LES PARABOLES DU SEIGNEUR, par Dr. Wilbert Kreiss - index
LA SEMENCE QU PORTE DU FRUIT et LE GRAIN DE MOUTARDE: Marc 4:26-34
Ce sont deux paraboles dont la première ne se trouve que dans l'évangile de Marc, tandis que la deuxième figure aussi dans Matthieu 13:31.32 et Luc 13:18.19.
Le royaume de Dieu:
On pourrait tout aussi bien traduire par le "règne de Dieu". C'est en effet le règne que Jésus-Christ est venu fonder sur terre et que Dieu exerce à travers lui. Comme il est venu sauver les hommes par son obéissance parfaite et plus spécialement son sacrifice rédempteur sur la croix, ce règne s'exerce par l'Evangile qui n'est rien d'autre que la bonne nouvelle de ce salut. C'est pourquoi la "parole" y joue un si grand rôle et est constamment comparée à une semence qui germe et porte du fruit. Chaque parabole décrit ainsi un aspect différent de ce règne.
La parabole précédente nous a montré la fragilité de cette semence qui ne demande qu'à fructifier, mais qui ne le peut que si la terre qui la reçoit est bonne. Oui, elle est faible à sa façon: l'homme peut repousser, rejeter l'Evangile et ainsi faire échec à la volonté de salut de Dieu. Et pourtant, comme vont nous le montrer ces deux nouvelles paraboles, la semence divine est une chose étonnante, admirable, miraculeuse.
La semence qui germe et croît:
L'accent n'est plus sur le semeur comme dans la parabole précédente, mais sur le grain mis en terre. Que fait l'homme? Il sème, répand des graines. Et c'est tout, si ce n'est qu'il lui faut biner un peu la terre de temps en temps pour éliminer les mauvaises herbes et, si besoin, arroser. Il ne peut rien faire d'autre. Ce qui signifie que le reste se fait sans lui, par la seule vertu inhérente à la semence. Personne n'a besoin de donner de la vie à la graine, elle la possède en elle-même et ne demande qu'à la déployer. La terre n'est qu'un berceau où la semence dépose la vie. Elle est inerte et ne possède pas de vie en elle-même. Celle-ci réside uniquement dans la graine semée. Ainsi le coeur humain est semblable à une terre sans vie et incapable de la produire, qui attend qu'un autre y répande sa semence. La Bible enseigne que l'homme naturel ne peut pas se convertir à Dieu ni rien faire pour être converti, que la conversion est l'oeuvre exclusive du Seigneur. On appelle cela, en jargon de théologien, le monergisme divin dans la conversion, par opposition au synergisme qui enseigne à tort que l'homme peut et doit se préparer à sa conversion avec Dieu, à l'aide des ressources spirituelles dont il dispose. C'est une grave erreur. Cf. Petite Dogmatique Luthérienne, p. 77 ss.
"Qu'il dorme ou qu'il veille...". C'est le cas de tout semeur: la semence germe et fructifie sans lui. Une fois en terre, elle n'a plus besoin de lui. Il peut vaquer à ses autres occupations et n'a pas à se faire de soucis au sujet du champ qu'il a ensemencé. A moins d'une catastrophe naturelle (sécheresse ou inondation), la moisson est garantie. Elle sera modeste, bonne ou exceptionnelle selon les conditions atmosphériques, mais il y aura toujours une moisson.
C'est ainsi qu'agit le Christ. Il sème et ne fait que cela, laissant à l'Evangile qui est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit (Romains 1:17; 1 Corinthiens 1:18), une épée à double tranchant (Hébreux 4:12), une semence incorruptible et la parole vivante et permanente de Dieu (1 Pierre 1:23), le soin de faire le reste.
Sans qu'il sache comment:
Ni le paysan ni le savant ne savent comment germe et croît la semence, comment un grain peut se multiplier par trente, soixante ou cent. La vie est un mystère, un miracle continuellement renouvelé qui échappe à toute explication humaine, même la vie d'un simple grain de blé. Certes le biologiste ou le médecin peuvent expliquer que la vie animale ou humaine est le résultat de la fécondation d'un oeuf par un spermatozoïde, et il est bien et important de le savoir, mais avec cela on n'a pas encore expliqué le mystère de la vie.
Reconnaissons notre ignorance, et reconnaissons-la a fortiori à propos de la vie qui jaillit de la semence de la Parole. Personne ne sait ni ne peut expliquer comment l'Evangile peut convertir, régénérer, pardonner, sanctifier et sauver un pécheur.
Beaucoup de prédicateurs n'ont plus confiance en la semence de l'Evangile. Ils pensent que celui-ci a fait son temps, qu'il ne parle plus à l'homme moderne, et le remplacent par d'autres messages (morale, évangile social, engagement social et politique, etc.). Ce faisant, ils remplacent le blé par de l'ivraie.
L'herbe..., l'épi..., le grain:
C'est la description d'un lent processus naturel qui va de la germination à la maturation. C'est ainsi que la Parole de Dieu fait progressivement son oeuvre dans le coeur et la vie d'un homme, depuis la conversion jusqu'à la délivrance finale. "D'elle-même", dit Jésus. En réalité, la Parole n'est pas semée une fois, mais constamment dans le coeur du croyant.
La moisson est là:
C'est la fin du monde et le jugement si souvent comparé à une moisson (Joël 3:13; Matthieu 3:12; Luc 3:17; Apocalypse 14:14-16).
Grain de sénevé:
C'est la deuxième parabole de notre texte. Il y est de nouveau question d'une graine, mais de sénevé ou de moutarde, cette fois-ci. Jésus sait ce qu'il fait. Ce n'est pas par hasard qu'il a choisi ce qu'en botanique on appelle la "sinapis nigra", la moutarde du jardin. Le point de comparaison entre cette graine et le Royaume de Dieu est l'extraordinaire pouvoir de croissance des deux. Sans doute existe-t-il, contrairement à ce que dit Jésus, des graines plus petites que le grain de moutarde, mais c'était la plus petite semence utilisée par les jardiniers de l'époque. "Lorsqu'on le sème en terre..., lorsqu'il a été semé...". On notera l'insistance de Jésus. Là aussi il faut qu'il y ait semailles, sinon il n'y aura pas de récolte.
Le verset suivant décrit l'extraordinaire croissance de cette plante. C'est ainsi que se passent les choses dans le Royaume de Dieu: cela commence par un petit bébé à Bethléhem, né dans le plus grand dénuement, se poursuit par un Jésus de Nazareth itinérant n'ayant pas d'endroit où reposer la tête, un humble prédicateur sans grand succès mourant sur une croix, et cela aboutit à une Eglise composée au cours des siècles de millions de croyants. L'enfant de Bethléhem devient le Roi glorieux de 1 Corinthiens 15:27.28 à qui toutes choses sont soumises, et la poignée de disciples se transforme en une multitude de rachetés autour de son trône. Les oiseaux qui bâtissent leur nid dans l'arbuste (Psaume 104:12) symbolisent les croyants du monde entier. Ainsi la parabole décrit la croissance visible de l'Eglise due au pouvoir divin de l'Evangile. Elle brise les frontières de l'ancien Israël et atteint les nations du monde entier, franchit le temps et l'espace, ne connaît aucune frontière et prévaut contre les puissances de l'enfer (Matthieu 16:18).
Cette parabole, comme la précédente, est un encouragement pour la foi. Elle la stimule, exhorte à l'ardeur et la persévérance dans l'annonce de l'Evangile. Elle remplit aussi d'espérance et de joie. Notre travail n'est pas vain dans le Seigneur (1 Corinthiens 15:58).
Les deux derniers versets décrivent la pratique courante de Jésus. Il avait l'habitude de parler en paraboles. Il le faisait "selon qu'ils étaient capables de l'entendre", en tenant donc compte de l'aptitude des gens à assimiler son enseignement. Comme tout bon professeur ou prédicateur doit le faire! De plus, il se donnait la peine de fournir à ses disciples toutes les explications dont ils avaient besoin. En somme, des cours particuliers. L'Evangile veut être semence de vie, mais sait aussi être semence de mort. Il partage l'humanité en deux camps: non pas les bons et les méchants, les savants et les incultes, les riches et les pauvres, mais ceux qui entendent et ne comprennent pas, qui saisissent le sens littéral des paraboles mais pas leur signification profonde (foules de la Galilée), et ceux dont les oreilles et les coeurs sont ouverts au divin message (disciples).
Thèmes de réflexion:
Ce ne sont pas nos nuits sans sommeil, nos veilles, nos tourments, ni même nos conférences, colloques et synodes, si utiles soient-ils, qui feront germer la semence. Que d'angoisses dans l'Eglise! "Cela ne pousse pas, ou cela pousse si mal! Le jardin de l'Eglise est stérile, le blé ne germe plus. Il n'y a plus que du liseron, des ronces, de mauvaises herbes!" Alors on tente des réformettes ou des révolutions en profondeur, mais c'est peine perdue. La croissance est l'oeuvre de Dieu. A condition que le grain soit bon, celui-là même que le Seigneur nous a confié, et qu'il soit effectivement semé. Pour tout le reste, le Seigneur sait se passer de nous. Donc priorité à l'annonce de l'Evangile, et patience et confiance dans l'oeuvre divine. Ce qui ne veut pas dire immobilisme et inertie et n'interdit pas à l'Eglise de faire preuve d'esprit d'initiative et d'être "de son époque".
Questions de révision et exercices: