LES PARABOLES DU SEIGNEUR, par Dr. Wilbert Kreiss - index
LES OUVRIERS EMBAUCHES A DES HEURES DIFFERENTES: Matthieu 20:1-16
Cette parabole, propre à Matthieu, est encadrée par l'affirmation du Christ que les premiers seront les derniers, et les derniers les premiers (Matthieu 19:30; 20:16). Elle en est du reste l'illustration éloquente.
Le royaume des cieux est semblable à un maître de maison:
C'est manifestement un riche. Il a les moyens de se payer un intendant (V.8), et pourtant il procède lui- même à l'embauche. C'est encore une histoire de vigne qui nous montre comment les choses se passent dans le Royaume des cieux. Cet homme y tient, à sa vigne et à son produit. Il va donc plusieurs fois dans la journée sur la place du village, là où se rassemblent les gens à la recherche d'un travail. Il veut s'assurer que les vendanges se feront en temps voulu. Il commence de bonne heure, le matin, et invite ceux qu'il trouve à aller travailler dans la vigne. C'est l'appel que Dieu lance aux hommes, la vocation, l'invitation qu'il leur adresse à entrer dans son Royaume. On y entre par la repentance et la foi, on y reçoit gratuitement le pardon, le salut et tant d'autres bénédictions, mais on y sert aussi le Seigneur. On ne s'y croise pas les bras!
D'emblée, la parabole parle d'ouvriers et de salaire. Elle veut répondre à la question à la fois inquiète et intéressée qu'avait posée Simon Pierre dans Matthieu 19:27. Le denier proposé par le maître de maison était à l'époque le salaire journalier d'un ouvrier. "Il convint avec eux": il y avait donc eu des pourparlers, un dialogue. Ces premiers ouvriers revendiquent un salaire, un salaire normal. Ils n'entendent pas faire de cadeau (voyons, les patrons n'en ont pas besoin!), et ils le montreront encore le soir de ce même jour.
Le maître les envoya dans sa vigne. C'est l'appel à la foi, au salut et au service. Attention: On n'est pas nécessairement un chrétien, parce qu'on a extérieurement accepté cet appel.
Troisième heure..., sixième heure..., onzième heure:
Le maître n'est pas en permanence sur la place du marché, mais y va à plusieurs reprises, à des heures choisies par lui. Nous sommes appelés dans le Royaume, quand Dieu vient à nous et non quand nous décidons d'aller à lui.
Décidément, cet homme y tient à sa vigne. Il retourne sur la place et embauche tous ceux qu'il rencontre et qui n'ont pas de travail. Ils constituent une seule et même classe. Ce sont tous ceux qui, le soir venu, ne murmureront pas et accepteront avec gratitude ce que le maître leur donnera, tandis que les premiers protesteront avec indignation.
Une journée de travail dans la vigne. C'est le temps de l'Eglise. Le temps qui sépare l'heure de l'embauche du soir représente le travail effectué par chacun dans l'Eglise. Jésus ne veut pas dire que certains sont appelés dès leur enfance ou jeunesse, d'autres à l'âge adulte, d'autres encore durant leur vieillesse, et d'autres enfin la veille de leur mort, car tel chrétien appelé à l'âge adulte et subissant par exemple le martyre peu de temps après, n'aura oeuvré que peu de temps dans l'Eglise, mais connu beaucoup de souffrances. Le point de comparaison n'est pas le temps passé à travailler dans l'Eglise, mais la qualité du travail qu'on y a effectué, les souffrances qu'on y a endurées à cause du Christ, la fidélité dont on a fait preuve et surtout ce qu'on a dans le coeur. Il n'y a plus de marchandage. Le maître promet à ces différents ouvriers de leur donner "ce qui sera raisonnable" (V.4). Plus littéralement: "ce qui sera juste".
Il sort une dernière fois à la onzième heure, soit 17:00, une heure avant le coucher du soleil. Une embauche pour une heure de travail! Incroyable. Mais nous avons affaire à une parabole, et ce détail inconcevable dans la réalité est là uniquement pour les besoins de la parabole, pour illustrer une vérité importante dans le Royaume de Dieu. S'ils étaient venus plus tôt sur la place, ils auraient été embauchés pour la journée. Mais ils étaient venus bien tard, à une heure où plus personne normalement n'embauche, et ont de la chance que ce maître passe encore! Le salut est gratuit et Dieu ne nous doit rien, même si nous sommes des modèles de fidélité et de zèle, et c'est bien ce que la parabole veut illustrer. L'appel de Dieu est universel et ne tient pas compte des mérites ou démérites des hommes.
Appelle les ouvriers et paie-leur le salaire, en allant des derniers aux premiers:
L'intendant doit commencer par les derniers. L'ordre de paiement est l'inverse de celui de l'embauche. Les ouvriers de la première heure sont invités à voir comment le maître s'y prend avec ceux qui ont été embauchés après eux. S'ils avaient été payés en premier, ils seraient partis et n'auraient pas assisté au paiement des autres. C'était une mesure nécessaire, parce que nous avons toujours l'habitude de nous comparer aux autres et le sentiment que le Seigneur pourrait les traiter mieux que nous. Les ouvriers de la première heure ont donc la possibilité de comparer leur salaire à celui des autres.
C'est là que les choses vont se gâter. Il y a deux groupes d'ouvriers, les contents et les mécontents. Ceux de la dernière heure n'avaient pas de contrat, même pas la promesse d'un salaire (V.6.7), et le maître les paie royalement, faisant preuve d'une grande bonté. Les premiers, qui pensaient recevoir bien plus, touchent également un denier, la somme dont ils avaient convenu le matin. Ils se plaignent donc et accusent le maître d'injustice. Il n'est pas normal qu'il les traite de la même façon que ceux qui, venus une heure avant la fin du travail, ont eu juste le temps d'enfiler leur bleu, de chercher des outils et de couper quelques grappes de raisin. Ils n'ont connu ni la terrible chaleur du soleil à son zénith, ni la fatigue et les courbatures d'une journée entière passée dans la vigne.
L'attitude des ouvriers de la première heure est la réponse à la question de Pierre, Matthieu 19:27: "Voici, nous avons tout quitté et nous t'avons suivi. Qu'en sera-t-il pour nous?" C'est le bout du chemin, l'endroit où on aboutit quand on s'engage sur le chemin sur lequel se trouvait le disciple bien-aimé.
Je ne te fais pas tort:
Prenant à partie l'un des ouvriers de la première heure, le maître de la vigne refuse l'accusation d'injustice et le fait même avec une certaine indignation. Il avait convenu avec lui d'un denier pour la journée de travail. Il l'a reçu. Où est le problème? Il reçoit ce qui est juste, et rien de plus. Il est traité selon la justice. De quoi se plaint-il? Ses rapports avec le maître étaient dictés par la justice. Il voulait de la justice? Il l'obtient. Qu'il ne s'attende pas à de la grâce, parce qu'il ne comprend pas ce concept et ne l'admet pas chez les autres. Il veut interdire au maître d'être bon, de faire preuve de miséricorde envers les autres. Il veut plus qu'eux, et cela au nom de la justice et non de la grâce.
Ayant rejeté l'accusation d'injustice et fait l'apologie de sa justice, le maître plaide pour sa grâce. Il est souverain dans la gestion de ses biens. Il a donc parfaitement le droit de faire preuve de bonté, où et quand il veut, et ne doit de comptes à personne. Quand on comprend ce qu'est la grâce, on se réjouit chaque fois qu'on la voit exercée. Rejeter la grâce de Dieu comme quelque chose d'anormal, d'injuste et d'illégitime, c'est lui faire l'affront suprême. C'est vouloir lui interdire d'être Dieu.
Un denier pour une heure de travail au lieu de douze. Onze heures payées gratuitement! Dieu fait grâce à qui il veut et quand il veut. Il en a le droit, quelles que soient les protestations des hommes. "Ne m'est-il pas permis de faire de mon bien ce que je veux?" La question reste sans réponse, tant celle-ci est évidente. Aucune législation humaine n'interdisait à un maître d'agir ainsi. Qu'est-ce que l'homme pour l'interdire à Dieu?
Quant à la deuxième question: "Vois-tu d'un mauvais oeil que je sois bon?", elle entraîne une réponse elle aussi évidente. La première défendait le droit à la grâce, la seconde prononce un verdict de méchanceté et de dureté sur celui qui n'admet pas la bonté du maître. L'accusation d'injustice retombe ainsi sur celui qui l'a formulée. Accuser et condamner la grâce est la meilleure façon de la perdre.
Les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers:
Le dernier verset du texte reprend la thèse qui le précède (Matthieu 19:30). Cf. aussi Luc 13:30 dont le contexte montre que les derniers ne seront pas simplement les derniers à entrer dans le Royaume de Dieu, mais qu'ils n'y entreront pas du tout (Luc 13:28). On y entre ou on n'y entre pas. Peu importe l'ordre dans lequel cela se fait, pourvu qu'on y entre. Mais ce que Jésus veut dire, c'est que ceux qui se savaient les premiers et se prenaient donc pour les meilleurs et les plus dignes n'y entreront pas du tout. Ils resteront dehors! On peut pendant un certain temps travailler dans la vigne du Seigneur, être un membre de l'Eglise, puis en être exclu. Alors que ceux qui croient être debout prennent garde de ne pas tomber!" (1 Corinthiens 10:12).
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Questions de révision et exercices: