LES PARABOLES DU SEIGNEUR, par Dr. Wilbert Kreiss - index
L'AMI SANS GENE: Luc 11:5-10
Dans Luc 11:1-13, il est question de la prière. Jésus y apprend aux siens à prier. L'argument est le
suivant: Si déjà nous acceptons de nous laisser déranger par un ami sans gêne, à combien plus forte
raison Dieu exaucera-t-il nos prières à nous qui sommes ses enfants!
Si l'un de vous a un ami et qu'il aille le trouver au milieu de la nuit...:
Les éléments de comparaison sont les suivants: 1) un simple ami / Dieu le Père; 2) minuit, une heure
où on ne dérange pas les gens / pas de minuit pour Dieu, on ne le dérange jamais; 3) l'ami dérange son
voisin pour un homme que ce voisin ne connaît pas, à qui il ne doit rien / nous prions Dieu pour des
hommes qu'il connaît et qu'il aime, car ils sont ses enfants; 4) un petit besoin est exaucé / nos grands
besoins le seront à plus forte raison; 5) un petit don (des galettes) / de grands dons; 6) un refus égoïste
/ l'exaucement d'un Dieu aimant. Conclusion: Si donc l'ami sans gêne a obtenu satisfaction, à combien
plus forte raison nous qui sommes les enfants bien-aimés d'un Dieu miséricordieux!
L'ami sans gêne a obtenu satisfaction. La parabole n'illustre pas tant la persévérance dans la prière
(pour cela, cf. plutôt Luc 18:1) que l'encouragement à la prière et l'audace dans la prière. Rien ne doit
nous dissuader d'invoquer le Père céleste, car nous serons exaucés.
Demandez, et l'on vous donnera...:
C'est la promesse solennelle de l'exaucement. Trois impératifs suivis de trois futurs. "Demandez",
"cherchez", "frappez". Ces trois verbes expriment avec une gradation la démarche du croyant. Prier, c'est
demander, implorer, tendre une main de mendiant et le faire avec courage et confiance. C'est aussi
chercher, chercher ce qu'on n'a pas et le chercher là où on peut le trouver, auprès de Dieu. C'est enfin
frapper, frapper à la bonne porte et sans rendez-vous, déranger, importuner, sachant qu'on sera toujours
reçu, par le plus grand des seigneurs, le Roi des rois. Et à chaque démarche correspond une promesse
qui veut la motiver. Si nous pouvons demander, c'est parce qu'on nous donnera. S'il vaut la peine de
chercher, c'est parce qu'en cherchant on trouve. S'il est possible de frapper, c'est parce qu'il y a derrière
la porte quelqu'un qui est puissant et qui nous aime, qui ne demande qu'à nous recevoir et nous écouter.
Questions de réflexion:
- Les amis de nos amis sont nos amis. C'est le résumé de la parabole: une histoire d'amis, trois
en tout. Le deuxième est dérangé par le premier qui, lui, va déranger le troisième. C'est ainsi que le
chrétien est tracassé par la souffrance de son prochain et va déranger, tracasser Dieu. Il va demander
à Dieu pour son prochain ce qu'il ne peut pas lui donner lui-même. La parabole ne parle pas tant de la
prière en général que de l'intercession.
- La prière est toujours une histoire entre deux amis, Dieu et moi. Quand elle se change en
intercession, elle fait intervenir un troisième ami. Nos prières restent pauvres, si nous oublions ou
négligeons cela, si nous ne prions que pour nous-mêmes. Jésus nous apprend à prier, mais il nous
apprend aussi à intercéder, à jouer le rôle de médiateurs qu'il joue lui-même quand il prie. Ne pas
intercéder pour son prochain, c'est oublier que Jésus est Intercesseur, Médiateur. C'est prier en égoïste,
demander pour soi, demander à Dieu des richesses alors que son Fils a été pauvre, lui demander la
gloire alors que son Fils a été couronné d'épines, lui demander la sécurité alors que son Fils n'avait pas
où reposer la tête. C'est demander sans servir et s'abaisser, sans lutter pour autrui comme l'a fait le
Christ. C'est agir comme s'il n'y avait que Dieu et moi au monde.
- Qui est ce troisième ami? C'est celui qui a besoin de nous. Pas seulement celui qui nous appelle
au secours, mais aussi tous ceux qui souffrent, de quelque souffrance que ce soit, sans jamais oser
frapper à notre porte. La souffrance des autres doit nous déranger, nous troubler, nous préparer
quelquefois des nuits blanches, au besoin nous interdire de dormir, même s'ils ne viennent pas frapper
chez nous. Souvent ils viennent le faire, et nous avons des boules Quiès dans les oreilles. Souvent ils
ne frappent pas, mais nous les voyons et fermons les yeux... Déranger Dieu pour nous, c'est bien, et
Dieu le veut. Mais il faut aussi savoir se laisser déranger par les autres. Parler avec Dieu, c'est bien,
mais il faut aussi savoir écouter les autres. Frapper à la porte de Dieu? Oui, mais aussi savoir ouvrir la
sienne!
- Ou nous avons du pain ou nous n'en avons pas. Si nous en avons, partageons-le, au lieu de
déranger Dieu, et ne faisons pas comme ce riche qui avait de quoi restaurer son hôte, mais préféra
dévaliser son voisin qui était pauvre (2 Samuel 12:1 ss.). La prière peut être un alibi pour garder ce que
nous avons. Nous prions pour les affamés, cela nous donne une bonne conscience quand nous
mangeons le rôti du dimanche, et nous évite de partager notre pain avec eux. Nous prions pour les
malades, donc pas besoin d'aller les visiter. Nous prions pour les pauvres, cela nous permet de rester
riches. Intercéder? Oui, à condition que nous ne demandions pas à Dieu de faire ce que nous pourrions
faire nous-mêmes. A condition que l'intercession ne soit pas un moyen de nous débarrasser des autres
à bon compte par un coup de fil au Président de l'univers ou une recommandation pour le Bureau Central
de la Sécurité Céleste!
- Jésus envisage l'autre hypothèse, celle où nous ne pouvons pas donner aux autres ce dont ils
ont besoin. Nous ne sommes pas Dieu, et notre amitié, notre salaire et notre temps ne suffisent pas pour
secourir tous ceux qui sont dans le besoin. Je peux faire quelque chose pour les malades (visites,
réconfort, amitié), pour les pauvres (partage du superflu), pour les chargés et les fatigués (réconfort,
soulagement), mais je ne peux pas guérir les malades, rassasier tout le Tiers et le Quart-Monde,
consoler et délivrer tous ceux qui sont brisés. Alors, si j'ai donné ce que je peux donner et que cela ne
suffit pas, il ne me reste qu'à agir comme l'homme de cette parabole: aller trouver mon Ami, déranger
Dieu, pour lui demander d'agir à son tour. Jésus l'affirme: même si cela le dérange, la porte s'ouvrira.
L'intercession change la prière en ce qu'elle glisse entre les deux amis un troisième ami qui souffre.
Nous n'intercédons pas assez pour les pauvres et les riches, pour les mauvais paroissiens et les bons,
pour les incroyants, pour notre pasteur et tous les autres prédicateurs, pour les bons gouvernements et
pour ceux qui se vautrent dans la corruption, pour les couples heureux et ceux qui se déchirent, pour
les jeunes et les vieux.
- La parabole est une histoire d'amis. Ce n'est pas une raison pour ne prier que pour ses amis.
Jésus a prié aussi pour ses ennemis et nous demande de faire de même. C'est vrai, cette parabole est
une histoire d'amis, mais aussi une histoire de "casse-pieds". Nous cassons les pieds à Dieu. Et souvent
aussi à d'autres. Alors pourquoi les autres n'auraient-ils pas le droit de nous casser les nôtres, non
seulement par leurs demandes explicites ou silencieuses, mais aussi par leur caractère, leurs attitudes,
leurs idées? Et si nous apprenions à être aussi patients, compréhensifs et tolérants que Dieu? Si nous
apprenions à supporter le dixième de ce que nous lui demandons de supporter?
Questions de révision et exercices:
1) Qu'est-ce que cette parabole nous révèle à propos de Dieu?
2) En quoi nous encourage-t-elle à prier pour les autres? Développez les différents
arguments.
3) Quand convient-il d'intercéder pour autrui?
4) Pour qui faut-il intercéder?
5) En tenant comte de la promesse des V.9.10, peut-on dire qu'il y a des limites à
l'exaucement divin? Cf. la réponse dans le Petit Catéchisme de Luther.
6) Quelle est la place que vous réservez à l'intercession dans vos prières personnelles?