LES PARABOLES DU SEIGNEUR, par Dr. Wilbert Kreiss - index
LES MINES: Luc 19:11-27
Matthieu 25:14-30 offre une parabole semblable, appelée la parabole des talents. Avec une variante importante: chez Matthieu, l'homme de la parabole confie à ses serviteurs des talents et non des mines; et surtout, il leur confie des sommes différentes (5, 2 et 1), "à chacun selon sa capacité", tandis que chez Luc, le capital prêté à chacun est le même. Par ailleurs, les deux récits sont identiques. Sans doute est-il permis d'admettre que Jésus a raconté la parabole plusieurs fois, en la modifiant sur quelques points.
Un homme de haute naissance s'en alla dans un pays lointain:
Jésus est chez Zachée (Luc 19:1-10), en train de sauver un pécheur. Cela se passe à Jéricho, sur le chemin de Jérusalem. Les disciples, hantés par des rêves de grandeur et de gloire, semblent ne pas encore avoir compris qu'il y va pour souffrir et mourir et instaurer un règne invisible de grâce et d'amour. Ils croient que leur Maître s'y rend pour monter sur un trône et s'entourer de ministres prestigieux. Alors Jésus leur raconte cette parabole pour leur montrer que l'heure de la gloire n'est pas encore venue. L'homme de haute naissance, semblable aux rois de l'époque qui allaient se faire couronner à Rome, va dans un pays lointain pour se faire investir de l'autorité royale et n'est pas encore près de revenir. Ce n'est pas l'heure des faux rêves de gloire, mais celle du travail humble et fidèle. Il s'agit pour l'instant de retrousser les manches et de servir le Seigneur. La récompense et la gloire sont pour plus tard, et elles sont réservées aux fidèles. C'est ce que veut enseigner la parabole.
"De haute naissance". Qui l'est plus que Jésus de Nazareth, issu de sang royal (Luc 18:38.39), fils de David et Fils de Dieu (Jean 1:18)? De plus, son caractère est ce qu'il y a de plus noble, comme le montre du reste la parabole. Il va se faire investir de l'autorité royale. Au loin, et non pas dans ce monde, parmi ses serviteurs et ses ennemis. Allusion à l'ascension après la crucifixion, qui fut suivie de son intronisation. Dieu l'a couronné Roi de l'univers et de l'Eglise, pour avoir accompli sa mission. Il est parti pour un temps indéterminé, mais assez longtemps que pour ses serviteurs aient de quoi faire. Son retour sera la parousie pour le jugement (Matthieu 24:27; 25:31).
Il appela dix de ses serviteurs:
C'est un nombre symbolique. Cf. les dix commandements, les dix vierges de la parabole, et Genèse 31:7; Daniel 7:24. Le nombre exprime la plénitude. "Dix de ses serviteurs": cela ne veut pas dire que seuls certains des serviteurs du Christ aient une mission à accomplir, un travail à effectuer. Ces dix servent d'exemples pour tous les autres.
L'homme de haute naissance confie à chacun une mine. A l'origine, les Juifs n'avaient pas de monnaie, mais payaient en pesant la quantité d'or, d'argent ou de cuivre correspondant à la valeur de leurs achats. D'où la difficulté pour évaluer avec précision les valeurs monétaires dont parle la Bible. La "mine" représentait plusieurs centaines de grammes d'or, d'argent ou de cuivre. S'il s'agit d'or, le capital est énorme. Un capital à la mesure de la fortune de ce noble. Dans la parabole parallèle de Matthieu, chaque serviteur reçoit un montant différent, image des talents et dons que le Seigneur accorde aux siens. Dans notre texte, au contraire, le montant est le même. A chacun est confié le même trésor. Il s'agit donc de la Parole de Dieu.
Faites-les valoir jusqu'à ce que je revienne:
Négociez-les, mettez-les en valeur, faites les fructifier. La Parole de Dieu est un capital qui ne doit pas sommeiller, quelque chose que le Christ confie à son Eglise pour qu'elle le multiplie. La mission de l'Eglise va de l'ascension jusqu'à la parousie, au retour du Christ. Celui-ci du reste reviendra quand l'Evangile aura été prêché à toutes les nations (Matthieu 24:24).
Concitoyens:
La parabole s'élargit. Ces gens sont distincts des dix serviteurs; ce sont les hommes, Juifs et païens, sur lesquels Jésus est censé régner. Ils sont distincts des apôtres, comme plus tard le monde se distinguera de l'Eglise chrétienne et de ses messagers et membres. Ils "haïssaient" celui qui allait devenir leur roi. Israël a haï Jésus, le plus noble des hommes et de surcroît son Messie, Fils de Dieu. Ils l'ont haï jusqu'à la mort, n'ont pas voulu de sa royauté. Rien n'a changé. Les hommes sur qui Jésus voudrait régner et qui devraient accepter avec joie sa royauté faite de bonté et de douceur, ne le veulent pas, le rejettent, refusent son autorité.
Ils envoyèrent une ambassade:
L'expression n'est pas à prendre à la lettre. C'est un détail du texte destiné à concrétiser la haine de ces gens qui n'exige pas d'interprétation. Tout au plus pourrait-on dire qu'il s'agit de tout ce par quoi Israël et tous les incroyants du monde montrent et font connaître leur opposition et leur hostilité au Christ.
Il fit appeler auprès de lui les serviteurs:
Le roi les convoque autour de son trône. L'heure des comptes est arrivée. Il veut savoir ce que chacun a fait avec le capital qu'il lui a confié, et le récompenser proportionnellement. Chacun avait reçu une mine. Le premier en rend dix et reçoit en échange le gouvernement de dix villes. Le second en restitue cinq et se voit mis à la tête de cinq villes. Ces deux hommes représentent tous les fidèles serviteurs du Christ. "Ta mine", disent-ils au roi. Ils ne la revendiquent pas, sachant qu'elle ne leur appartient pas. Tout est grâce dans le Royaume de Dieu. L'Evangile que nous sommes chargés d'annoncer ne nous appartient pas. C'est l'Evangile du Christ, puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, dont nous ne sommes que les messagers. Notre seule mission est de ne pas le garder pour nous, mais de l'annoncer aux autres.
"Dix mines..., cinq mines": une multiplication extraordinaire. Voilà ce que Jésus est capable de faire avec son Evangile, pourvu qu'il soit annoncé. La Parole est revêtue d'une puissance extraordinaire, quand elle est fidèlement prêchée. Quel encouragement pour les prédicateurs et pour chaque chrétien!
C'est bien!
Quel beau mot sur les lèvres de Jésus, témoin de la noblesse de son coeur. Il sait encourager, féliciter, récompenser dans sa grâce. Oui, il s'agit bien d'une récompense de grâce, sans proportion aucune avec le travail accompli. Dix villes pour dix mines! Récompense royale offerte à un serviteur qui n'a fait que son devoir. Le Roi ne lui doit rien.
Oui, il y aura une récompense. Mais il faut que les disciples le sachent: elle sera pour plus tard. Pour l'instant il s'agit de travailler, de peiner et même de souffrir pour son Maître. La couronne promise les attend au ciel. Cf. 2 Timothée 2:12; 2 Timothée 4:8; Apocalypse 2:10; 3:11. Les chrétiens régneront un jour, plus tard, au ciel.
Le deuxième serviteur rend cinq mines. Il a multiplié la mine qu'on lui avait confiée par cinq. A-t-il été moins fidèle que le premier? Le texte ne le dit pas. Sans doute était-il un peu moins doué. Dans le Royaume de Dieu il y a des serviteurs qui accomplissent des choses extraordinaires, des prophètes comme Moïse, Elie et Esaïe, des apôtres comme Paul, des martyrs, des Réformateurs qui marquent à jamais l'histoire de l'Eglise de leur empreinte, et d'humbles pasteurs et missionnaires qu'on oublie rapidement. Dieu veut que nous soyons fidèles dans la gestion du trésor qu'il nous a confié, en utilisant les dons qu'il nous a accordés. Il ne nous est rien demandé de plus que cela.
Une confidence à toi qui lis ces lignes: C'est ce deuxième serviteur qui m'interpelle personnellement et me console le plus. Il m'apprend que des chrétiens moyennement doués comme moi seront récompensés eux aussi. A condition qu'ils aient été fidèles.
Seigneur, voici ta mine que j'ai gardée dans un linge:
Ce type de serviteur existe aussi. Il n'a rien fait de ce que son maître lui avait confié. Il a enveloppé la mine dans un suaire (et non un mouchoir) et est allé la cacher quelque part, de peur de la perdre ou qu'on ne la lui prenne. C'est le pire qu'on puisse faire avec la Parole de Dieu, la pire attitude d'un disciple du Christ. Le suaire qui sert à s'éponger la figure et à recueillir la sueur du travail, reste le témoin accablant de l'inertie et de la paresse de ce serviteur.
Celui-ci dévoile maintenant les sentiments de son coeur. Il craignait son maître comme un homme sévère. Raison de plus pour être fidèle et pour travailler! La crainte, au lieu de l'inciter à montrer un peu de zèle, l'a poussé à la désobéissance. En plus, il présente son maître comme un homme injuste, un profiteur qui s'enrichit sur le dos de ses serviteurs, qui vit du travail des autres. Il n'imagine pas un seul instant qu'en lui confiant une part de ses biens, celui-ci lui manifeste une grande confiance et l'honore. Il n'a aucun sens pour la noblesse de son maître et sa bonté pourtant largement attestée. Il est ainsi l'image des "chrétiens" qui supportent mal l'autorité que le Christ exerce sur eux, qui pensent que le Seigneur est trop exigeant, qui reculent devant le travail et les sacrifices requis par l'appartenance à Jésus. Et c'est vrai, le travail dans le Royaume de Dieu ne rapporte rien en biens terrestres. L'apôtre Paul resta pauvre, endura l'emprisonnement, les privations, l'opprobre, beaucoup de souffrances, et finalement le martyre. Humainement parlant, il n'a rien gagné à suivre le Christ. En réalité il y a gagné un trésor énorme, impérissable. Mais dans l'au-delà...
Le maître juge ce troisième serviteur sur ses paroles. Il est un "maître sévère", qui moissonne ce qu'il n'a pas semé? Mais dans ce cas-là, le serviteur aurait pu au moins placer l'argent à la banque. C'était fait en quelques minutes, sans grand effort, et l'argent aurait au moins rapporté quelque chose, un petit intérêt! Mais même cela, c'était de trop. Mettre l'argent à la banque signifie recourir à la compétence des autres pour faire fructifier le capital. Dans le Royaume de Dieu, cela signifie aider les prédicateurs à annoncer l'Evangile en subvenant à leurs besoins, en priant pour eux, en les encourageant, en les assistant d'une façon ou d'une autre.
Il dit à ceux qui étaient là: Otez-lui la mine:
Il s'agit sans doute des anges qui assisteront Jésus, quand il jugera le monde, et exécuteront sa volonté. La mine, c'est-à-dire la Parole sera prise au méchant serviteur. Il sera donc privé de la source de vie et de salut, et par conséquent périra éternellement. Ensuite la mine est donnée à celui qui en avait rapporté dix. Pourquoi à lui et non à l'un des autres qui en avait rapporté moins? C'est la question que posent ceux qui doivent exécuter le jugement du maître. Sa réponse constitue la règle d'or dans le Royaume de Dieu: On donnera à celui qui a et on prendra à celui qui n'a pas. Le verdict atteste à la fois la miséricorde de Dieu qui donne à celui qui a déjà, et sa justice qui prend à celui qui n'a pas le peu qu'il a.
Tuez-les en ma présence:
C'était la pratique dans l'Orient ancien. Un roi faisait tuer ses ennemis en sa présence, assistait à leur exécution. Si terrible que soit ce détail, il correspond à une réalité dans le Royaume de Dieu. Si grande que soit la grâce que Jésus manifestera à ses fidèles serviteurs au jour du jugement, il frappera les infidèles et les incroyants d'une sentence sans appel et les condamnera sans merci. Cette terrible vérité est un élément constant de l'enseignement du Christ et de la Bible tout entière. Les merveilles de l'Evangile ne doivent en aucune façon l'occulter.
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