LES PARABOLES DU SEIGNEUR, par Dr. Wilbert Kreiss - index

 

L'HOMME RICHE: Luc 12:13-21

Jésus venait de faire un long discours. il avait agi en rabbi. Un homme que ses intérêts personnels semblaient préoccuper beaucoup plus que l'enseignement du Maître recourut à lui. C'est qu'on allait souvent consulter les rabbis pour des litiges entre individus. Cet homme voulait user de l'autorité de Jésus pour régler une historie d'héritage, un différend qui l'opposait à son frère.

O homme, qui m'a établi juge ou pour faire vos partages?

C'est un non calme, mais catégorique du Christ. Il n'est pas venu pour cela. Qu'il aille donc consulter les juristes et autres experts. Le Christ a, quant à lui, une mission autrement plus importante, et ce n'est pas l'honorer que de lui demander de trancher semblables litiges. Puis Jésus passe à une sévère mise en garde contre la cupidité et l'avarice. Celles-ci sont dangereuses pour la simple raison que la vie ne dépend pas des biens qu'on a. Une parabole va illustrer cela.

Les terres d'un homme riche avaient beaucoup rapporté:

Cet homme n'a pas de nom. C'est un quidam riche, mais sans plus, et surtout pas un exemple à imiter. Son nom importe donc peu. Autant qu'il reste dans l'anonymat. Ce n'est pas qu'il soit méprisable. Il n'est pas défendu d'être riche. Il ne semble pas par ailleurs qu'il ait été malhonnête ou injuste. Il a tout simplement beaucoup travaillé et fait prospérer sa ferme. Beaucoup travaillé. Même de trop! Un infarctus va l'emporter en pleine nuit, sans prévenir. Il y a peut-être des cas de cupidité beaucoup plus graves encore, mais celui-là l'est déjà de trop, car cet homme ne vit que pour ses biens. Eux et eux seuls remplissent son coeur et son existence. On notera le recours constant à la 1° personne du singulier dans les pronoms et les verbes: 12 fois dans les V.7-12! C'est l'égocentrisme absolu. Il n'y a que lui sur cette terre, lui avec ses greniers et son grain. Il ne remercie pas Dieu. Celui-ci n'a pas de place dans son existence.

Il raisonnait en lui-même, disant: Que ferai-je?

Sa richesse lui pose des problèmes? Il y a des solutions à cela, mais pas un instant il ne voudrait échanger sa place contre un pauvre ou partager sa récolte pour les résoudre.

C'est un progressiste, un cultivateur moderne, à l'esprit rationnel. Il décide de détruire ses vieilles granges et d'en construire d'autres, neuves, plus grandes, fonctionnelles. Et tout le monde les verra, ce qui ne gâchera rien. Son plan est fait, trop bien fait, car fait sans Dieu. Il n'a pas dit: "Si Dieu le veut et me prête vie...". Grave oubli! Tout va donc être bouleversé.

Je dirai à mon âme:

Il déclare à son âme qu'elle a beaucoup de réserves, pour de nombreuses années. De quoi être rassurée et satisfaite. A un détail près: Il n'y aura pas beaucoup d'années... Sa vie ne dépend pas de ses richesses, des biens de ce monde, mais de celui qui l'a donnée et qui peut la reprendre quand il veut. Cf. V.15. Non qu'il ait nié l'existence de Dieu, mais il calcule sans lui. Cette erreur lui sera fatale.

Insensé!

Dieu parle et traite cet homme d'insensé, et ce qu'il dit est aux antipodes de ce que cet homme avait déclaré vouloir faire. L'homme propose, mais Dieu dispose... Le calcul de cet homme était faux à la base. Il avait laissé en dehors de ses comptes celui qui est au-dessus des biens de ce monde, le Créateur souverain sans lequel nous ne pouvons pas vivre un seul instant. Le monde est rempli d'insensés de ce genre. L'âme que cet homme voulait réjouir avec ses richesses lui sera redemandée la nuit même pour entrer dans l'éternité. Il avait consacré tout son temps et toute son énergie à s'enrichir, mais il va mourir. Pour qui sera-ce? Les héritiers vont se frotter les mains, se partager le tout et peut-être se quereller et déchirer la famille. C'est tout ce qu'il aura obtenu.

Cette parabole est une photographie, avec un emplacement pour y inscrire un nom. Veillons à ce que ce ne soit pas le nôtre! Cet homme amasse des trésors, mais n'est pas riche en Dieu. Cette traduction est préférable à celle de Segond ("riche pour Dieu"), car elle donne à la phrase du Christ un sens plus simple. Etre riche en Dieu, c'est rechercher et obtenir par la foi les trésors offerts dans l'Evangile. C'est la seule vraie richesse, qui n'abandonne jamais l'homme, celle qui rend riche par delà la mort, dans l'éternité. Celui qui possède ces trésors est riche, même s'il ne gagne que le SMIC ou ne touche que le RMI.

Jésus ne condamne pas l'épargne, ni même la fortune mais une accumulation de trésors qui empêche d'être riche en Dieu. On peut être riche en biens terrestres et riche en Dieu (Abraham, David, Job), mais quand on est riche en Dieu, on ne met pas son espérance dans sa fortune. Il n'en est pas moins vrai qu'il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'être sauvé.

 

Thèmes de réflexion:

• Un homme bien intentionné et sincère, se fondant peut-être sur certains psaumes où David prie le Seigneur de lui faire justice, demande à Jésus de défendre sa cause, d'user de son autorité pour obtenir de son frère un partage équitable des biens. Il croit sans doute que Jésus est venu établir la justice sur terre et se heurte donc à un refus catégorique. Le Seigneur refuse d'utiliser son autorité de rabbi et de Fils de Dieu pour faire régner un peu plus d'équité et de morale parmi les hommes, pour les contraindre à être plus justes. S'il avait répondu à sa requête, il aurait été un moraliste de plus. Or sa mission se situe ailleurs. Il y a assez de moralistes et de juges ici-bas pour veiller à la justice et aux biens de chacun. Il est, lui, ce qu'aucun autre ne peut être, Sauveur, Rédempteur, Bon Berger. Il veille à d'autres biens qu'aux héritages des hommes.

  Jésus est certainement heureux, quand les hommes pratiquent la justice et se partagent équitablement les biens de ce monde, mais il n'est pas venu pour les y contraindre. Il ne nous oblige pas à être justes. Il est venu non pour nous contraindre à la justice, mais pour nous libérer de l'injustice par le pardon et la sanctification. Pour nous libérer de nous-mêmes, de notre injustice, mais aussi de l'amour de l'argent. C'est pourquoi il raconte une parabole dont nous avons tous besoin.

  Ceux qui attendent du Christ et de l'Eglise qu'ils arbitrent entre les hommes, qu'ils justifient les uns en condamnant les autres, et qui mélangent ainsi christianisme et politique, Evangile et social, assoient le Christ sur le trône d'un juge, au lieu de l'adorer sur la croix. Jésus s'y refuse.

• Au lieu de se laisser annexer, de prendre le parti des spoliés ou des spoliateurs, des pauvres ou des riches, des malheureux ou des heureux, Jésus lance à tous un avertissement par l'histoire banale de cet homme qui perd son âme... et son nom. Tant de gens croient tout gagner, mais perdent tout, leur âme et leur nom. Ce ne sont plus des hommes. Ils s'identifient à leurs terres, leur blé, leurs immeubles, leurs actions, leurs comptes en banque. Ils croient que beaucoup d'argent cela fait beaucoup de vie (V.19), et c'est faux. L'homme de notre parabole ne songe qu'à lui-même. Les autres n'existent pas. Il ne parle qu'à son âme. L'argent l'a court-circuité. Même Dieu n'a plus de place dans sa vie. Cet homme n'est qu'un "je". Il ne connaît ni "tu", ni "toi". Son seul partenaire, c'est son âme, une âme vide qui s'identifie à ses greniers et son fric.

  Dieu le fait mourir, lui enlève une vie devenue inutile et morte, superflue, car ignorant le monde et le prochain. La richesse peut tuer non seulement par un infarctus, mais en nous enfermant sur nous- mêmes, en éliminant les autres. Elle peut faire de nous un "je" solitaire qui se croit maître de son avenir et qui ne vit que pour lui-même. C'est pire qu'un infarctus! Or Jésus est venu et s'est offert pour nous, pour que nous puissions dire "toi" à Dieu et au prochain, pour que nous sortions de notre prison et vivions pour Dieu et pour les autres, en sachant que Dieu et les autres existent et qu'ils ont des droits sur nous, sur notre existence et sur nos biens.

 

Questions de révision et exercices:

1) Pourquoi Jésus refuse-t-il de s'occuper d'une histoire d'héritage qu'il aurait certainement su bien régler?

2) Quelle leçon l'Eglise doit-elle tirer de ce refus?

3) Quelles ont été les grandes erreurs de ce riche exploitant?

4) Quelle a été sa véritable misère?

5) Quelle leçon pensez-vous devoir tirer des V.15 et 21?

    

17-Septembre-2002, Rev. David Milette.