?
Oui, mais pas comme le font la zoologie ou la botanique.
Fait-elle de l'histoire? Oui, mais selon d'autres critères que les historiens. Prenons deux exemples.
L'un concerne un roi de Juda, Ezékias, qui a fait beaucoup pour ramener le peuple à l'obéissance au
Seigneur. Son règne est raconté dans deux textes, 2 Rois 18-20 et 2 Chroniques 29-32. Si on les
compare, on constate qu'ils sont très différents. 2 Rois 18-20 raconte surtout la guerre qu'Ezékias dut
mener contre les armées assyriennes venues envahir le pays, tandis que 2 Chroniques 29-32 ne
s'intéresse pas particulièrement à cet aspect de son règne, mais raconte dans le détail tout ce qu'il a
fait pour lutter contre l'idolâtrie et rouvrir le temple au culte de Dieu. Il n'y a aucune contradiction
entre les deux textes, mais ils sont très différents l'un de l'autre. Leurs auteurs ont voulu nous
présenter des aspects très différents du règne de ce souverain. Aucun n'a voulu faire un travail
d'historien, raconter la vie de ce roi dans tous ses détails. Nous croyons cependant que ce que chacun
a écrit à son sujet est vrai.
L'autre exemple sont les quatre évangiles. Ils racontent tous la vie de Jésus, mais chacun le fait à sa
façon. Aucun ne prétend être complet. Ils ne prétendent pas davantage raconter les événements dans
l'ordre précis dans lequel ils se sont produits. Les évangélistes ne sont pas des historiens. Pourtant,
nous pouvons être certains qu'ils nous racontent effectivement ce qu'ils ont vu et entendu. Ils sont des
témoins crédibles de la vie de Jésus-Christ, les seuls du reste dont le témoignage nous soit parvenu.
Et chacun écrit son évangile en fonction de ce qui lui a paru le plus important pour les gens auxquels
il le destinait. Il faut savoir en effet que ces destinataires n'étaient pas les mêmes. Tel évangéliste a
écrit son évangile pour les juifs habitant la Palestine, et tel autre pour les juifs de la diaspora, ceux
qui étaient dispersés dans le monde entier. Un tel a écrit son évangile pour les chrétiens d'origine
juive, et tel autre pour les chrétiens d'origine païenne.
Il ne faut donc pas demander à la Bible qu'elle réponde à toutes nos questions et quelle le fasse de
façon scientifique à la manière de l'astronomie, de l'histoire, de la géographie, de la zoologie, de la
botanique et ou d'autres sciences. Tout ce qu'elle dit est dit de la façon voulue par Dieu. Son
témoignage est donc vrai en toutes choses et veut être cru, mais elle ne doit pas être lue comme un
traité scientifique ou un livre d'histoire. Elle poursuit un but : faire de nous des enfants de Dieu, nous
aider à croire en lui et à le servir, et nous procurer le pardon et la vie éternelle. C'est pour cela qu'elle
nous a été donnée.
6) La révélation de Dieu est progressive :
Dieu nous traite un peu comme une mère ses enfants. Elle les allaite tout d'abord pendant un certain
temps. Puis elle leur donne du lait animal et leur prépare progressivement de la nourriture à base de
bouillies, de légumes, de viandes et de fruits. Dieu agit de même. Il s'est révélé progressivement à son
peuple. Le jour même de la chute d'Adam et d'Eve, il leur a donné une promesse de salut, en disant
au serpent : "Je mettrai l'hostilité entre la femme et toi, entre sa descendance et la tienne. La sienne
t'écrasera la tête, tandis que tu la mordras au talon" (Genèse 3:15). C'était la toute première promesse
d'un Sauveur. Par la suite, Dieu précisa cette promesse quand il conclut une alliance avec Abraham,
Isaac et Jacob, puis avec le peuple d'Israël. Régulièrement, les prophètes apportaient des précisions
nouvelles, si bien qu'Israël put finalement se faire une idée précise du Sauveur qui devait venir. Quant
à nous qui vivons des siècles après Jésus-Christ, qui pouvons lire les évangiles et les épîtres de ceux
qui l'ont vu de leurs yeux et entendu de leurs oreilles, nous en savons beaucoup plus sur lui que les
juifs de l'Ancien Testament.
La révélation de Dieu a été progressive et continue. Elle a culminé en la personne du Christ, ce qui
fait dire à l'auteur de l'épître aux Hébreux : "Autrefois Dieu a parlé à nos ancêtres à plusieurs reprises
et de plusieurs manières par les prophètes, mais dans ces jours qui sont les derniers il nous a parlé par
son Fils" (Hébreux 1:1.2). Il est donc normal que nous ayons dans le Nouveau Testament sur certaines
grandes doctrines de la foi chrétienne comme la Trinité, la rédemption ou la résurrection des morts
beaucoup plus d'informations que dans l'Ancien Testament. Cela ne signifie pas que la religion
révélée par la Bible ait évolué et se soit modifiée avec le temps, mais que sa révélation s'est faite de
façon progressive. Il faut savoir cela pour ne pas exiger de l'Ancien Testament autant de détails et de
précisions que du Nouveau. Cela signifie qu'une doctrine donnée n'est pas entièrement révélée dans
un seul et même texte et qu'il faut chercher les compléments d'information sur cette doctrine ailleurs
dans la Bible. Par exemple, Jean 3:5.6 n'est pas la seule chose que la Bible nous dise du Baptême
institué par Jésus-Christ. Pour avoir une notion aussi complète que possible de ce sacrement, il faut
consulter les autres textes bibliques qui en parlent.
7) Bien interpréter la Bible, c'est savoir qu'il existe entre l'Ancien et le Nouveau Testament un lien très étroit dont l'interprétation doit toujours tenir compte : le Nouveau Testament est l'accomplissement de l'Ancien. Cela signifie aussi que Jésus-Christ est au centre de toute l'Ecriture Sainte.
Le Christ ressuscité dit aux disciples d'Emmaüs : "Hommes sans intelligence, que vous êtes
lents à croire tout ce qu'ont annoncé les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Messie souffre ainsi avant
d'entrer dans sa gloire?... Puis il leur expliqua ce qui était dit à son sujet dans l'ensemble des Ecritures,
en commençant par les livres de Moïse et en continuant par tous les livres des prophètes" (Luc
24:25.27). L'apôtre Pierre affirme : "Tous les prophètes ont parlé de lui, en disant que tout homme
qui croit en lui reçoit le pardon de ses péchés par le pouvoir de son nom" (Actes 10:43).
Un Père de l'Eglise bien connu, saint Augustin, écrit : "Le Nouveau Testament est caché dans
l'Ancien et l'Ancien se manifeste dans le Nouveau". Les cérémonies et les rites de l'Ancien Testament
tels que les sacrifices prescrits par Moïse n'avaient rien à voir avec les sacrifices des païens. Ils
n'étaient en aucune façon des moyens d'obtenir les faveurs de Dieu, son pardon et son salut, mais
annonçaient le grand sacrifice que Jésus allait apporter quand il viendrait dans le monde. C'est dans
la foi en ce Sauveur promis que les sacrifices prescrits dans l'Ancien Testament devaient être apportés
au Seigneur et qu'ils procuraient le pardon et le salut. Quant aux nombreuses lois qui avaient été
données au peuple d'Israël, elles n'étaient pas des moyens de salut, mais enseignaient aux juifs
comment ils devaient servir le Seigneur en le remerciant pour le pardon et le salut qu'il leur offrait
dans son amour. Il faut donc lire l'Ancien Testament à la lumière du Nouveau.
Interpréter correctement la Bible signifie comprendre que dans de très nombreux textes de l'Ancien
Testament il est, directement ou indirectement, question du Messie et bien expliquer cela. Il suffit,
pour bien le comprendre, de penser à tous les textes prophétiques qui sont cités dans le Nouveau
Testament et à propos desquels il est dit que ce qui avait été annoncé par les prophètes s'est accompli
en Jésus-Christ. C'est particulièrement frappant quand on lit l'évangile de Matthieu, l'épître de Paul
aux Romains, la première épître de Pierre ou l'épître aux Hébreux.. Sans parler de nombreux textes
de l'Ancien Testament qui, sans être cités dans le Nouveau Testament, annoncent eux aussi le Christ,
des personnages qui le préfigurent et des rites et gestes qui évoquent l'oeuvre qu'il viendra accomplir.
Une interprétation correcte de l'Ancien Testament est donc une interprétation qui sait y trouver le
Christ partout où il est présent, et il l'est beaucoup. Elle respecte le lien étroit qui existe entre la
prédiction et l'accomplissement. En un mot, une bonne interprétation est une interprétation qui voit
Jésus-Christ au centre de toute la Bible. Jésus dit de lui-même : "Je suis l'Alpha et l'Oméga, le premier
et le dernier, le commencement et la fin" (Apocalypse 1:8; 21:6; 22:13). Il est cela partout, dans le
plan de Dieu, dans l'histoire de son Eglise et bien sûr aussi dans la Bible. C'est ce qui lui fit dire à ses
adversaires qui ne voulaient pas croire en lui : "Vous étudiez les Ecritures parce que vous pensez
trouver en elles la vie éternelle. Ce sont justement elles qui parlent de moi!" (Jean 5:39).
Ainsi, le sola Scriptura de la Réforme est en même temps un solus Christus. L'Ecriture est tout
entière centrée sur le Christ, le chemin, la vérité et la vie, en dehors duquel il n'y a pas de salut.
Ignorer cela, c'est passer à côté de son message principal. Sans le principe matériel de la Réforme (le
solus Christus, le sola gratia et le sola fide), son principe formel (le sola Scriptura ) ne peut être que
mécompris et érigé en une règle sans contenu.
Le christocentrisme de l'Ecriture Sainte est le garant de son unité. Etant donné que le même Dieu
énonce partout dans la Bible le même message du salut par la foi en Christ, l'Ecriture présente une
unité organique de son enseignement aussi bien à l'intérieur de l'Ancien et du Nouveau Testament que
dans le rapport entre les deux. Et cela, malgré les différences de style d'un auteur à l'auteur, malgré
aussi les différents genres littéraires auxquels ils recourent et dont nous aurons encore l'occasion de
parler, malgré les nuances et les accentuations différentes qu'on constate jusque dans les récits
parallèles d'un même événement. Diversité ne signifie en aucun cas manque d'unité ou contradiction.
L'unité de la Bible est garantie par le fait qu'elle a un auteur unique et un contenu central, Jésus-Christ.
8) La Bible doit être interprétée de façon à distinguer correctement la Loi et l'Evangile:
Il existe deux messages dans la Bible. L'un s'appelle la Loi, l'autre l'Evangile. La Loi est le message
dans lequel Dieu exprime sa sainte volonté et exige une obéissance totale. En nous expliquant la
volonté de Dieu, elle nous montre où et comment nous la violons et désobéissons au Seigneur. Elle
met donc le doigt sur nos péchés, nous accuse et nous condamne. L'Evangile, au contraire, est le
message de la Bible dans lequel Dieu nous dit qu'il nous aime tels que nous sommes, malgré nos
péchés, et qu'il a conçu un plan pour nous sauver : Jésus-Christ, son Fils, est devenu homme et nous
a rachetés par sa vie sainte, ses souffrances et sa mort innocentes et sa résurrection triomphante.
"Evangile" signifie Bonne Nouvelle. C'est la Bonne Nouvelle que nos péchés sont pardonnés et que
nous sommes sauvés par la foi en Christ. Il n'y a dans l'Evangile aucune exigence, accusation ou
menace, mais rien que des promesses et des consolations, comme l'affirme le Christ : "Allez dans le
monde entier et annoncez la Bonne Nouvelle à tous les hommes. Celui qui croira et sera baptisé sera
sauvé" (Marc 16:15).
Ce sont là les deux grands messages de la Bible, et chacun de ses textes est ou bien Loi ou bien
Evangile. Un texte ou un événement de la Bible est là pour nous montrer nos péchés et nous appeler
à la repentance ou bien pour nous consoler avec la promesse du pardon et du salut et nous encourager
à croire. Parfois, un texte ou un événement de l'Ecriture peut faire les deux, annoncer à la fois la Loi
et l'Evangile. C'est ainsi que la mort de Jésus-Christ nous enseigne deux choses : que Dieu est saint
et juste et exige que le péché soit puni, et qu'il est bon et miséricordieux et veut sauver le pécheur.
Mais la Loi n'est jamais Evangile, et l'Evangile n'est jamais Loi. Il est donc très important de ne pas
changer la Loi en Evangile ni l'Evangile en Loi. Changer la Loi en Evangile serait adoucir ses
exigences et présenter le Seigneur comme un Dieu qui ne punit pas et qui n'exige aucune repentance
pour sauver les hommes. Changer l'Evangile en Loi, c'est oublier que les promesses de Dieu sont
gratuites et que le salut ne se mérite pas, l'assortir de conditions et retirer à ses promesses ce qu'elles
sont de merveilleusement consolant. Il faut donc, quand on interprète des textes de la Bible, se
demander s'ils font partie de la Loi ou de l'Evangile et ne jamais mélanger les deux. C'est fondamental
quand il s'agit d'expliquer des textes où il est question des rapports entre les actes de Dieu et ceux des
hommes, entre la foi et les oeuvres, entre le péché et la grâce. Seule une distinction correcte de la Loi
et de l'Evangile permet de bien les comprendre, sans transformer la Loi en un Evangile ni l'Evangile
en une Loi. Prêcher l'Evangile, par exemple, et demander ensuite aux gens de prier jusqu'à ce que
Dieu accepte de les accueillir et de leur faire grâce ou leur demander de faire tout ce qu'il faut pour
être dignes de la grâce de Dieu, c'est procéder à un affreux mélange des deux.
Il faut aussi savoir discerner dans tout texte de la Bible la part de Loi ou d'Evangile ou la part des
deux qu'il contient. Le récit de la chute dans Genèse 3 annonce à la fois la Loi et l'Evangile. Celui du
déluge également. Le récit de l'Exode, cette délivrance miraculeuse que Dieu accorda à son peuple,
est une préfiguration grandiose de la délivrance finale promise dans l'Evangile à tous ceux qui croient.
Quand Israël désobéit à Dieu, celui-ci lui annonça qu'il partirait en exil à Babylone. Mais Dieu était
tenu aux promesses messianiques qu'il avait faites et assura donc son peuple qu'il rentrerait de l'exil.
Il y a là la Loi et l'Evangile. Ce sont autant de choses qu'il faut discerner et exposer avec soin. Un
théologien ou prédicateur luthérien fait très attention à bien distinguer Loi et Evangile. Il sait que c'est
indispensable pour interpréter correctement les textes de l'Ecriture.
9) La Bible doit être interprétée selon l'analogie de la foi :
Qu'est-ce que cela veut dire? Cela signifie que l'interprétation d'un texte de la Bible ne doit jamais
se faire en contradiction avec ce qu'elle enseigne par ailleurs. Pour dire les choses autrement :
l'interprétation d'un texte doit toujours être conforme à l'ensemble de la révélation divine. Elle est
Parole de Dieu. C'est pourquoi elle ne peut pas se contredire. Tout se tient dans son enseignement et
il existe une unité profonde dans tout ce qu'elle révèle. Supposons que deux théologiens proposent
deux interprétations différentes d'un texte. Si l'une des deux est contraire à ce que la Bible enseigne
par ailleurs, elle est nécessairement fausse et doit donc être rejetée. Une interprétation de ce que
Jacques écrit au sujet de la justification (Jacques 2:14-26) est à rejeter catégoriquement si elle
contredit l'enseignement que nous donne l'apôtre Paul. Toute interprétation qui fait se contredire la
Bible ne peut être que fausse.
Prenons un autre exemple. Dans Colossiens 1:24, l'apôtre Paul écrit : "Je me réjouis des souffrances
que j'éprouve pour vous. Car ainsi, en ma personne, j'aide à compléter ce qui manque encore aux
souffrances du Christ pour son corps, qui est l'Eglise". Affirmer sur la base de ce texte que Paul
complète le sacrifice rédempteur du Christ en finissant d'expier les péchés des chrétiens serait tout
à fait contraire à l'analogie de la foi, à tout ce que l'Ecriture Sainte enseigne au sujet du Christ et de
son oeuvre. Jésus-Christ a tout fait pour acquérir aux hommes la délivrance et le salut. Encore faut-il
leur annoncer cette bonne nouvelle, et cela ne va pas sans souffrances. Voilà pourquoi Paul dit qu'il
complète ce que le Christ a fait.
L'apôtre Pierre écrit : «Avant tout, ayez les uns pour les autres un ardent amour, car l'amour couvre
une multitude de péchés» (1 Pierre 4:8). Des théologiens catholiques ont affirmé sur la base de ce
texte qu'en pratiquant l'amour chrétien, on pouvait couvrir, expier ses péchés, mériter le pardon. Une
telle interprétation contredit de façon flagrante la doctrine biblique du pardon. Ce que Pierre veut
dire, c'est que l'amour que nous avons pour le prochain nous incite à couvrir ses fautes, à les cacher,
à ne pas les divulguer.
Dans Apocalypse 20:4, il est dit que les croyants "revinrent à la vie et régnèrent avec le Christ
pendant mille ans". Une interprétation qui fait dire à ce texte que Jésus-Christ reviendra un jour sur
cette terre avant la fin du monde, qu'il remportera une grande victoire militaire sur les puissances du
mal et qu'il siégera à Jérusalem et établira ici-bas un règne glorieux qui durera mille ans, pendant
lequel il n'y aura plus de péché ni de mort sur terre, est en contradiction flagrante avec ce qu'il dit lui-
même à Ponce Pilate au sujet de son Royaume qui n'est pas de ce monde et avec tout l'enseignement
de la Bible concernant la fin des temps. Voici un autre exemple : Jésus dit un jour que ni lui ni les
anges ne connaissent le jour et l'heure de la fin du monde, que le Père céleste est seul à les connaître
(Marc 13:32). Une interprétation de ce texte qui affirmerait que Jésus n'est pas vrai Dieu puisqu'il ne
sait pas tout est à rejeter, car elle contredirait l'enseignement clair de textes tels que 1 Jean 5:20; Jean
1:1-5; 20:28.
L'interprétation des textes de la Bible doit tenir compte de l'ensemble de son enseignement et ne peut
en aucun cas la faire se contredire. Luther et d'autres grands théologiens chrétiens disaient que
l'Ecriture est sa propre interprète ou qu'elle s'interprète elle-même.
10) C'est sur les textes où elles sont clairement révélées qu'il faut fonder les doctrines de l'Ecriture Sainte :
Il existe dans la Bible des textes bien précis où sont enseignées un certain nombre de doctrines. On
les appelle en théologie les «sièges des doctrines» 52. C'est dans ces textes et non ailleurs qu'il faut chercher ce qu'elle
enseigne à ce sujet. Zwingli, le Réformateur de Suisse, ne croyait pas que le corps et le sang de Jésus-
Christ sont réellement présents dans la Sainte Cène, mais affirmait qu'ils sont simplement symbolisés
par le pain et le vin. Quand il rencontra Luther pour comparer leur enseignement, il lui cita ce que
Jésus dit dans Jean 6:63 : "C'est l'Esprit qui vivifie; la chair ne sert à rien" 53. Il croyait ainsi avoir prouvé que Jésus lui-
même niait la présence réelle de son corps et de son sang dans le sacrement. Son erreur était de citer
un texte où il n'est pas question de la Sainte Cène. Ce n'est pas dans un texte de ce genre qu'il chercher
la vérité sur ce sacrement.
Dans Matthieu 25:31-46, Jésus raconte ce qui se passera au jour du jugement dernier. Ce jour-là, il
mettra à sa droite et sauvera ceux qui auront donné à manger à ceux qui avaient faim, à boire à ceux
qui avaient soif, qui auront visité les prisonniers et accueilli les étrangers, tandis qu'il mettra les autres
à sa gauche et les condamnera. Ce serait une grave erreur d'en conclure, comme le font certains, qu'on
peut être sauvé sans connaître Jésus et croire en lui, qu'il suffit de faire du bien autour de soi pour
obtenir le pardon des péchés et la vie éternelle. Ce texte, en effet, n'enseigne pas comment on obtient
le pardon et le salut, mais affirme selon quels critères nous serons jugés. Ce n'est pas la même chose.
La doctrine du pardon et du salut est enseignée dans d'autres textes que celui-là. Il ne faut donc pas
la chercher ici, mais ailleurs.
Dans la parabole du serviteur impitoyable, le maître fit jeter son serviteur en prison "pour y être puni
en attendant qu'il ait payé toute sa dette" (Matthieu 18:34). Il serait faux d'en déduire, comme l'ont
fait des théologiens catholiques, qu'il existe entre le paradis et l'enfer un troisième endroit appelé le
purgatoire dans lequel on reste un certain temps pour y expier ses fautes, après quoi on en sort pour
aller au paradis. L'enseignement de la Bible sur l'au-delà et le sort des défunts nous est donné dans
d'autres textes que celui-là. Ce sont ces textes-là qu'il faut consulter pour savoir quel sort attend les
morts.
11) Les textes difficiles de la Bible doivent être interprétés à la lumière des textes simples:
La Parole de Dieu est une lampe à nos pieds, une lumière sur notre sentier (Psaume 119:105), une
"lampe qui brille dans un lieu obscur" (2 Pierre 1:19). Cependant, tous ceux qui connaissent la Bible
savent qu'il existe des textes plus difficiles à comprendre que d'autres. L'apôtre Pierre écrit au sujet
des épîtres de Paul : "Il y a, dans ses lettres, des passages difficiles à comprendre, et des gens
ignorants et sans fermeté en déforment le sens, comme ils le font d'ailleurs avec d'autres parties des
Ecritures. Ils causent ainsi leur propre perte" (2 Pierre 3:16). C'est vrai en particulier de certains textes
prophétiques qui annoncent tout ce qui se produira dans la suite des temps. Comment faut-il par
exemple expliquer le texte qui annonce qu'un jour les peuples monteront sur la montagne du Seigneur,
qu'il n'y aura plus de guerre, qu'on transformera les armes en outils agricoles (Esaïe 2:1-5)? Ou le
texte selon lequel le loup vivra en compagnie de l'agneau, que la panthère se couchera avec le
chevreau, que le lion mangera de l'herbe et que le petit enfant jouera avec les serpents (Esaïe 11:1-
10)? Ces textes sont-ils à prendre au sens littéral ou utilisent-ils des images? Décrivent-ils le monde
d'aujourd'hui, le monde tel qu'il sera un jour ou le nouveau monde que Dieu créera dans l'éternité,
c'est-à-dire le paradis céleste? Pour bien comprendre ces textes, sans risque de se tromper, il faut les
étudier à la lumière de textes plus faciles.
Comment faut-il comprendre certains textes particulièrement difficiles de l'Apocalypse? Le texte par
exemple où on nous dit que le dragon poursuivit la femme qui allait enfanter pour dévorer l'enfant
qu'elle allait mettre au monde (Apocalypse 12)? Ou comment interpréter Apocalypse 7:71-8? Faut-il
en conclure que seuls 144.000 hommes seront sauvés? Ce sont des textes difficiles dont
l'interprétation est délicate et exige beaucoup de prudence. Il faut les expliquer à la lumière de textes
plus faciles à comprendre.
12) Pour bien interpréter un texte, il faut tenir compte du genre littéraire auquel il appartient :
Il existe dans le domaine littéraire une multitude de genres différents : des récits historiques qui
racontent des événements du passé, des codes civils ou pénaux qui contiennent des lois et prévoient
les châtiments à infliger aux transgresseurs, des romans qui mettent en scène des personnages fictifs
et racontent des faits imaginaires, des poèmes dans lesquels des gens qui sont de vrais artistes de la
langue expriment de façon imagée leurs sentiments et leurs émotions, des contes et des légendes, des
petites histoires qu'on se raconte pour illustrer une réalité de la vie de tous les jours ou pour se
distraire, etc. Cela existe dans pratiquement toutes les civilisations du monde.
Il en va de même de la Bible. Elle contient des textes qui appartiennent à des genres littéraires très
différents les uns des autres. Voici les principaux :
Prenons par exemple le récit de la transfiguration du Christ dans Matthieu 17:1-9. Voilà un texte qui
raconte l'expérience que vécurent les apôtres Pierre, Jacques et Jean quand ils accompagnèrent Jésus
au sommet d'une montagne, qu'ils le virent dans toute sa majesté et entendirent la voix de Dieu qui
disait que c'était son Fils bien-aimé. Ce n'est ni un poème, ni un conte, ni une parabole, mais le récit
de quelque chose qui s'est produit tel que l'évangéliste nous le raconte, et il n'existe aucune raison de
douter de l'événement. Chaque mot est à prendre dans son sens littéral. Il en va de même des récits
de la naissance, de la passion, de la mort, de la résurrection ou de l'ascension du Christ. Ou de tant
de récits de l'Ancien comme du Nouveau Testament, comme le passage de la Mer Rouge, la traversée
du désert, l'entrée dans le pays de Canaan, les conquêtes du roi David, la construction du temple par
Salomon, la déportation à Babylone, le retour des exilés en Palestine, la naissance de Jean-Baptiste,
le baptême et le ministère du Christ, la conversion de l'apôtre Paul, etc.
Nous considérons, bien sûr, comme historiques les récits de miracles de la Bible. Cela signifie qu'ils
racontent les miracles tels qu'ils ont été accomplis par le Christ, les prophètes et les apôtres. Nous
insistons là-dessus, car bien des théologiens rangent les récits de miracles dans un genre littéraire
particulier et considèrent qu'ils ne rapportent pas nécessairement les choses telles qu'elles se sont
déroulées, mais qu'ils contiennent des éléments légendaires.
Qu'en est-il des chapitres qui nous racontent la création du monde? Ils nous disent comment Dieu
créa le ciel et la terre, les plantes, les animaux et le premier couple d'hommes. Et ils le racontent de
la façon voulue par Dieu. C'est ainsi que le Seigneur a voulu que nous soit raconté le plus grandiose
des miracles, la création de l'univers à partir de rien. Nous sommes donc liés à ce que nous dit ce
texte. Cependant ce n'est pas un récit historique dans le sens habituel du terme, puisqu'il n'y a pas eu
de témoin des faits et que Moïse qui nous a légué ce texte n'a pas vu de ses propres yeux ce qu'il
raconte et a peut-être, sous l'inspiration du Saint-Esprit, utilisé un matériel littéraire existant tel que
des tablettes qu'on se passait de génération en génération dans les familles des patriarches, ou bien
puisé dans la tradition orale. Quand un prophète de Dieu plonge son regard inspiré dans le passé ou
dans l'avenir et raconte ce qu'il n'a pas vécu et qu'il ne vivra pas personnellement, on a l'habitude de
dire qu'il prophétise. Il est sans doute pour cette raison permis de dire que le récit de la création est
un texte prophétique comme sont prophétiques les pages de la Bible qui annoncent le retour du Christ
et la fin du monde. Elles relatent des faits réels, mais le font dans un style prophétique. Voilà
pourquoi le récit biblique de la création est fondamentalement différent d'un rapport scientifique.
Ce sont des textes qui enseignent des doctrines et les exposent dans le détail. Ils expliquent des
vérités qui font partie de la foi chrétienne. On les trouve essentiellement dans le Nouveau Testament,
dans le Sermon sur la montagne (Matthieu 5-7), dans les chapitres de l'évangile de Jean qui rapportent
des discours du Christ (Jean 5-10), et surtout dans les épîtres des apôtres. Ce sont des textes très
importants, car c'est sur eux que l'Eglise fonde l'essentiel de son enseignement. Il s'agit donc de bien
les comprendre. Pour cela, il faut les analyser avec soin, déterminer le sens précis de chaque mot,
pour bien comprendre leur message ainsi que le lien qui existe entre chaque doctrine.
Quand l'apôtre Paul fait un exposé doctrinal sur le péché originel, la rédemption, la conversion, la
justification par la foi ou la résurrection des morts, il est indispensable de déterminer dans quel sens
il utilise ces mots et comment il les définit. Chaque terme employé, chaque précision apportée est
d'une importance capitale.
Il s'agit des lois promulguées dans la Bible. Elles sont nombreuses et n'ont pas toutes la même portée.
Certaines prescriptions définissent le bien et dénoncent le mal. Elles constituent ce qu'on a l'habitude
d'appeler la loi morale, car elles concernent la conduite de l'homme face à Dieu et au prochain et les
mobiles qui doivent dicter son comportement, dont le plus important est l'amour. C'est le cas des dix
Commandements qui nous ordonnent d'aimer Dieu de tout notre coeur et de toutes nos forces, et le
prochain comme nous-mêmes. Comme ce qui est bon ou mauvais aux yeux de Dieu restera toujours
bon ou mauvais, la loi morale a une valeur permanente et s'adresse à tous les hommes du monde.
Mais il existe aussi des règles qui régissent la vie en collectivité dans la famille, le village ou la
nation, ainsi que le travail ou l'alimentation. Ce sont des lois sociales, civiles, hygiéniques ou rituelles.
Les règles qui régissent la vie en France ou en Amérique ne sont pas nécessairement identiques à
celles qui ont cours en Afrique ou ailleurs dans le monde. Chaque peuple possède en effet sa culture
propre et se donne les règles qu'il juge les plus appropriées. Dieu n'a pas seulement donné au peuple
d'Israël sa loi morale, mais aussi tout un ensemble de règles sociales. Quand des juifs contractaient
certaines maladies, ils étaient considérés comme impurs. De même, quand ils touchaient un cadavre
ou du sang. Il existait des lois sur le patrimoine ou sur la façon de traiter les esclaves, des règles qui
régissaient le divorce, une loi interdisant d'atteler à la même charrue un âne et un boeuf (Deutéronome
22:10). Une autre interdisait aux moissonneurs de repasser dans le champ pour couper ce qu'ils
avaient oublié, car c'était réservé aux veuves et aux pauvres (Deutéronome 24:19). Il était interdit de
porter des vêtements tissés de fils différents comme le lin et la laine (Deutéronome 22:11). Certains
aliments étaient considérés comme impurs et interdits à la consommation (Lévitique 11:4).
A cela, il faut ajouter de nombreuses lois régissant le culte et la vie religieuse, les différents
sacrifices, les fêtes et les pèlerinages. Toutes ces lois sociales, sanitaires, rituelles ou religieuses
étaient données uniquement au peuple d'Israël. C'est pourquoi elles ne sont pas reprises dans le
Nouveau Testament et ne sont plus en vigueur de nos jours. Il est important de faire la différence
entre ce qui est universel et ce qui était limité au peuple de l'ancienne alliance, ce qui est éternellement
valable et ce qui est périmé parce qu'aboli dans la nouvelle alliance. Cela pour ne pas imposer aux
chrétiens un joug dont Jésus-Christ les a délivrés, comme voulaient le faire les faux docteurs qui
voulaient imposer aux chrétiens l'observance du sabbat et enseignaient qu'il fallait circoncire les
païens avant de les admettre dans l'Eglise chrétienne, et contre qui l'apôtre Paul a dû lutter si
farouchement dans l'épître aux Galates.
L'Ancien Testament contient un certain nombre de livre poétiques comme le psautier, Job, le
Cantique des cantiques, sans parler de la plupart des oracles des prophètes. Un poème ne s'interprète
pas de la même façon qu'un récit historique ou un texte législatif. On sait qu'il recourt à des tournures
particulières, qu'il utilise des images et emploie des mots dans un sens métaphorique. Les psaumes
sont des poèmes de ce genre. Le Psaume 104, par exemple, raconte comment le Seigneur a créé
l'univers et gouverne le monde. Il ne le fait pas à la façon d'un historien et encore moins à la manière
d'un savant, mais comme seul un poète peut le faire. Quand le psalmiste décrit l'homme pieux comme
il le fait dans le Psaume 1 ou qu'il s'écrie dans le Psaume 148 : "Depuis la terre, glorifiez le Seigneur,
glorifiez-le, océans et monstres marins. Et vous aussi, feu et grêle, neige et brouillard, vent de tempête
soumis à sa parole. Glorifiez-le, montagnes et collines, arbres fruitiers et tous les cèdres, animaux
sauvages ou domestiques, oiseaux et reptiles" (Psaume 148:7-10), il fait de la poésie. Ces expressions
ne sont pas à prendre au sens propre. C'est vrai aussi quand le prophète Esaïe invite le ciel et la terre
à être les témoins de l'impiété d'Israël (Esaïe 1:2) ou que le prophète Ezéchiel raconte comment Dieu
a eu pitié de son peuple comme un homme a pitié d'une fille délaissée, prend soin d'elle et l'épouse
(Ezéchiel 16:1-14). L'interprétation de poèmes n'obéit pas aux mêmes règles que celle d'autres textes.
Il faut en tenir compte quand on interprète la poésie biblique.
On trouve dans les textes prophétiques des discours semblables à ceux des apôtres dans leurs épîtres,
mais on y découvre aussi des oracles, des visions, des éléments poétiques et symboliques. Un jour,
Dieu demanda au prophète Jérémie de s'acheter une ceinture de cuir, de la porter un certain temps
puis de la cacher dans la fente d'un rocher, près d'une rivière. C'est ce qu'il fit. Plus tard il alla la
rechercher, et voici elle était pourrie. Dieu le chargea d'aller la montrer à Israël et de lui expliquer qu'il
avait porté son peuple comme un homme porte une ceinture, mais que son peuple s'est pourri à force
de lui désobéir (Jérémie 13:1-11). Il demanda au prophète Osée d'épouser une prostituée pour
montrer au peuple d'Israël qu'il se comportait comme une prostituée en abandonnant son Dieu et en
servant les divinités païennes. Dans une grande vision, Dieu révèle au prophète Ezéchiel qu'il
ressuscitera son peuple comme ressuscitent des morts, pour le faire retourner dans sa patrie (Ezéchiel
37:1-14). Daniel eut lui aussi des visions troublantes : des bêtes étranges lui apparurent, symbolisant
les puissances qui opprimeraient le peuple de Dieu. On trouve des tableaux analogues dans
l'Apocalypse.
Quand on étudie des textes de ce genre, il convient de déterminer si les prophéties en question se
sont accomplies depuis longtemps, si elles sont en train de s'accomplir ou si leur accomplissement
n'a pas encore eu lieu. Le prophète Esaïe écrit : "Un jour, la colline du temple dominera les
montagnes, elle sera la plus haute. Alors toutes les nations afflueront vers elle. Beaucoup de peuples
s'y rendront et diront : En route! Montons à la montagne du Seigneur, à la maison du Dieu de Jacob.
Il nous enseignera ce qu'il attend de nous, et nous suivrons le chemin qu'il nous trace" (Esaïe 2:2.3).
Qu'est-ce qu'annonce ce texte? Que les peuples du monde se tourneront vers le Dieu d'Israël et se
rendront en esprit à Jérusalem pour l'adorer et entendre sa Parole, ou qu'un jour les peuples de ce
monde iront littéralement en Palestine pour y adorer le Christ venu instaurer un règne de gloire et de
paix? Autrement dit, cette prophétie est-elle en train de s'accomplir par la conversion des païens, ou
attend-elle encore son accomplissement? Quand les prophètes annoncent le jugement de Dieu
54, songent-ils au jugement qui
frappa Israël quand il dut partir en exil au VIº siècle avant J.-C., au jugement par lequel
Jérusalem fut détruite en l'an 70 ou au jugement dernier? Ou se pourrait-il qu'ils songent aux trois à
la fois?
Concernant les prophéties messianiques, il faut savoir aussi qu'il existe des prophéties rectilignes ou
directes qui ont trouvé leur accomplissement dans le Messie et rien qu'en lui, et des prophéties à
accomplissement multiple. Esaïe 53 est une prophétie messianique rectiligne. A la question que
l'eunuque d'Ethiopie adressa à l'évangéliste Philippe : "Dis-moi, je t'en prie, de qui le prophète parle-t-
il ainsi? Est-ce de lui-même ou de quelqu'un d'autre?" (Actes 8:34), il n'y a qu'une réponse. Dans ce
texte, il ne peut être question que du Messie. Aucun autre homme n'a jamais été frappé et puni par
Dieu pour les péchés des autres. Il est clair aussi que l'homme dont la mission est décrite dans Esaïe
61:1.2 ne peut être que Jésus qui affirme que cette prophétie s'est accomplie en lui (Luc 4:16-21). Cf.
encore Psaume 22; Esaïe 7:14; 9:5.6; 53:1-12; Zacharie 9:9.10. Ce sont des prédictions messianiques
rectilignes. Dans tous ces textes, il est directement question du Christ et rien que de lui.
Mais il existe aussi des prophéties typologiques à accomplissements multiples. Elles trouvent un
premier accomplissement dans un personnage de l'histoire d'Israël, un roi par exemple comme David,
Salomon ou Ezékias, qui par son règne préfigure le Christ, et un accomplissement ultime et définitif
en Christ lui-même. C'est le cas, par exemple, de 2 Samuel 7:4-17 qui a trouvé un premier
accomplissement en Salomon, le fils de David, et son accomplissement ultime en Christ, le Fils de
David par excellence 55.
Il faut savoir enfin que les prophètes décrivent bien souvent le ministère du Messie en employant un
vocabulaire militaire (Psaume 45:4; Apocalypse 2:26.27; 12:5) ou bien les bénédictions spirituelles
qu'il viendra apporter aux hommes en utilisant un langage matériel, en parlant de pain et d'eau,
d'abondance et de paix (Esaïe 2:1-5; 55:1.2). Si on ne tient pas compte de cela, on comprend mal ces
textes et encourage les chrétiens à rêver d'un âge d'or dans ce monde, d'un paradis terrestre. Cette
erreur est à la base du millénialisme.
f) Textes apocalyptiques :
Le style apocalyptique est une variante du discours prophétique. Il décrit la fin des temps et le fait
à l'aide de visions, de tableaux riches en symbolisme. Interpréter ses images et ses nombres
littéralement, c'est passer entièrement à côté de l'esprit du texte et ne pas lui rendre justice.
Il arrive souvent que lorsqu'ils prédisent ce qui aura lieu à la fin des temps, les prophètes s'expriment
sans perspective, sans doute parce qu'ils ne la percevaient pas eux-mêmes. C'est de la géométrie
plane, par opposition à la géométrie dans l'espace. Ils voyaient parfois sur un même plan des
événements qui se succédèrent dans le temps et que séparaient souvent de nombreux siècles. Par
exemple, la prise de Jérusalem par Nebucadnetsar en 587/86 avant J.-C., sa destruction par les
Romains en l'an 70 de notre ère et la fin du monde. Ou bien le retour des captifs à Jérusalem et
l'entrée dans l'Eglise chrétienne des juifs et des païens croyants. Ces différents tableaux annonçant
des événements distants dans le temps se télescopent souvent en une prédiction unique. Même Jésus
dans sa description des derniers temps, dans Matthieu 24, ne distingue pas toujours entre l'annonce
du jugement qui allait frapper Jérusalem et celle du jugement final. L'échelle du temps dont Dieu se
sert quand il parle par les prophètes ou par le visionnaire Jean dans l'Apocalypse tend à rétrécir, à
estomper voire à supprimer les perspectives. C'est ce qui permettait à Jésus de dire, il y a deux mille
ans de cela, et sans que ce soit une boutade: "Voici, je viens bientôt". C'est pourquoi, les visions de
l'Apocalypse ne sont pas à prendre nécessairement comme une suite chronologique d'événements.
Les textes apocalyptiques sont des textes difficiles. Il faut donc les interpréter à la lumière des textes
simples, plus faciles à comprendre, et éviter de leur faire dire tout ce qui serait contraire à ce que la
Bible enseigne par ailleurs.
Jésus prêchait beaucoup en paraboles, mais les prophètes l'avaient déjà fait avant lui (2 Samuel 12:
1-7; Psaume 23; Esaïe 5:1-7; Ezéchiel 16:1-14). On appelle "parabole" une image empruntée à la vie
de tous les jours destinée à illustrer une vérité du Royaume de Dieu. C'est ainsi que celui-ci est
comparé à un cultivateur qui ensemence son champ, à des pêcheurs qui pêchent et trient les poissons,
à un festin de noces auquel sont invités les hommes, à un boulanger qui met de la levure dans sa pâte
pour la faire lever, à un homme qui trouve un trésor et vend tout ce qu'il a pour l'obtenir. Jésus se
compare lui-même à un berger qui prend soin de son troupeau. Ou bien à un berger qui va à la
recherche de la brebis perdue jusqu'à ce qu'il l'ait retrouvée, ou encore à une femme qui a perdu une
pièce de monnaie et qui fouille sa maison jusqu'à ce qu'elle l'ait trouvée. Le peuple d'Israël est
comparé à un figuier qui ne porte pas de fruit, les chefs du peuple à des vignerons qui tuent les
serviteurs et le fils de leur maître, etc.
Une parabole contient toujours un message, veut toujours illustrer une vérité précise. C'est ce
message, cette vérité qu'il faut dégager du texte. On appelle cela trouver le point de comparaison.
Beaucoup de détails, par contre, n'expriment pas de vérité particulière et ne sont là que pour les
besoins de la cause, pour rendre la parabole vivante et éloquente. Il faut donc éviter de leur chercher
un sens particulier. La parabole du festin de mariage (Matthieu 22:1-14) n'enseigne pas qu'il faut être
bien habillé pour aller au ciel. La parabole des dix vierges dont cinq étaient sages et cinq folles
(Matthieu 25:1-13) ne signifie pas que sur dix hommes cinq seront sauvés. La parabole de la brebis
perdue (Luc 15:4-7) n'affirme pas que pour aller chercher ceux qui s'éloignent de lui et se perdent,
Jésus laisse seuls et abandonne ceux qui lui sont fidèles. Celle des ouvriers embauchés à des heures
différentes (Matthieu 20:1-16) n'entend pas nier que Dieu, dans sa grâce, accordera des récompenses
particulières à ceux qui auront beaucoup souffert pour lui et peut-être même subi le martyre. La
parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare (Luc 16:19-31) n'enseigne pas qu'on va en enfer quand
on est riche et au ciel quand on est pauvre. La parabole du gérant habile (Luc 16:1-9) ne nous invite
pas à tricher et à voler notre patron pour nous faire des amis. Ce qui importe, c'est la leçon qu'une
parabole est chargée de donner. C'est elle qu'il faut dégager et expliquer, sans faire dire à la parabole
des choses qu'en fait elle ne veut pas dire.
C'est le dernier genre littéraire que nous mentionnerons dans cette étude. La maxime est une figure
de style qui recourt volontiers à l'exagération ou l'hyperbole pour inculquer une vérité, un principe
valable dans le Royaume de Dieu. Dans Luc 14:26, Jésus nous dit que si nous ne haïssons pas notre
père, notre mère, notre femme, nos enfants et nos frères et soeurs, nous ne pouvons pas être ses
disciples. C'est du moins ce qu'on peut lire dans la Bible de Segond. Il est vrai que la Bible en
Français Courant a considérablement adouci le sens de la phrase. Dans Matthieu 5:39, le Christ nous
demande de tendre la joue gauche à celui qui nous a frappés sur la joue droite, et dans Matthieu 5:40,
il nous ordonne de donner notre manteau à celui qui veut nous prendre la chemise. Il nous conseille
dans Matthieu 5:29.30 de nous arracher l'oeil s'il est pour nous une occasion de chute, et de nous
couper la main droite si elle veut nous inciter à pécher. Dans Matthieu 19:23.24, il déclare qu'il est
plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume
de Dieu. Il est clair que ces textes ne sont pas à prendre au pied de la lettre. Il y a pour le chrétien
d'autres solutions que de se mutiler pour résister au péché. Mais Jésus veut faire passer un message
important : nous ne pouvons pas être ses disciples s'il est n'est pas notre seul Maître, si nous ne
sommes pas prêts, en cas de besoin, à tout sacrifier pour pouvoir le suivre. Nous ne pouvons pas non
plus entrer dans le Royaume de Dieu si nous ne faisons pas tout pour résister au mal.
Nous avons montré dans cette présentation des règles d'interprétation de la Bible qu'elle est un livre humain
écrit par des hommes, qu'il convient donc de l'interpréter selon les règles qui gouvernent toute analyse et
explication d'un texte littéraire. Nous avons montré aussi qu'elle est la Parole de Dieu, qu'à ce titre elle
échappe à toute critique visant à remettre en question ses affirmations et que son interprétation obéit à des
règles particulières. Nous terminerons cette étude en répondant à la question suivante :
Faut-il être un croyant, un homme régénéré par le Saint-Esprit pour comprendre la Bible et l'interpréter légitimement?
Aucun livre obscur et abstrait ne saurait jouer le rôle que Dieu assigne à l'Ecriture Sainte, celui d'être
la source et la norme de la doctrine et de révéler le salut réalisé en Jésus-Christ et obtenu par la foi
en lui. Pour pouvoir être et faire cela, il faut que la Bible soit claire. La théologie luthérienne insiste
beaucoup sur la clarté de l'Ecriture Sainte. Cela signifiait aussi pour les Réformateurs et les auteurs
des Confessions de l'Eglise luthérienne que le croyant n'a pas besoin du magistère doctrinal de l'Eglise
pour comprendre son message. Luther appelait cela sa clarté extérieure : toutes les vérités que Dieu
révèle dans la Bible y sont révélées dans une langue simple, facile à comprendre, et en un vocabulaire
accessible à tous. Il n'est donc pas a priori indispensable d'être un croyant éclairé par le Saint-Esprit
pour comprendre ses textes. Cependant, Jésus dit que nul ne peut venir à lui si le Père céleste ne
l'attire (Jean 6:44). Selon saint Paul, nul ne peut dire que Jésus est Seigneur si ce n'est par le Saint-
Esprit (1 Corinthiens 12:3), le Christ crucifié est scandale et folie (1 Corinthiens 1:18.23), et ce sont
là des choses que l'homme n'a ni vues ni entendues et qui ne sont pas montées dans son coeur (1
Corinthiens 2:9), des choses qu'on ne comprend pas si on n'a pas l'Esprit de Dieu (1 Corinthiens
2:14).
Il existe une clarté extérieure de la Bible, accessible à tous. Mais il existe aussi une clarté intérieure
qu'elle ne possède que pour ceux qui sont éclairés par le Saint-Esprit. Comprendre les phrases et les
textes de l'Ecriture est une chose. Se les approprier intérieurement, confesser qu'on est un pécheur,
mais confesser aussi que Jésus est notre Sauveur parce que nous l'avons expérimenté personnellement
et que cette certitude s'est emparée de notre coeur, en est une autre. La responsabilité pour la
compréhension de la Bible n'incombe pas à la Bible elle-même, mais à l'homme. L'intelligence et le
coeur de l'homme sont obscurcis par le péché. Les ressources intellectuelles dont il dispose par nature
ne suffisent donc pas pour saisir la clarté intérieure de la Bible. L'homme ne peut intérioriser ce
qu'elle dit de Jésus-Christ que par la puissance du Saint-Esprit. Cela signifie que toute la science
théologique ne suffit pas pour pénétrer les profondeurs du message divin, si le Saint-Esprit n'est pas
là pour sanctifier l'érudition de l'interprète.
Tout ce qui vient d'être dit de l'Ecriture Sainte, de son origine et de son autorité, de son contenu et
de son interprétation atteint son point culminant dans l'affirmation que le but ultime de toute activité
théologique et en particulier de l'exégèse est de faire connaître à l'Eglise et au monde entier la Bonne
Nouvelle du salut en Jésus-Christ et de rendre ainsi toute gloire à Dieu.
Notes:
47 Traduction de Segond.
48 W2 XX, 2103.
49 W2 XX, 775.
50 Formule de Concorde, Epitome, 1.7, in La Foi des Eglises Luthériennes, p. 421.422.
51 Formule de Concorde, Solida Declaratio, Sommaire, fondement, règle et norme de la
doctrine, in La Foi des Eglises Luthériennes, p. 449.
52 En latin on appelle cela les «sedes doctrinae».
53 Traduction de L. Segond.
54 Cf. par exemple Esaïe 22:1-14; 24:1--13; Jérémie 4:1-31.
55 Cf. encore Jérémie 31:15 / Matthieu 2:17.18, ou Osée 11:1 / Matthieu 2:15.