LE MONDE DE L'ANCIEN TESTAMENT, par Dr. Wilbert Kreiss - index
CHAPITRE 11: LE PLAN DE DIEU POUR LE ROYAUME DE JUDA
Bien qu'Israël eût été militairement plus fort que Juda et l'eût dominé jusqu'à la chute de Samarie en 722 av. J.-C., le royaume de Juda fut le plus stable des deux. Il resta fidèle aux descendants de David, tandis qu'Israël changea plusieurs fois de dynasties, connut bien des règnes de courte durée, des régicides et de graves troubles internes. Les promesses de Dieu concernant notamment le Messie étaient liées à David et à ses descendants. Juda était donc le peuple des promesses. Il ne pouvait pas, comme Israël, être rayé de la carte du monde. Dieu avait un plan qui devait se réaliser. Aussi Juda survécut-il 135 ans à la défaite d'Israël. Et une fois parti en captivité, il ne fut pas assimilé à d'autres cultures et ne perdit pas son identité nationale et religieuse.
Le long règne d'Ozias amena la prospérité de Juda qui avait reconquis le Négueb et le désert du sud, la plaine de Philistie et ses territoires du nord. Ozias était un souverain aimé que son peuple pleura longuement à sa mort. Jotham, son fils (750-732 av. J.-C.), devint co-régent vers 750 av. J.-C., quand Ozias se retira des affaires publiques en raison de sa lèpre. Il remporta quelques victoires sur les Ammonites et consolida Jérusalem et les places fortes dans le pays.
Quand il mourut, son fils Achaz (735-715 av. J.-C.), âgé de 20 ans, dut faire face à la coalition d'Israël et de Syrie. Désirant le déposer pour mettre un Araméen sur le trône de Jérusalem, Retsin de Damas et Pékach d'Israël firent le siège de la ville. Les Edomites secouèrent le joug de Juda et rejoignirent les coalisés. Les Philistins se soulevèrent à leur tour. Alors Achaz prit peur et sollicita l'aide de l'Assyrie. Esaïe le lui reprocha avec véhémence, lui prêchant que le salut était dans la foi en Yahvé. Mais Achaz rejeta le message du prophète et envoya un énorme présent à Tiglath-Piléser. Le roi d'Assyrie réagit immédiatement et chassa les confédérés.
Un jour qu'il était à Damas, Achaz vit un autel païen et en fit faire une copie. Il est possible qu'il ait agi sous l'effet de l'intimidation. Les Assyriens en effet avaient peut-être exigé le culte de leur dieu Assur dans les territoires conquis. Le nouvel autel remplaça celui du temple (2 Rois 16:15). Achaz modifia encore d'autres choses dans l'enceinte sacrée et bâtit des autels aux dieux syriens ailleurs dans Jérusalem et dans d'autres villes. Il alla jusqu'à sacrifier son fils au dieu Moloch. Le bilan politique de son règne n'est guère meilleur. Il perdit des terres et donc des revenus, affaiblissant son royaume, et toléra l'injustice et la corruption. Il fut ainsi l'un des plus mauvais rois de Juda.
Ezéchias (715-687 av. J.-C.) lui succéda à l'âge de 25 ans et renversa la politique de son père. Il rouvrit les portiques du temple, les répara, purifia le sanctuaire (2 Chroniques 29-31), rétablit le culte prescrit par la loi et procéda à un certain nombre de réformes.
L'Assyrie étendait son hégémonie sur tous les pays d'alentour et constituait pour l'Egypte, gouvernée par des rois faibles, une menace véritable. Biankhi, roi d'Ethiopie, y avait fondé la 21° dynastie et souhaitait que les villes philistines de la côte, Juda, Edom et Moab se soulèvent contre elle. Il offrit donc à Ezéchias de conclure une alliance avec lui, mais Ezéchias, écoutant le conseil d'Esaïe, s'y refusa du vivant de Sargon. Il profita cependant de l'accession au trône de Sanchérib (705-681 av. J.-C.), moins compétent que son prédécesseur, pour mener une révolte contre l'Assyrie (2 Rois 18:7). De son côté, Mérodac-Baladan de Babylone secouait lui aussi le joug assyrien.
Sanchérib, préoccupé par le soulèvement de Babylone, ne put se soucier de la menace posée par Ezéchias. Celui-ci commença à renforcer les défenses de Jérusalem et accomplit d'importants travaux pour ravitailler la ville en eau. Jérusalem, en effet, était approvisionnée essentiellement par une source qui se trouvait à l'extérieur des remparts et qu'un ennemi aurait facilement pu supprimer ou polluer. Il fit donc creuser un long tunnel destiné à acheminer l'eau dans la piscine de Siloé à l'intérieur de la ville. La percée, par les deux extrémités, de ce tunnel long de 512 m et haut en moyenne de 1,80 m était un exploitant étonnant.
Vers 701 av. J.-C., Sanchérib se tourna vers l'ouest pour étouffer les révoltes dans cette région. Le royaume de Tyr fut vaincu. Les rois de Sidon, Byblos, Arvad, Asdod, Moab, Edom et Ammon s'empressèrent de lui payer un tribut, mais Askalon, Ekron et Juda résistèrent. Sanchérib écrasa cette résistance, attaqua Juda et conquit 46 villes fortifiées. Ezéchias lui envoya un messager, offrant de se rendre et de payer un tribut, quel qu'en fût le montant. Il puisa dans les trésors du temple et du palais et lui remit 300 talents d'argent et 30 talents d'or (2 Rois 18:14 ss.). Mais Sanchérib avait d'autres exigences auxquelles Ezéchias refusa de se conformer (2 Rois 18:17-19:32). Jérusalem fut donc assiégée, mais non vaincue. Les troupes assyriennes furent décimées par une plaie envoyée par Dieu (2 Rois 19:35), et la ville épargnée (689 av. J.-C.).
Mais l'indépendance de Juda fut de courte durée. Manassé, fils d'Ezéchias (687-642 av. J.-C.), fut loyal à l'Assyrie. Sanchérib fut tué par deux de ses fils, dont le plus jeune, Esarhaddon (681-669 av. J.-C.) monta sur le trône et établit son pouvoir sur les nations conquises. Il vainquit le roi d'Egypte et mourut. Son fils Assurbanipal (669-627 av. J.-C.) continua la campagne égyptienne et finit de briser la révolte. Pendant ce temps, Manassé anéantit l'oeuvre de réforme religieuse entreprise par son père, s'adonna au paganisme, à la magie et à l'occultisme, et offrit son fils en sacrifice à Moloc, dans la "vallée des fils de Hinnom" (2 Rois 23:10; 2 Chroniques 33:6). Ce ravin ("Géhenne" en grec), lieu maudit en raison des atrocités qui y avaient été commises, servait de dépotoir et constitue dans le Nouveau Testament le symbole de l'enfer. Manassé fit mieux encore: il plaça une idole d'Astarté dans le temple. Il fut sans conteste le plus mauvais roi de la dynastie de David. A cause de tous ses péchés, Dieu décida de châtier Jérusalem (2 Rois 21:12-15).
Assurbanipal réussit à réprimer la révolte de Babylone en 648 av. J.-C., soumit Elam vers 640 av. J.-C., vint à bout de la Syrie et déporta des Elamites et des Babyloniens en Samarie. Mais il ne parvint pas à se soumettre l'Egypte et il semble qu'il ait conclu une alliance avec Manassé pour s'assurer un allié près de la frontière égyptienne. Cet acte permit à Manassé de se soustraire à l'oppression assyrienne. Assurbanipal sut rétablir la paix dans son empire et fonda une grande bibliothèque découverte au XIX° siècle.
Amon (642-640 av. J.-C.) succéda à son père Manassé, à l'âge de 22 ans. Il fut assassiné par ses serviteurs au bout de deux ans de règne, mais le peuple le vengea en établissant son fils Josias (640-609 av. J.-C.) sur le trône. Celui-ci mena une réforme religieuse de grande envergure, purifiant Juda et Jérusalem des hauts lieux et des idoles (2 Chroniques 34:3.4).
Avec la mort d'Assurbanipal, la fin de l'empire assyrien était imminente. Les Scythes envahirent l'Asie occidentale. Un prince chaldéen Nabopolassar (626-605 av. J.-C.) vainquit les Assyriens à l'extérieur de Babylone et réalisa l'indépendance de son pays. Assur, l'ancienne capitale assyrienne, tomba en 614 av. J.-C., et Ninive en 612 av. J.-C. L'Assyrie ayant perdu le contrôle de l'ouest, Josias put y mener ses réformes en toute liberté, et cela jusque dans les territoires de Manassé, Ephraïm et Nephthali. Il restaura notamment le temple durant la 18° année de son règne (622 av. J.-C.). A cette occasion, un sacrificateur y découvrit le "livre de la loi de l'Eternel donnée par Moïse" ( 2 Rois 22:8 ss.; 2 Chroniques 34:14). Lecture en fut faite, et le roi exigea que le peuple tout entier se soumît à elle.
Les jours de l'empire assyrien étaient comptés. Aux Babyloniens se joignirent les Mèdes. L'empire finit de s'effondrer en 609 av. J.-C. Selon 2 Rois 23:29, le pharaon Néco monta "contre l'Assyrie". Il est plus correct de traduire par: "alla vers l'Assyrie". Il semble en effet qu'il soit allé combattre les Mèdes et les Babyloniens pour secourir les Assyriens. Josias de Juda, allié de l'Assyrien, voulant l'en empêcher, lui livra bataille à Meguiddo et y trouva la mort. Son corps fut rapatrié à Jérusalem sur son propre char, et son fils Joachaz (609 av. J.-C.) régna à sa place. Son règne ne dura que trois mois. Le pharaon Néco l'emmena chez lui en Egypte où il mourut. Il établit Eliakim, un autre fils de Josias, roi de Juda et changea son nom en Jojakim (609-598 av. J.-C.). Celui-ci dut lui verser un lourd tribut qui l'obligea à imposer une taxe à chaque citoyen de son pays. Ce qui ne l'empêcha pas de gaspiller beaucoup d'argent en construisant un vaste palais.
Pendant ce temps, Nebucadnetsar II (605-562 av. J.-C.), fils de Nabopolassar, dut se replier face aux Egyptiens, à Carkémisch, pour assurer son pouvoir en Assyrie. Puis il se retourna vers l'ouest et s'en prit à Askalon en Philistie, dont il déporta les habitants à Babylone. Craignant une invasion babylonienne, Jojakim offrit sa loyauté à Nebucadnetsar en 603 av. J.-C. (2 Rois 24:1). Celui-ci, affaibli par une nouvelle guerre contre l'Egypte, repartit à Babylone pour reconstituer son armée. Jojakim en profita pour se révolter, mais il fut harcelé par les Araméens, les Moabites et les Ammonites dont les terres avaient été conquises par Babylone. En 598 av. J.-C., Nebucadnetsar revint en Palestine. Jojakim mourut, et son fils Jojakin lui succéda. L'armée babylonienne parvint à encercler Jérusalem en l'espace de trois mois, en 597 av. J.-C., et déporta le roi, la reine-mère, de hauts fonctionnaires et un certain nombre de citoyens importants. Il prit aussi les trésors du temple et du palais. Ce fut la première des trois déportations de Juda.
L'oncle de Jojakin, Matthania, troisième fils de Josias, fut établi roi de Juda par les Babyloniens qui changèrent son nom en Sédécias (597-587 av. J.-C.) (2 Rois 24:17). Il dut assumer l'impossible tâche de gouverner une nation dont la loyauté était partagée entre l'Egypte et Babylone. De plus, les combats et les tributs imposés avaient paralysé l'économie. Une partie du peuple continuait à considérer Jojakin, déporté à Babylone, comme le roi légitime. En 594, Sédécias, invité par Edom, Moab, Ammon, Tyr et Sidon à se joindre à leur coalition, se révolta contre la Babylonie. S'opposant aux "prophètes de la paix" qui annonçaient l'écrasement de l'empire babylonien, Jérémie prédit que Juda serait châtié, que la révolte contre Babylone serait vaine et n'apporterait que la famine, la peste et la mort. La conspiration ayant été étouffée, Sédécias se rendit à Babylone en 593 av. J.-C., sans doute pour assurer Nebucadnetsar de sa loyauté (Jérémie 451:59).
Mais cinq ans plus tard, il se révolta contre le souverain de Babylone, quand le pharaon Hophra vint au pouvoir et promit assistance à Juda. Seules Tyr et Sidon se joignirent à Juda. Nebucadnetsar assiégea Jérusalem en 588 av. J.-C. La ville résista pendant 18 mois, avant de se rendre. L'espoir fut raffermi, quand l'armée égyptienne arriva et que l'ennemi leva temporairement le siège. Mais le répit fut de courte durée. L'attaque renouvelée de l'armée babylonienne amena la famine et de terribles souffrances. Finalement, on fit une brèche dans la muraille. Sédécias tenta de s'enfuir, mais fut capturé à Jéricho, emmené à Ribla où on lui creva les yeux après l'avoir contraint à assister à l'exécution de ses fils, puis conduit captif à Babylone. En raison des révoltes répétées de Juda, le chef de l'armée babylonienne reçut l'ordre de déporter toute la population, à l'exception des plus pauvres, et le pays fut gouverné par Guedalia. C'est ainsi que s'acheva l'histoire politique de Juda. Mais à la différence d'Israël, la captivité de Juda fut limitée dans le temps. Elle dura environ 70 ans, puis elle prit fin. Dieu était lié à ses promesses. Le Sauveur du monde, descendant du grand roi David, devait venir. Il fallait donc que Juda survive jusqu'au temps choisi par lui.
Questions de révision et exercices: