LES PARABOLES DU SEIGNEUR, par Dr. Wilbert Kreiss - index

 

LE SERVITEUR INUTILE: Luc 17:7-10

Cette parabole figure dans un discours du Christ sur la foi et la vie chrétienne. Elle est une exhortation à l'humilité. C'est en fait une succession de questions auxquelles il est facile de répondre. Le discours n'en est que plus vivant.

Qui de vous, ayant un serviteur...?

Jésus demande aux disciples de se mettre dans la peau d'un homme ayant un esclave qui lui appartient avec tout son temps et son travail. Il peine toute la journée à labourer les champs et paître les troupeaux, image des apôtres exerçant leur ministère (1 Corinthiens 3:9; Jean 21:15). Une fois rentré des champs, le serviteur n'a pas terminé son travail. Ce qu'il a fait, labourer et s'occuper des animaux de son maître, n'a rien d'extraordinaire. C'est naturel, normal, et c'est suivi d'un autre travail, préparer à manger et servir le maître à table. Cela aussi faisait partie du travail de l'esclave, et aucun d'eux n'aurait songé à s'en plaindre.

"Doit-il de la reconnaissance...?" La réponse va de soi. Un maître n'a pas l'habitude de remercier son serviteur pour avoir fait ce qu'il avait à faire.

Vous de même... dites: Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire:

Jésus applique la parabole à ses disciples. Il en tire une leçon pour les chrétiens en général et les prédicateurs en particulier. Quand le disciple a fait tout ce que le Seigneur attend de lui - mais quel disciple peut prétendre cela? -, il n'a fait que son devoir, et son Maître ne lui doit rien. C'est là le point de comparaison de la parabole.

D'autres textes et paraboles nous apprennent que Jésus n'agira pas comme le maître de ce texte, qu'il récompensera ses serviteurs. Cf. Matthieu 25:21.23; Luc 19:17.19, etc. C'est pourquoi ce maître n'illustre pas Jésus ou Dieu, mais nous: "Qui de vous...?" Sa façon de faire n'est pas celle de Dieu, mais l'attitude normale des maîtres. Le Seigneur, lui, agit autrement. Il récompense ses serviteurs, même ceux qui n'ont pas fait leur travail à la perfection. Cependant, il ne le leur doit pas. Cette récompense est une grâce et non un dû. Elle a lieu parce qu'il les aime, et non en raison de la qualité de leur travail. Revendiquer une récompense pour un service qui est loin d'être parfait, c'est négocier ce service à Dieu, exiger un salaire qui nous serait dû.

 

Thèmes de réflexion:

• Ce texte paraît bien dur. Il fait passer les chrétiens, et plus spécialement les serviteurs de Dieu que sont les pasteurs, pour des "inutiles", des bons à rien, des vau(t)-riens. Autant dire que l'Eglise est une bande de bons à rien! C'est dur à avaler, mais la leçon est bonne et salutaire. Ce n'est pas une condamnation, mais une constatation; non pas un point d'arrivée, mais un point de départ. Jésus ne veut pas nous abattre, mais nous relever.

  En raison de notre incapacité, le Seigneur ne nous doit rien, ni embauche, ni merci. Et pourtant il désire nous demander quelque chose, beaucoup de choses. Il accepte d'utiliser les inutilisables. Alors la phrase de Jésus: "Dites: Nous sommes des serviteurs inutiles", au lieu d'être une malédiction, devient une phrase merveilleuse. Des inutiles? D'accord, mais des serviteurs inutiles. Cela veut dire que nos maladresses, nos fautes ne l'empêchent pas de nous prendre à son service, et il le fait parce qu'il nous aime. Son amour dépasse, surmonte notre incapacité. Sa grâce transcende notre péché. Dieu a besoin de nous, de nos gaffes, de nos paroles et gestes maladroits, parce qu'il nous aime. Et cet amour, il ne nous le doit pas, il nous le donne.

• Jésus ne cautionne pas un système social. Il prend celui de son temps, et le merci n'y était pas de rigueur. Travailler, puis servir son maître à table, manger quand le maître est rassasié et pas avant, c'était normal. Même pour un serviteur parfait. Or nous sommes des serviteurs imparfaits, parfois de bien mauvais serviteurs. Souvent nous sabotons le travail de Dieu. Alors ne croyons pas qu'il nous doive quelque chose. S'il nous prend à son service, c'est par grâce. Dieu nous aime assez pour avoir confiance en nous, malgré notre incapacité, pour nous confier une tâche et donner un but à notre vie, pour ne pas nous mettre au chômage ou nous licencier. Et il sait qu'il en sera toujours ainsi, que nous ne serons sans doute pas demain de meilleurs serviteurs qu'aujourd'hui. Pourtant il continue à nous faire confiance. Aucun de nos faux-pas n'entame l'espérance qu'il a mise en nous.

• Avec un maître comme cela on peut se mettre au travail. Si sa lucidité est grande et s'il ne peut pas se faire d'illusions à notre sujet, son amour est plus grand encore. Ce maître qui consent à embaucher les incapables que nous sommes, n'en est plus un. Il est beaucoup plus Père que Maître. Il a instauré un rapport qui s'appelle gratuité ou grâce. Il pardonne l'erreur, efface la faute. Embauché gratuitement, par grâce, on sert gratuitement. Mais si on ne cherche pas de salaire, on n'a pas non plus à redouter les coups et le licenciement. On ne cherche plus à savoir si on est utile, mais on remercie Dieu de ce qu'il veut bien nous utiliser.

  Des vauriens? Oui, sans doute, puisque Jésus le dit, mais des vauriens qui valent beaucoup aux yeux de Dieu, des vauriens qu'il aime et qui, par sa puissance, peuvent tout. L'important, c'est de se savoir embauché parce qu'aimé, et donc de servir parce qu'on aime, humblement, avec joie. C'est ainsi qu'on apprend à bien faire ce qui autrement ne peut être que mal fait.

 

Questions de révision et exercices:

1) Ce texte, comme tant d'autres, enseigne que nos rapports avec Dieu sont ceux de serviteurs et de leur maître. Quel enseignement en tirez-vous?

2) En quoi sommes-nous pour Dieu des serviteurs inutiles?

3) En quoi Dieu est-il différent de tous les maîtres de ce monde?

4) Cette parabole paraît bien dure, pourtant elle est extrêmement consolante. Pourquoi?

    

17-Septembre-2002, Rev. David Milette.