L'ISLAM, par Dr. Wilbert Kreiss - index
3) L'enseignement de l'islam à la lumière de l'Ecriture Sainte
Le Coran
Selon l'islam, Dieu s'est de tout temps révélé par des prophètes, des hommes inspirés par lesquels il s'est fait connaître au monde. Adam a été le premier d'entre eux. Puis il y eut Noé, Moïse et bien d'autres encore. De même Jésus-Christ dont il est beaucoup question dans le Coran. Cependant Mahomet est «le Sceau de tous les prophètes». C'est de là qu'est issue la croyance islamique selon laquelle le cycle prophétique s'est achevé avec le Coran, point culminant de la révélation divine. L'islam est considéré par les musulmans comme la dernière et la plus parfaite des révélations de Dieu, qui accomplit et remplace toutes les précédentes.
Le Coran est le texte sacré fondateur de l'islam. Le nom arabe al-Qur'an désigne quelque chose qui est «lu» ou «récité». Il est appliqué au livre qui contient ce que les musulmans tiennent pour une série de révélations faites par Allah à Mahomet pendant ses années de prophétie à La Mecque et à Médine, au cours des premières décennies du VII siècle. Aussi voit- on les élèves des medersas (ou madrasas, noms désignant les écoles coraniques) lire ou réciter par c ur, d'une façon incantatoire et avec un mouvement perpétuel du corps d'avant en arrière, des versets du Coran. Et cela en arabe, qu'ils comprennent cette langue ou pas, car c'est dans cette langue qu'il a été écrit ; c'est donc en arabe, langue sacrée, qu'il doit être lu ou récité.
La révélation fut faite, selon les musulmans, par Jibra'il, l'ange Gabriel. Mahomet lui- même, étant analphabète, n'a rien écrit. Selon la tradition, il retransmettait les révélations reçues à ses disciples qui les retenaient par c ur et parfois les notaient sur des supports divers comme des feuilles de palmier, des fragments d'os ou des peaux d'animaux. Après la mort de Mahomet en 632, ils décidèrent de rassembler l'ensemble des révélations, qui furent finalement réunies, vers 650, sous le califat d'Othman, pour constituer le Coran tel que nous le connaissons aujourd'hui. L'arabe littéraire indiquait habituellement les consonnes sans les voyelles, et la tradition veut que celles-ci aient été ajoutées plus tard. Au IV siècle de l'hégire (X siècle de notre ère) divers systèmes de «lecture» (ou ajout de voyelles) du texte initial consonantique étaient possibles; sept d'entre eux furent reconnus d'égale valeur. Ces «lectures» ne doivent pas être confondues avec les variantes de certains passages du Coran qui ont été conservées par la tradition musulmane.
Le Coran est divisé en 114 chapitres appelés « sourates », portant chacun un titre différent. Les sourates sont elles-mêmes divisées en versets. La division en versets est postérieure à la division en sourates. Celles-ci ne sont pas classées selon l'ordre dans lequel elles auraient été révélées à Mahomet, mais en fonction de leur longueur. Globalement, les chapitres figurent dans l'ordre décroissant de longueur. La seule exception à ce principe est le chapitre 1 (la fatiha : « Allah seul est Dieu et Mohammed est son prophète») qui est relativement court. Le chapitre 2 (La vache) est le plus long, avec 286 versets dans l'édition la plus courante, tandis que le chapitre 114 (Les hommes), avec 6 versets, est le plus court.
La langue du Coran se distingue des autres formes d'arabe. C'est un mélange de prose et de poésie sans mètre. Le style est allusif et elliptique et la grammaire ainsi que le vocabulaire sont souvent difficiles. Comme de nombreux textes sacrés, le Coran se prête à différentes interprétations qui sont loin de faire l'unanimité du monde musulman, ce qui explique par exemple les préceptes divers et souvent contradictoires concernant le port du voile ou les différentes conceptions du djihad, c'est-à-dire de la guerre sainte au sein de l'islam. La mémorisation, dans les écoles coraniques, du texte sacré par le croyant va de pair avec une certaine tradition d'interprétation. Quant à la langue dans laquelle il a été écrit, elle est considérée comme l'exemple d'arabe le plus parfait qu'aucune production humaine ne saurait égaler. Dans la mesure où il est généralement admis par les musulmans que le prophète était illettré, il semble miraculeux qu'une telle uvre ait pu être produite par son intermédiaire.
Par son contenu, le Coran est principalement un code de morale ou d'éthique, un ensemble d'avertissements concernant le dernier jour et le jugement final, de recommandations, commandements, préceptes ou interdits, de règles concernant la vie religieuse, la pratique cultuelle et des thèmes comme le mariage, le divorce et les héritages. Son message fondamental est qu'il n'y a qu'un seul Dieu, créateur de toutes choses. Lui seul doit être servi par un culte et un comportement en accord avec ce qu'il a révélé à Mahomet. Ce Dieu est miséricordieux et omnipotent. Il n'a cessé d'appeler l'humanité à le vénérer par la voix de plusieurs prophètes qu'il a envoyés. Ces prophètes, parmi lesquels figure Jésus, ont été sans cesse rejetés par des peuples impies que Dieu a pour cette raison châtiés.
Le Coran est considéré par la plupart des musulmans comme la parole de Dieu au sens littéral. Il est de ce fait l'élément central de l'islam, au même titre que l'Ancien Testament pour les juifs ou la Bible pour les chrétiens. Les prières quotidiennes obligatoires, au nombre de cinq, incluent la récitation de passages du Coran, et l'éducation traditionnelle consistait notamment à l'apprendre par c ur. Il est pour les musulmans l'une des deux sources principales de la Loi islamique, l'autre étant la Sunna, comme nous l'avons expliqué ci-dessus.
L'interprétation du Coran (traditionnellement appelée tafsir) est un domaine d'étude musulmane qui s'est perpétué depuis l'époque où le texte fut pour la première fois établi comme texte sacré pour les musulmans, jusqu'à aujourd'hui. De nombreux livres ont été écrits sur le sujet. Les musulmans considérant le Coran comme la parole de Dieu livrée à Mahomet par l'intermédiaire de Gabriel, croient que Dieu lui-même, et non Mahomet, en est l'auteur et par conséquent que le Coran est inimitable et infaillible. Révélation ultime de Dieu, il prolonge et surpasse toutes les révélations antérieures. Il y a dans le Coran de très nombreuses réminiscences de la Bible : Adam (II, 29 ss.), Joseph (XI), Moïse (II, 48 ss.), l'Exode (II, 44 ss.), Jésus (II, 81.130 ; III, 78 ; IV, 155-157.169 ; V, 76.79 ; XIX, 36 ; XXIII, 93 ; XXXIII, 7). Cf. encore VI, 84 ss. ; VII, 160. Beaucoup de ces récits sont truffés de légendes, qu'ils s'agisse de Moïse (XX, XXVI, XXVIII), de Zacharie, père de Jean-Baptiste (III, 33-36 ; XIX, 9 ss.).
Voici un échantillon significatif concernant la vierge Marie, curieux mélange de vérité historique et de légende : « Parle dans le Coran de Marie, comme elle se retira de sa famille et alla du côté de l'est du temple. Elle se couvrit d'un voile qui la déroba à leurs regards. Nous envoyâmes vers elle notre esprit. Il prit devant elle la forme d'un homme d'une figure parfaite. Elle lui dit : Je cherche auprès du Miséricordieux un refuge contre toi Il répondit : Je suis l'envoyé de son Seigneur, chargé de te donner un fils saint. Comment, répondit-elle, aurais-je un fils ? Nul homme ne s'est approché de moi, et je ne suis point dissolue. Il répondit : Il en sera ainsi. Ton Seigneur a dit : Ceci est facile pour moi. Il sera notre signe devant les hommes et la preuve de notre miséricorde. L'arrêt est prononcé. Elle devint grosse de l'enfant et se retira dans un endroit éloigné. Les douleurs de l'enfantement la surprirent auprès d'un tronc de palmier. Plût à Dieu, s'écria-t-elle, que je fusse morte avant que je fusse oubliée d'un oubli éternel ! Quelqu'un lui cria de dessous elle (Commentaire en fin du Coran : « Soit l'enfant qui, aussitôt né, se mit à parler, soit l'ange Gabriel ») : Ne t'afflige point. Ton Seigneur a fait couler un ruisseau à tes pieds. Secoue le tronc du palmier, des dattes mûres tomberont vers toi. Mange et bois et rafraîchis ton il. Et si tu vois un homme, dis-lui : J'ai voué un jeûne au Miséricordieux. Aujourd'hui je ne parlerai à aucun homme. Elle alla chez sa famille, portant l'enfant dans ses bras. On lui dit : O Marie, tu as fait une chose étrange ! O s ur d'Aaron, ton père n'était pas un homme méprisable, ni ta mère une femme dissolue. Marie leur fit signe d'interroger l'enfant : Comment, dirent-ils, parlerons-nous à un enfant au berceau ? Je suis le serviteur de Dieu, il m'a donné le Livre et constitué prophète. Il a voulu que je sois béni partout où je me trouverai. Il m'a recommandé de faire la prière et l'aumône tant que je vivrai, d'être pieux envers ma mère. Il ne permettra pas que je sois rebelle et abject. La paix sera sur moi au jour où je naquis et au jour où je mourrai et au jour où je serai ressuscité. C'était Jésus, fils de Marie, pour parler la parole de la vérité, celui sur lequel ils élèvent des doutes » (XIX, 16-35). C'est là un exemple parmi beaucoup d'autres de la façon dont les récits de la Bible ont été défigurés. Et cela sans aucun témoin, des siècles après que les événements en question se furent produits, au nom de la prétendue infaillibilité de Mahomet.
La Bible affirme : « Après avoir autrefois, à plusieurs reprises et de plusieurs manières, parlé à nos pères par les prophètes, Dieu nous a parlé par le Fils en ces jours qui sont les derniers » (Hébreux 1 :1.2). Cela signifie que la révélation de Dieu est parvenue à son point culminant en son Fils Jésus, le dernier et le plus grand prophète et le Rédempteur du monde, celui dont tous les prophètes ont rendu témoignage (Deutéronome 18 :15). Avant de remonter au ciel, Jésus dit à ses disciples : « Quand sera venu le Consolateur que je vous enverrai de la part du Père, l'Esprit de vérité qui provient du Père, il rendra témoignage de moi » (Jean 15 :26). Aussi l'Eglise chrétienne est-elle bâtie sur le « fondement des apôtres et des prophètes, dont Jésus-Christ lui- même est la pierre angulaire » (Ephésiens 2 :20). Tout a été révélé de ce que les hommes doivent savoir pour leur salut. Les écrits saints sont là pour « donner la sagesse en vue du salut par la foi en Jésus-Christ » et « toute l'Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour redresser, pour éduquer dans la justice, afin que l'homme de Dieu soit adapté et préparé à toute uvre bonne » (2 Timothée 3 :15-17).
Il n'y a donc plus de place dans le plan de Dieu pour de nouvelles révélations. Curieusement, Mahomet se sent obligé de préciser et de rappeler toujours à nouveau que ses paroles ne sont pas mensongères et ne proviennent pas du diable (X, 39 s. ; XXV, 5 s. ; XXVI, 211 s. ; XXXIV, 47 ; XLVI, 9 s. ; LII, 30-35 ; LXIX, 45 s.). De plus, après avoir d'abord affirmé que les révélations qui lui étaient accordées n'étaient destinés qu'aux Arabes, il soutient qu'elles concernent tous les hommes (V, 16 ; XXXIV, 29). Mahomet n'est pas un prophète parmi d'autres. Il est, lui et non Jésus, « l'envoyé de Dieu et le sceau des prophètes » (XXXIII, 40). Il semble qu'il ait connu des états extatiques, mais a-t-il reçu toutes ses révélations au cours de visions ? Il est permis d'en douter. Il est à peu près sûr que beaucoup de ces textes apparentés à la Bible proviennent de récits qu'il a dû entendre de la part de juifs et de chrétiens, récits déformés par la transmission orale et parfois consciemment défigurés. Et beaucoup de textes législatifs datant de la fin de sa vie et concernant la guerre sainte, le châtiment des malfaiteurs et la vie de famille, reflètent davantage les conceptions personnelles d'un potentat oriental de l'époque qu'une éthique d'inspiration divine et qui sait s'inspirer des leçons du « prophète » Jésus.
La Bible parle de la nuée de témoins qui nous environnent (Hébreux 12 :1), les témoins des grands faits de Dieu par qui il s'est révélé au monde en une révélation complète et suffisante pour notre salut, à laquelle il ne faut rien retrancher ni rien ajouter (Apocalypse 22 :18.19). Le Coran, quant à lui, est la compilation après la mort de Mahomet de révélations que ce dernier affirme avoir reçues de Dieu par l'intermédiaire de l'ange Gabriel et qu'il est seul à avoir reçues de lui. Mahomet est ainsi le seul témoin de ce qu'il affirme. En cela, le Coran est fondamentalement différent de la Bible qui a été écrite sous l'inspiration du Saint-Esprit par des auteurs divers et variés, prophètes et apôtres. Ce que les prophètes ont prédit s'est accompli en son temps. C'est vrai de différents épisodes dans la vie du peuple d'Israël, tels que l'exil en Assyrie et la disparition des tribus du nord ou l'exil à Babylone et le retour en Palestine des tribus du sud. C'est vrai surtout de la venue, de la vie et de l' uvre du Messie annoncé par eux et à qui les apôtres rendent un puissant témoignage. Par ailleurs, le Coran contredit en bien des points et de manière flagrante l'enseignement de la Bible. Comment les prophètes et Jésus ont-ils, de l'aveu même du Coran, été des témoins véridiques si leur témoignage est remis en question par des récits manifestement légendaires et des affirmations doctrinales qui vont à l'encontre de ce qu'enseigne l'Ecriture Sainte ? Au nom de quoi Mahomet peut-il, bien des siècles plus tard, proposer une autre version de la naissance du Christ ou d'événements de l'Ancien et du Nouveau Testament que celle de la Bible ? On n'oubliera pas ce que le Christ prédit dans l'Evangile : « Il s'élèvera de faux christs et de faux prophètes. Ils opéreront de grands signes et des prodiges au point de séduire, si possible, même les élus. Je vous l'ai prédit. Si donc on vous dit : Voici, il est dans le désert, n'y allez pas. Voici, il est dans les chambres, ne le croyez pas ! » (Matthieu 24 :23-26).
On appelle charia la loi islamique, l'ensemble des préceptes qui définissent les objectifs moraux de la communauté et qui ont leur source dans la sunna. C'est en conformité avec elle que tout musulman est tenu de lire, d'interpréter et d'appliquer le Coran.
Dieu
L'islam est une religion strictement monothéiste. Il proclame l'existence et exige la foi en un Dieu unique et tout-puissant. La croyance en plusieurs dieux lui est radicalement étrangère. Il la rejette farouchement. C'est là ce qui constituait sa nouveauté dans le milieu polythéiste et religieusement dégénéré où il vit le jour.
Allah a créé le monde. Celui-ci est un tout bien ordonné, harmonieux, un cosmos dans lequel tout a une place et des limites. Aucun vide, aucune dislocation ou rupture ne peut par conséquent être trouvé dans la nature. Dieu gouverne l'univers tout entier qui, de par sa volonté, tout simplement parce qu'il a décidé de le créer, est le signe et la preuve de son existence, de son unicité, de sa toute-puissance et de sa sagesse. En cela, l'islam est proche du judaïsme et du christianisme. Des violations de l'ordre naturel sous forme de miracles se sont produites dans le passé, mais bien que le Coran accepte les miracles des « prophètes » antérieurs (Noé, Abraham, Moïse, Jésus, etc.), il les déclare désormais révolus. Ils n'ont plus de raison d'être. Le dernier grand miracle de Dieu eut lieu par Mahomet quand le Coran lui fut révélé. Ce dernier clôt la prophétie et rend ainsi tout autre miracle superflu.
Tout musulman est tenu de réciter cinq fois par jour, au moment de la prière, la confession de foi islamique selon laquelle Allah seul est Dieu et Mahomet son prophète. Celle-ci est clairement dirigée contre la foi chrétienne en la filiation divine du Christ : « « Dis : Dieu est un. C'est le Dieu éternel. Il n'a point enfanté et n'a point été enfanté. Il n'a point d'égal » (CXII). « O vous qui avez reçu les Ecritures dans votre religion, ne dépassez pas la mesure, ne dites de Dieu que ce qui est vrai. Le Messie Jésus, fils de Marie, est l'apôtre de Dieu et son verbe qu'il jeta dans Marie ; il est un esprit venant de Dieu. Croyez donc en Dieu et à ses apôtres et ne dites point : Il y a trinité. Cessez de le faire. Ceci vous sera plus avantageux, car Dieu est unique. Loin de sa gloire qu'il ait eu un fils. A lui appartient tout ce qui est dans les cieux et sur la terre. Son patronage suffit ; il n'a point besoin d'un agent » (IV, 169). « Infidèle est celui qui dit : Dieu, c'est le Messie fils de Marie. Le Messie n'a-t-il pas dit lui-même : O enfants d'Israël, adorez Dieu qui est mon Seigneur et le vôtre ? Quiconque associe à Dieu d'autres dieux, Dieu lui interdira l'entrée du jardin, et sa demeure sera le feu. Les pervers n'ont plus de secours à attendre. Infidèle est celui qui dit : Dieu est un troisième de la trinité. Il n'y a point de Dieu si ce n'est le Dieu unique Le Messie, fils de Marie, n'est qu'un apôtre ; d'autres apôtres l'ont précédé. Sa mère était juste. Ils se nourrissaient de mets (Commentaire en fin du Coran : « Ils n'étaient que des humains qui ne pouvaient se passer de nourriture »). Vous voyez comme nous leur expliquons l'unité de Dieu, et vous voyez aussi comme ils s'en détournent » (V, 76.79).
C'est clair. Il s'agit là d'une condamnation sans appel de la foi des chrétiens en un Dieu unique en trois personnes. Il n'y a pas de Trinité. Pour l'islam, Jésus est un prophète parmi d'autres, et même un très grand prophète, quoique pas aussi grand que Mahomet. Mais il n'est que cela. Il n'y a pas de place dans cette religion pour une foi en sa divinité. C'est pourquoi un musulman ne peut pas non plus croire que le Christ, vrai Dieu devenu homme, est mort pour le salut du monde en expiant les péchés de tous les hommes. Du reste, il n'est pas mort du tout. Le Coran fait aux juifs le reproche suivant : « Ils n'ont pas cru à Jésus ; ils ont inventé contre Marie un mensonge atroce. Ils disent : Nous avons mis à mort le Messie, Jésus, fils de Marie, l'apôtre de Dieu. Non, ils ne l'ont point tué, ils ne l'ont point crucifié. Un homme qui lui ressemblait fut mis à sa place, et ceux qui disputaient là-dessus ont été eux-mêmes dans le doute. Ils ne le savaient pas de science certaine, ils ne le savaient que d'opinion. Ils ne l'ont point tué réellement » (IV, 155.156).
L'affirmation que Jésus de Nazareth, le fils de Marie, est vrai Dieu devenu homme est donc un blasphème aux oreilles d'un musulman. Ce qui est au moins aussi blasphématoire est l'affirmation de sa seigneurie, la confession de l'apôtre : Jésus-Christ « s'est humilié lui-même en devenant obéissant jusqu'à la mort, la mort sur la croix. C'est pourquoi aussi Dieu l'a souverainement élevé et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Philippiens 2 :8-11). « Il l'a ressuscité d'entre les morts et l'a fait asseoir à sa droite dans les lieux célestes, au-dessus de toute principauté, autorité, puissance, souveraineté, au-dessus de tout ce qui peut se nommer, non seulement dans le siècle présent, mais encore dans le siècle à venir. Il a tout mis sous ses pieds » (Ephésiens 1 :20-22).
Il est vrai que juifs, chrétiens et musulmans adorent un seul Dieu qu'ils appellent respectivement Yahvé, Dieu et Allah. Ils adorent un Dieu unique, mais ce n'est pas le même. Le Dieu qui s'est révélé dans la Bible est unique, mais en trois personnes distinctes, Père, Fils et Saint-Esprit. Nier cela, c'est rejeter Dieu tel qu'il s'est révélé dans l'Ecriture. Jésus lui-même a dit : « Le Père ne juge personne, mais il a remis tout jugement au Fils, afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. Celui qui n'honore pas le Fils n'honore pas le Père qui l'a envoyé » (Jean 5 :23). Il n'y a pour le pécheur de salut que par la foi en Christ qui a dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi » (Jean 214 :6). Aux apôtres il disait : « Celui qui vous écoute m'écoute, et celui qui vous rejette me rejette, et celui qui me rejette rejette celui qui m'a envoyé » (Luc 10 :16).
Certes, l'islam est comme le christianisme et le judaïsme une religion monothéiste. Mais à part cela et quelques autres similitudes, ce que Allah est censé avoir révélé de lui-même dans le Coran est fondamentalement différent de la révélation divine dans la Bible. Il faut donc cesser de dire que chrétiens et musulmans adorent finalement le même Dieu sous un autre nom.
Comment, du reste, comprendre que le Coran considère Jésus comme un prophète qui a annoncé la « parole de la vérité » (XIX, 35.36) et reçu son enseignement du ciel5, alors qu'il rejette en même temps le témoignage qu'il rend à sa propre divinité ? Si Jésus a dit la vérité, il l'a dite aussi quand il affirmait qu'il était Fils de Dieu et un avec le Père (Jean 8 :58 ; 10 :30 ; 14 :10 ; 17 :5.24 ; Matthieu 16 :16 ; Jean 3 :16). Si, au contraire, cette doctrine est reconnue comme fausse par le Coran, comment celui-ci peut-il encore affirmer qu'il a été, au même titre que les prophètes de l'Ancien Testament, un envoyé de Dieu ? En bonne logique, le Coran devrait, à l'exemple des pharisiens, déclarer hérétique et blasphémateur un Jésus qui se dit Fils de Dieu et qui, ce faisant, se fait l'égal de Dieu (Jean 5 :18).
L'Ecriture nous exhorte en ces termes : « Eprouvez les esprits pour savoir s'ils sont de Dieu, car plusieurs faux prophètes sont venus dans le monde. Reconnaissez à ceci l'Esprit de Dieu : tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu en chair est de Dieu, et tout esprit qui ne confesse pas Jésus, n'est pas de Dieu. C'est celui de l'antichrist C'est par là que nous reconnaissons l'Esprit de la vérité et l'esprit de l'erreur » (1 Jean 4 :1-6).
Nous avons cité plusieurs textes du Coran dans lesquels Jésus est appelé « le Messie, fils de Marie ». Et il est seul à être appelé ainsi. En lui appliquant ce titre sans jamais l'expliquer, Mahomet a montré qu'il n'avait qu'une connaissance très superficielle de la Bible et qu'il n'a pas compris le témoignage que les prophètes et les apôtres ont rendu au Christ. Sa fonction messianique est entièrement occultée.
Le Coran insiste beaucoup sur la miséricorde et la clémence de Dieu. Cette affirmation figure en tête de chaque sourate et revient toujours à nouveau. Il est dit et répété qu'Allah a compassion des hommes et qu'il pardonne : « Implorez le pardon de Dieu, car il est indulgent et miséricordieux » (LXXIII, 20). Cependant, aucun musulman ne peut être assuré de ce pardon. Ou, pour dire les choses autrement, l'assurance du pardon d'Allah est liée à l'obéissance à sa loi. Il n'est ni gratuit ni assuré. La raison en est simple : l'islam ignore la notion de rédemption. Il n'enseigne pas comme le christianisme que Dieu, dans sa miséricorde, a racheté le monde parce qu'il ne pouvait pas se racheter lui-même, mais affirme que chaque croyant doit se racheter lui- même et se réhabiliter devant Allah en le confessant et en accomplissant scrupuleusement sa volonté. L'homme doit faire ce que, selon l'Evangile, Dieu lui-même a fait en Jésus-Christ. En d'autres termes, l'islam prêche l'auto-rédemption, c'est-à-dire le salut par les uvres et l'accomplissement des rites prescrits, et le christianisme la rédemption par le Christ et par la foi en lui, sans les uvres de la loi. L'islam est donc la religion de la loi par excellence, par opposition au christianisme, religion de l'Evangile. L'islam enseigne que l'homme peut et doit se sauver en accomplissant un certain nombre d'obligations rituelles et morales. Le christianisme enseigne que Dieu sauve l'homme par pure grâce, que son Fils a acquis le salut au monde par son sacrifice sur la croix et sa victoire sur la mort et que ce salut est obtenu par la foi en son nom, sans aucun mérite personnel. Voilà l'énorme fossé qui sépare ces deux religions, fossé qui sépare du reste le christianisme de toutes les autres religions du monde, qu'elles soient monothéistes ou polythéistes. Elles sont toutes, chacune à sa façon, des religions de la loi, tandis que le christianisme proclame haut et fort que le salut est un don que Dieu accorde gratuitement à tous ceux qui le lui demandent d'un c ur sincèrement repentant et croyant.
Les rites qui constituent les cinq piliers de l'islam
Il y a pour tout musulman cinq obligations religieuses appelées les «piliers de l'islam». Elles sont considérées par l'islam comme indispensables et incontournables, identifient ceux qui professent la foi en Allah et commandent la vie de la communauté musulmane tout entière.
a) La profession de foi
Conformément au caractère farouchement et radicalement monothéiste de l'islam, le premier devoir de tout musulman est la profession de foi appelée la shahada : «J'atteste qu'il n'y a pas de divinité en dehors de Dieu et que Muhammad est l'envoyé de Dieu». Ou, selon une autre version : « Je confesse qu'Allah est seul Dieu et que Mahomet est son prophète ». Elle est à ce point caractéristique de l'islam qu'il suffit de la prononcer pour être considéré comme musulman. Le muezzin la dit chaque fois qu'il appelle à la prière ; elle est reprise par les fidèles sous une forme plus développée et répétée sans cesse dans la vie de tous les jours. Toutes les occasions sont bonnes pour prononcer ce credo fondamental de l'islam. Cette formule est aussi à la base d'invocations qui sont répétées au cours du pèlerinage, et à l'heure de la mort, le croyant tient à la redire avec une ferveur toute particulière. Le musulman est ainsi un champion inconditionnel du monothéisme, de la foi en un Dieu unique.
Il est aussi très attaché à Mahomet, d'un attachement qu'on peut vérifier dans tous les détails de l'existence. Les fidèles qui n'ont pas été marqués par le sécularisme et l'indifférence religieuse de l'Occident louent le Prophète en maintes occasions. Tous les prétextes sont bons pour cela. Et même ceux qui ont tendance à ne plus pratiquer vraiment leur religion « éprouvent un grand respect pour la personne du Prophète, un respect qui les fait réagir avec véhémence quand on touche en leur présence à sa mémoire.
Le recours dans la profession de foi à une formulation négative (« Il n'y a pas de divinité en dehors de ») rend la formulation extrêmement claire. Elle revêt en même temps pour l'existence un aspect éminemment positif et constitue une force réelle qu'en cas de besoin le musulman croyant ne manque jamais de manifester. Un musulman convaincu saura toujours refuser la soumission à toute autorité s'exerçant à l'encontre du Coran et de l'islam. Durant la période d'occupation coloniale, la profession de foi islamique encouragea les mouvements de résistance culturelle. C'est aux cris de « Allah est seul Dieu et Mahomet est son prophète » que des foules galvanisées manifestent des convictions qui frisent le fanatisme aux yeux de nos compatriotes agnostiques et incrédules, et que de plus en plus de musulmans se déclarent prêts à sacrifier leur vie pour la cause de leur Dieu. Les attentats suicides perpétrés en son nom prouvent que ce ne sont pas de vains mots. Une autre formule exprimant la même idée Allah akbar (« Dieu est grand ») que l'on retrouve constamment sur les lèvres des musulmans a été souvent leur cri de guerre. Chaque fois que des militants palestiniens manifestent dans les rues de Jérusalem ou de Tel-Aviv et expriment leur colère et leur volonté de se venger, ils ont cette phrase sur les lèvres. Un chant patriotique très populaire en Egypte commence par la triple répétition de ce cri. Aussi les morts à la guerre sont-ils tenus pour des martyrs de la foi en Allah, des témoins de l'unicité divine.
D'un simple point de vue sociologique, il faut réciter publiquement la shahada pour entrer dans la communauté islamique et être considéré comme un musulman. Une fois le pas franchi, le croyant (sauf dans les pays à tendance fondamentaliste, qui sont de plus en plus nombreux) est libre de mener sa vie comme il l'entend, à condition toutefois de ne pas choquer les autres, donc de respecter au moins extérieurement les formes de la piété et de s'intégrer dans la communauté. Il existe donc, à l'intérieur de certaines limites, plusieurs façons d'être musulman et de vivre l'islam.
b) La prière
Le deuxième devoir de tout musulman est celui de la prière. Non pas la prière spontanée dans laquelle le croyant exprime sa foi avec ses propres mots, où et quand il en ressent le besoin ou l'envie, mais les cinq prières quotidiennes prescrites. Voici, tirés du Coran, quelques textes sur la prière et la lecture du livre sacré : « Quand vous faites des excursions dans le pays, il n'y aura aucun péché d'abréger vos prières, si vous craignez que les infidèles ne vous surprennent ; les infidèles sont vos ennemis déclarés. Lorsque tu seras au milieu de tes troupes et que tu devras accomplir la prière, qu'une partie prenne les armes et prie. Lorsqu'elle aura fait les adorations, qu'elle se retire derrière et qu'une autre partie de l'armée, qui n'aura pas encore fait la prière, lui succède. Qu'ils prennent leur sûreté et soient sous les armes La prière terminée, pensez encore à Dieu, debout, assis ou couchés sur vos côtés. Aussitôt que vous vous voyez en sûreté, accomplissez la prière. La prière est pour les croyants une obligation attachée à certaines heures fixes » (IV, 102-104). « Ton Seigneur sait bien, ô Mohammed, que tu restes en prière, tantôt environ les deux tiers de la nuit, tantôt jusqu'à la moitié et tantôt jusqu'à un tiers. Une grande partie de ceux qui te suivent le font également. C'est Dieu qui sait partager le jour et la nuit, il sait que vous ne le comptez pas avec exactitude, il vous le pardonne. Lisez donc dans le Coran tout juste ce qu'il vous sera facile de lire. Dieu sait qu'il y a parmi vous des malades, qu'il y en a d'autres qui voyagent dans le pays pour se procurer des biens par la faveur de Dieu ; il sait que d'autres combattent dans le sentier de Dieu. Lisez donc du Coran ce qui vous en sera le moins pénible. Observez la prière, faites l'aumône et faites un large prêt à Dieu » (LXXIII, 20).
A partir de la puberté et moyennant certaines conditions, notamment de pureté « liturgique », le musulman est tenu à ce rituel journalier qui forme l'essentiel de la liturgie de l'islam. Ces prières peuvent être dites en commun ou en privé, mais tout jusque dans les moindre gestes du corps et les moindres formules est soigneusement précisé. Elles ne sont bonnes et efficaces que si le rituel est consciencieusement respecté. Ces prières sont précédées d'ablutions, qu'on qualifie de majeures ou de mineures selon le type d'impuretés contractées depuis la prière précédente. Hommes et femmes y sont astreints également. Les périodes d'impureté menstruelle, cependant, en dispensent temporairement les femmes.
Correctement vêtu, en raison du respect qu'il doit à Dieu et des postures qu'il prendra pendant la prière, purifié par les ablutions, le fidèle délimite un coin de sol pur, y étend le tapis qui lui évite de se souiller et, tourné vers La Mecque, plus précisément vers la Kaaba, exprime son intention d'adorer Allah. Chaque prière se compose d'un certain nombre d'éléments répétés selon une séquence bien précise appelée rak'a. Ils sont obligatoires, mais le fidèle peut y ajouter des formules supplémentaires et facultatives, au gré des sentiments du moment ou des circonstances. Les cinq prières obligatoires de la journée se situent à l'aube (deux rak'a), à midi (quatre rak'a), au milieu de l'après-midi (quatre rak'a), au moment du coucher du soleil (trois rak'a) et dans la nuit noire, avant de s'endormir (quatre rak'a).
Toute prière commence par la formule Allah akbar, dite « invocation de sacralisation », parce qu'elle met le fidèle dans un état de sanctification ou état sacré. Ensuite, debout, il récite la fatiha, tirée du premier chapitre du Coran: « Au nom de Dieu bon et miséricordieux, louanges soient à Dieu, Seigneur de l'Univers, bon et miséricordieux, Souverain du Jour du Jugement. C'est Toi que nous adorons, Toi dont nous demandons l'aide. Conduis-nous dans la voie droite, la voie de ceux à qui Tu as donné Tes bienfaits, qui ne sont ni l'objet de Ton courroux, ni les égarés ». À la fatiha s'ajoute la récitation de quelques versets du Coran, librement choisis. Cette récitation de textes sacrés est obligatoire, sauf à la troisième et à la quatrième rak'a. Puis viennent les mouvements d'adoration : une inclinaison du corps après laquelle le fidèle se redresse pour se prosterner ensuite le front contre terre. Puis, tout en restant agenouillé, il s'assied sur les talons et récite intérieurement le tashahhod, sorte de credo ou de témoignage de foi qui varie suivant les écoles juridiques. Enfin, il se prosterne de nouveau avant de se relever. Des invocations brèves sont dites à plusieurs reprises. Quant à la formule Allah akbar, elle retentit cinq fois. Elle sert en quelque sorte de commandement destiné à initier les différents mouvements dont est faite l'oraison. Le spectacle d'une foule se prosternant par centaines, voire par milliers, dans une posture d'humble adoration a quelque chose d'impressionnant, quelque chose dont on a perdu l'habitude dans nos pays gangrenés par un matérialisme qui affirme pouvoir se passer de Dieu. La rak'a terminée, le fidèle passe à la suivante qui se déroule de la même façon. Quand il a terminé sa prière, toujours agenouillé, il salue de la tête à droite et à gauche les assistants visibles et invisibles.
Les particuliers qui font leurs prières en privé et non à la mosquée ont une certaine latitude quant à l'heure des prières. Ils peuvent, en cas de besoin, les prononcer plus tard qu'à l'heure prévue, mais jamais plus tôt. Dans les mosquées, les horaires des prières sont fixés par un calendrier et le muezzin y convoque solennellement les fidèles à la minute près. L'appel à la prière, un des éléments les plus connus de la liturgie musulmane, si caractéristique dans les pays où règne l'islam, se fait lui aussi selon un rituel bien déterminé et un texte précis que l'on trouve dans les recueils liturgiques manuels où figurent également le texte du tashahhod et celui des prières spéciales pour les fêtes, les enterrements, les occasions exceptionnelles comme la pluie, une éclipse de soleil ou de lune, les catastrophes naturelles ou tout autre danger.
La proportion des musulmans qui accomplissent leurs prières quotidiennes varie beaucoup. Très importante dans les pays à forte pratique religieuse où se manifeste un islam fondamentaliste ou au moins très traditionaliste, elle est sans doute en baisse sensible dans les grandes métropoles et partout où se fait sentir l'influence de l'Occident si redoutée par les musulmans pieux. On l'estime à environ 20% pour une ville comme Le Caire, bien qu'il soit difficile de vérifier ce pourcentage.
Tous les vendredis, tous les musulmans adultes de sexe masculin sont censés se rendre à la mosquée pour la prière de midi, qui est précédée de la récitation de textes du Coran et d'un « sermon ». Celui- ci se situe parfois bien loin de l'enseignement religieux, prend position sur les problèmes de société et les grandes questions de politique nationale et internationale et cherche à galvaniser les assistants et à les mobiliser pour défendre la cause d'Allah. La prière du vendredi à la mosquée est en général très suivie. A la campagne, dans les pays pratiquants, elle rassemble presque tous les hommes de l'agglomération. Elle n'est obligatoire que pour les hommes. Cette prière collective a un aspect social extrêmement important dans la vie musulmane et est présidée par un imam qui, lorsqu'il s'agit d'une mosquée de quelque importance, a fait des études coraniques. Pourtant n'importe quel musulman est habiliter à la diriger. L'islam est en effet une religion de laïcs sans sacerdoce. En tout cas pour le sunnisme, de loin majoritaire. Quand sont célébrées les deux grandes fêtes de l'année, le jour des sacrifices et la fin du ramadan, une prière spéciale réunit les hommes après le lever du soleil. Elle peut attirer des foules immenses, au point qu'on la célèbre parfois dehors, dans la nature.
La prière du musulman est un geste rituel bien précis, plutôt que l'expression spontanée de la foi. Aussi comporte-t-elle un aspect juridique en vertu duquel elle se trouve entachée de nullité si elle ne respecte pas un certain nombre de conditions, telles que les ablutions ou l'orientation vers la Mecque.
c) Les aumônes
Zakat, mot dérivé d'une racine connue en syriaque et qui signifie «purifier», désigne l'aumône. On estime en effet qu'elle purifie celui qui la fait. Il est difficile d'en donner un équivalent en français. C'est l'impôt du culte, une sorte de dîme, à condition cependant de vider le terme de toute notion quantitative. Il est dit dans le Coran à propos des aumônes : « Ceux qui dépensent leurs richesses dans le sentier de Dieu ressemblent à un grain qui produit sept épis et dont chacun donne cent grains. Dieu augmente les biens de celui qu'il veut. Il est immense et savant. Ceux qui dépensent leurs richesses dans le sentier de Dieu et qui ne font point suivre leurs largesses de reproches ni de mauvais procédés, auront une récompense auprès de leur Seigneur. La crainte ne descendra point sur eux et ils ne seront point affligés O croyants, ne rendez point vaines vos aumônes par les reproches ou les mauvais procédés, comme agit celui qui fait des largesses par ostentation, qui ne croit point en Dieu et au jour dernier. Il ressemble à une colline rocailleuse couverte de poussière. Qu'une averse fonde sur cette colline, elle n'y laissera qu'un rocher » (II, 263-266).
Les aumônes étaient à l'origine un impôt prélevé par Mahomet (et plus tard par les États musulmans) sur les membres aisés de la communauté, afin surtout de secourir ceux qui étaient dans le besoin. Cette taxe servait également à gagner des convertis à l'islam, à délivrer les prisonniers de guerre, à aider ceux qui ne parvenaient pas à s'acquitter de leurs dettes et à mener le djihad.
Ce que possède un musulman n'est considéré comme purifié et légitime que s'il a payé la zakat. Dans la plupart des États musulmans, elle n'est plus collectée par le gouvernement, mais est devenue un acte de charité volontaire. Elle est un devoir essentiel pour tout musulman. Cependant, à l'heure actuelle, seuls les musulmans fervents la pratiquent. Provenant de musulmans, le résultat de la collecte ne doit servir qu'à des musulmans ou à des gens que l'on cherche à attirer vers l'islam.
d) Le jeûne du ramadan
Le jeûne du ramadan est le quatrième pilier de l'islam, le quatrième grand devoir de tout musulman. Le neuvième mois lunaire du calendrier hégirien s'appelle ramadan. C'est le mois sacré par excellence. « Le Coran a été révélé [mot-à-mot « est descendu »] durant le mois de ramadan » dit le Livre, « pour servir de direction aux hommes, pour leur en donner une explication claire et de distinction entre le bien et le mal. C'est le temps destiné à l'abstinence. Quiconque aura aperçu cette lune se disposera aussitôt à jeûner. Celui qui sera malade ou en voyage jeûnera dans la suite un nombre de jours égal. Dieu veut vous mettre à votre aise, il ne veut point de choses difficiles. Il veut seulement que vous accomplissiez le nombre voulu et que vous le glorifiiez de ce qu'il vous dirige dans la voie droite. Il veut que vous soyez reconnaissants » (II, 181).
Chaque jour du mois de ramadan, qui commence au moment de la nouvelle lune et cesse quand l'apparition du premier quartier de la lune suivante est dûment constatée, est un jour de jeûne strict. C'est un jeûne diurne, pratiqué entre le lever et le coucher du soleil, un jeûne absolu dès que l'aube permet de distinguer « le fil blanc du fil noir » et jusqu'à la nuit (II, 187). Toute une casuistique extrêmement précise a été mise en place par la tradition et les différentes écoles théologiques pour en réglementer les conditions, les exigences et les limites. Il existe bien des variantes qui ont comme dénominateur commun le principe suivant : pour que le jeûne soit valide, il faut en formuler l'intention et s'abstenir avec soin de tout ce qui pourrait le rompre. A l'abstinence de toute nourriture, les diverses traditions ont ajouté toute entrée volontaire de substance étrangère dans le corps, y compris la fumée du tabac, et toute évacuation de sperme ou de sang. Le tabac et les relations sexuelles sont donc prohibés entre l'aube et le crépuscule. Le soir, les interdits cessent. Durant tout le mois, le fidèle est tenu cependant d'éviter toute pensée et acte pécheur. Ceux qui le peuvent sont également exhortés à nourrir une personne nécessiteuse.
Dès qu'apparaît la puberté, le jeûne du ramadan devient une obligation personnelle pour tout croyant sain d'esprit et de corps. Seuls sont prévus certains «allégements». C'est ainsi que les malades en danger de mort en sont dispensés, de même que les personnes âgées particulièrement faibles. Mais ces malades, s'ils guérissent, et les vieillards doivent compenser le jeûne par des aumônes. La femme enceinte ou la nourrice, les malades qui ne sont pas en danger de mort, le voyageur (surtout si le voyage présente quelque difficulté), ceux enfin qui sont astreints à un travail pénible ont également le droit de rompre le jeûne, mais à condition qu'ils remplacent scrupuleusement les jours omis, dès qu'ils le peuvent.
Le jeûne du ramadan engage la communauté tout entière. Tout au long du mois, la vie sociale revêt une note particulière qui fait du jeûne un événement collectif engageant le village, la ville et le pays tout entiers. Même les musulmans qui ne pratiquent plus les prières quotidiennes continuent généralement de jeûner, et même les incroyants notoires en terre d'islam ne rompront jamais le jeûne en public. Ils ne prendront jamais de nourriture devant autrui. De l'aube au coucher du soleil, la vie sociale est comme suspendue et, quand l'islam est religion d'État, il appartient à la police des m urs (hisba) et même à la police gouvernementale (shurta) de veiller à ce que personne ne mange, ne boive et ne fume en public.
La dimension collective et sociale du jeûne ne contredit pas sa portée religieuse. Il relève de l'ascèse et a une fonction purificatrice, quasi sacrificielle. Il est vrai que les nuits de ramadan sont souvent l'occasion de réjouissances, voire de licences, du moment qu'ont été remplies les strictes conditions du jeûne diurne. Mais la morale musulmane enseigne que jeûner ne signifie pas passer la journée à dormir et qu'il faut aussi préserver une certaine sobriété la nuit. Il ne s'agit donc pas de manger et boire avec avidité dès le coucher du soleil, si l'on veut que le jeûne garde son vrai sens qui est de s'imposer des privations et, par là, de combattre ses passions pour se consacrer à Dieu et lui exprimer sa soumission et sa gratitude pour les bienfaits accordés tout au long de l'année.
Le mois de ramadan a enfin une valeur commémorative, puisqu'il est celui où le Coran « est descendu d'en haut pour servir de direction aux hommes » (II, 181). C'est donc bien la fête du Coran qui est célébrée au cours de ces vingt-huit ou vingt-neuf jours de jeûne, qui deviennent ainsi une longue commémoration de la «descente du Livre ». La date culminante est l'une des nuits de la dernière décade, de préférence celle du vingt-sixième au vingt-septième jour, appelée laylat al-qadr , «la nuit du Destin», chantée par la surate XCVII et qui est une «nuit bénie» (XLIV, 3). Les musulmans pieux la sanctifient et lui confèrent son caractère solennel en la passant à la mosquée. Ils y célèbrent un office où le texte coranique est psalmodié en son entier. Le mois du ramadan est ponctué aussi par quelques anniversaires célébrant la naissance d'un petit-fils du Prophète, la mort de Khadija, sa première épouse, telle victoire remportée à La Mecque ou ailleurs, ou encore la mort de tel ou tel martyr de l'islam.
Les spécialistes de la loi islamique se sont penchés sur les nombreux problèmes que soulève le jeûne du ramadan tels que la détermination du début et de la fin du mois par l'observation officielle du croissant de la nouvelle lune, sur les pratiques permises ou prohibées (piqûres médicales, perfusions, vaccins, etc.), ou encore les dispenses accordées et les réparations exigées pour cela. Si le ramadan est destiné à commémorer la révélation du Coran, il est aussi l'occasion pour ceux qui connaissent aisance et richesse de se souvenir des pauvres. C'est aussi un mois où l'on est invité à exercer tout particulièrement sa volonté, à s'instruire et à vaquer à la méditation et à la prière. Du moins pour les plus pieux parmi les musulmans. On se réjouit et on festoie en famille ou entre amis, dans la limite, bien sûr, où le permettent les ressources souvent bien modestes des habitants de pays pauvres. Il est clair que le travail qu'on est censé accomplir pendant la journée s'en ressent, et les patrons de nos pays occidentaux qui emploient une importante main-d' uvre musulmane s'en plaignent. Le jeûne diurne suivi de veillées tard dans la nuit épuise en effet tout le monde. L'idée suivant laquelle il faut continuer à travailler et maintenir le rythme de travail habituel reste alors tout à fait théorique, ce qui n'est pas sans poser des problèmes dans les pays qui accueillent les musulmans, ainsi que dans certains pays musulmans laïques telle que la Turquie. Les conditions de vie du monde moderne, certains travaux industriels notamment, soulèvent un tas de problèmes bien difficiles à résoudre dans les sociétés industrialisées avec leurs exigences de rendement et la nécessité pour chaque ouvrier d'être à son poste et d'y accomplir, selon un rythme précis, le travail sans lequel la chaîne de montage est paralysée.
e) Le pèlerinage à La Mecque
Le pèlerinage dans la ville sainte de La Mecque, dans laquelle seuls des musulmans peuvent pénétrer, est le cinquième pilier de l'islam. Voici ce qu'en dit le Coran : « Faites le pèlerinage de La Mecque et la visite du temple en l'honneur de Dieu (Commentaire en fin du Coran : « Le pèlerinage, el hadjdj, consiste en ce qu'il a lieu dans les trois mois chevval, dhoul-kadeh et dboulhidjdjeh, et pour le faire on doit se revêtir du manteau de pèlerin, s'abstenir de la chasse, des femmes, ne point se raser la tête. Le visite du temple, el omra, n'entraîne pas ces pratiques ). Si vous en êtes empêchés, étant cernés par les ennemis, envoyez quelque offrande. Ne rasez point vos têtes jusqu'à ce que l'offrande soit parvenue à l'endroit où l'on doit l'immoler. Celui qui serait malade ou que quelque indisposition obligerait à se raser, sera tenu d'y satisfaire par le jeûne, par l'aumône ou par quelque offrande. Lorsque vous n'avez rien à craindre de vos ennemis, celui qui se contente d'accomplir la visite du temple et remet le pèlerinage à une autre époque, fera une offrande. S'il n'en a pas les moyens, trois jours de jeûne en seront une expiation pendant le pèlerinage même, et sept jours après le retour : dix jours en tout. Cette expiation est imposée à celui dont la famille ne se trouvera pas présente au temple de La Mecque. Priez Dieu et sachez qu'il est terrible dans ses châtiments. Le pèlerinage se fera dans les mois que vous connaissez. Celui qui l'entreprendra doit s'abstenir des femmes, des transgressions des préceptes et de rixes. Le bien que vous ferez sera connu de Dieu. Prenez des provisions pour le voyage. La meilleure provision cependant est la piété » (II, 192.193).
Le pèlerinage de La Mecque est le grand pèlerinage appelé hadjdj, par opposition à quelques pèlerinages de moindre importance. Il est obligatoire une fois dans la vie pour les adultes libres qui peuvent se l'offrir matériellement et marque profondément l'individu qui a eu la chance de le faire et la communauté musulmane tout entière. Il provoque en effet un grand brassage de populations venues des quatre coins du monde, déplace savants et érudits et crée des courants commerciaux. Le Coran et la Sunna le rattachent au souvenir d'Abraham, plus particulièrement d'Isaac. Il donne l'occasion de plusieurs cérémonies qui évoquent essentiellement le souvenir du patriarche qui aurait bâti la Kaaba, et la course de sa servante Agar qui fut prise d'effroi en voyant qu'Ismaël allait mourir de soif. La mère et son enfant, qu'elle avait eu d'Abraham, auraient été sauvés par l'eau du puits de Zem-Zem près de la Kaaba, source miraculeuse qui fait l'objet d'une visite de la part des pèlerins.
Les premières cérémonies s'effectuent individuellement à La Mecque, à des dates choisies par le pèlerin lui-même, et consistent avant tout à faire rituellement sept fois le tour de la Kaaba et à parcourir plusieurs fois dans les deux sens la distance qui sépare deux monticules sacrés nommés Safa et Marwa. Les autres cérémonies ont un caractère collectif et ont lieu à dates fixes dans les environs de La Mecque. C'est tout d'abord un rassemblement très impressionnant dans une vallée désertique devant le mont Arafa entre midi et le coucher du soleil, le 9 jour du douzième mois de l'année lunaire appelé dhulhidjdja, puis une réunion nocturne à Muzdalifa. Du 10 au 12 du mois, les pèlerins séjournent à Mina, à sept kilomètres de La Mecque, où on pratique l'immolation d'animaux en souvenir du sacrifice d'Abraham, et la lapidation rituelle de trois piliers censés symboliser trois tentations que le démon aurait fait subir au patriarche. Ce séjour dans les environs de La Mecque est entrecoupé d'un retour en ville où sont accomplis quelques autres rites.
Avant même d'arriver à La Mecque et tout le temps que durent les cérémonies, le pèlerin porte un vêtement rituel, l'ihram. Cette tenue le soumet à certains interdits qui prennent fin par un rituel de désacralisation. Cet habit ressemble pour les hommes à celui que portent encore certains nomades. Le pèlerinage vaut une sorte d'indulgence plénière et équivaut à un grand pardon qui procure, s'il est bien fait, la remise de tous les péchés. Pouvant rassembler jusqu'à deux millions de personnes6, ce qui provoque souvent des accidents mortels, le pèlerinage à La Mecque fait prendre à ceux qui y participent conscience de la force de l'islam et permet des contacts nombreux et des échanges multiples, religieux, sociaux, culturels, politiques et commerciaux. Il confère au pèlerin le titre de hadjdj, distinction que tout musulman lui envie.
En plus du grand pèlerinage à La Mecque, l'islam connaît encore une forme mineure de pèlerinage, la umra , qui peut s'effectuer à n'importe quelle date de l'année, individuellement, et dont le rituel ressemble à celui de la première partie du hadjdj accomplie à La Mecque.
Le sacré et le rituel dans l'islam
L'islam sacralise un certain nombre de choses qui sont de la sorte investies d'une vertu et d'un pouvoir particuliers. C'est ainsi que l'arabe est langue sacrée, car c'est dans cette langue qu'Allah s'est révélé à Mahomet. C'est donc en arabe que le Coran doit être lu par tous les musulmans du monde, même par ceux qui ne comprennent pas cette langue. C'est en arabe aussi que les prières rituelles doivent être dites. L'islam tient également pour sacrés des temps, des lieux, des cérémonies et même des vêtements tel que l'ihram du pèlerin. Cependant c'est une religion sans sacerdoce. Elle n'a pas de prêtres, et les sacrifices officiels sont réduits à un minimum et n'ont lieu qu'une fois par an, le 10 dhul-hidjdja. Cela dit, bien des pays musulmans tolèrent sans difficultés des séquelles et reliquats de religions préislamiques ou des éléments issus du polythéisme actuel, tels que les immolations, les talismans, les amulettes, la visite des tombes des saints. L'islam africain notamment pratique le syncrétisme et mêle la foi en Allah et bien des superstitions et pratiques animistes.
L'islam est avant tout l'accomplissement scrupuleux de ces rites, plus un certain nombre d'obligations, et le respect scrupuleux de divers interdits, notamment alimentaires. Ainsi la prohibition du sang, de toute viande non saignée, de la chair de certains animaux comme le porc et de boissons alcoolisées. Le prêt à intérêt est théoriquement interdit, bien que la pratique en ce domaine reste imprécise. La loi musulmane a prévu aussi un certain nombre de punitions. Dans le cas de meurtre et de blessures, on applique la loi du talion avec possibilité de compensation à l'amiable (prix du sang) et même de pardon, mais lorsque la victime est un non-musulman, les réparations exigées sont moindres. Les peines prévues pour l'adultère, le vol (main coupée), pour les buveurs de vin ne sont appliquées que dans les pays qui pratiquent un islam rigoriste. Jusqu'à une époque récente, le musulman qui passait à une autre religion était souvent mis à mort. La règle veut qu'il soit banni de la communauté. Une énorme pression s'exerce dans ce domaine. A la différence du christianisme, l'islam rejette la notion de péché originel et admet donc d'emblée que l'homme est bon et qu'il peut, avec l'aide de Dieu, tenir tête aux forces du mal, c'est-à-dire aux passions et à Satan. Il est normal qu'on recherche à la fois les biens de ce monde et ceux de l'autre, dans les limites imposées par le Coran. Tout en approuvant certains renoncements (patience dans les épreuves envoyées par Dieu, jeûne, abstinence, etc.), la religion de Mahomet ne pousse pas à l'ascèse et n'oblige personne à l'héroïsme. Pas même en ce qui concerne le pardon qui demeure en quelque sorte facultatif, la loi du talion étant la règle. L'homme est juste devant Dieu lorsqu'il observe les rites et exécute les gestes prescrits et qu'il mène par ailleurs une vie honorable. Il lui est demandé notamment de s'abstenir de péchés graves qui nuisent à la communauté, tels que l'adultère, le vol, le mensonge et le meurtre. « Ceux qui évitent les grands crimes et les actions déshonorantes et tombent dans de légères fautes, pour ceux-là Dieu est d'une vaste indulgence. Il vous connaissait bien quand il vous produisait de la terre. Il vous connaît quand vous n'êtes qu'un embryon dans les entrailles de vos mères. Ne cherchez donc pas à vous disculper ; il connaît mieux que personne celui qui le craint L'homme n'aura que ce qu'il a gagné » (LIII, 33.40).
L'enseignement du Christ est différent : « Ne croyez pas que je sois venu abolir la loi et les prophètes. Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. En vérité, je vous le dis, jusqu'à ce que le ciel et la terre passent, pas un seul iota, pas un seul trait de lettre de la loi ne passera... Celui donc qui violera l'un de ces plus petits commandements et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait » (Matthieu 5 :17.18.48). Le Seigneur qui est saint et parfait exige une sainteté parfaite et une obéissance intégrale. D'autre part, la justice qu'il prescrit aux hommes n'est pas une justice extérieure, liée à des rites et quelques gestes honorables, mais une justice totale, qui engage le c ur et l'être tout entier. Il n'y a de salut pour l'homme que dans l'aveu humble de ses fautes, la confession de ses péchés et l'appropriation du pardon qui lui est offert en Christ. La repentance semble être un concept étranger à l'islam. A partir de là, on comprend qu'il soit une religion sans rédemption, dans laquelle la mort et le sacrifice d'un Libérateur et d'un Sauveur n'ont pas de place.
L'éthique de l'islam
Il y a dans le Coran, il faut le dire, quelques beaux textes sur la générosité et la bonté. En voici un échantillon : « Dieu a ordonné de n'adorer que lui, de tenir une belle conduite envers vos père et mère, soit que l'un d'eux ait atteint la vieillesse ou qu'ils y soient parvenus tous deux et qu'ils restent avec vous. Garde-toi de leur montrer du mépris, de leur faire des reproches. Parle-leur avec respect. Sois humble envers eux et plein de tendresse, et adresse cette prière à Dieu : Seigneur, aie pitié d'eux, ils m'ont élevé dans mon enfance. Dieu connaît mieux que personne le fond de vos c urs. Il sait si vous êtes justes. Il est indulgent pour ceux qui reviennent à lui. Rends à tes proches ce qui leur est dû, ainsi qu'au pauvre et au voyageur, et ne sois point prodigue Si tu t'éloignes de ceux qui sont dans le besoin sans les secourir, sollicitant auprès de ton Seigneur des faveurs que tu espères obtenir, parle-leur au moins avec douceur » (XVII,24- 30).
Ajoutons ces quelques phrases qui résument l'éthique de l'islam : « Tous les biens que vous avez reçus ne sont qu'une jouissance temporaire. Ce que Dieu tient en réserve vaut mieux et est plus durable aux yeux de ceux qui croient et mettent leur confiance en Dieu. Qui évitent de grands péchés et l'impudicité, qui, emportés par la colère, savent pardonner. Qui obéissent à leur Seigneur, s'acquittent de la prière, qui se consultent réciproquement dans leurs affaires et font des largesses avec les biens que nous leur avons accordés. Qui, ayant éprouvé un tort, le redressent eux-mêmes et rendent le mal par un mal égal. Celui cependant qui pardonne et se réconcilie, Dieu lui devra une récompense, car il n'aime pas les méchants. On ne pourra s'en prendre à l'homme qui venge une injustice qu'il aura éprouvée. On s'en prendra à ceux qui oppriment les autres, qui agissent avec violence et contre toute justice. A ceux-là est réservé un supplice douloureux. C'est la sagesse de la vie de supporter avec patience et de pardonner » (XLII, 33-41).
Il y a là-dedans manifestement de belles choses. On aura toutefois noté au passage qu'il n'est pas interdit de refuser son aide à celui qui est dans le besoin et que la vengeance personnelle est permise. On relèvera également la sévérité et cruauté des châtiments prévus par Allah : « Vous couperez les mains des voleurs, hommes ou femmes, en punition de leur crime. C'est la peine que Dieu a établie contre eux. Il est puissant et sage » (V, 42).
Le Jugement dernier
Le Jour du jugement dernier, toute l'humanité sera rassemblée et les individus seront jugés séparément en fonction de leurs actes. Ceux qui auront « réussi » seront admis dans le jardin (paradis), et les « perdants », ou les mauvais, iront en enfer, bien que Dieu soit miséricordieux et pardonne. Mais il pardonne à ceux qui le méritent. Outre le Jugement dernier, qui concerne les individus, le Coran reconnaît un autre type de jugement divin, qui est infligé, dans leur histoire, aux peuples et communautés. Les nations, comme les individus, peuvent être corrompues par la richesse, le pouvoir et l'orgueil et, à moins qu'elles ne se corrigent, elles sont punies par la destruction ou la soumission à des nations plus méritantes.
Le Dieu de l'islam est absolument libre dans son action et ne se lie donc pas à des promesses. Par contre il exige une soumission totale, ce que traduit du reste le mot « islam ». Le pardon qu'il octroie n'est pas pour le présent, mais pour l'éternité. Allah pardonnera (ou ne pardonnera pas) au Jour du jugement. Cela signifie que l'homme vit dans l'incertitude. Il ne peut qu'espérer avoir accompli tout ce qu'Allah attend de lui et l'avoir ainsi satisfait. D'où la résignation prêchée par l'islam et vécue par les musulmans, résignation qui s'exprime inlassablement, du matin jusqu'au soir, par l'expression « Inch Allah », « si Dieu le veut ». Récitée quasiment comme une incantation, elle est non seulement une confession de foi, mais une formule destinée à se concilier ses faveurs et à éloigner le malheur. Le musulman est profondément fataliste. La pauvreté des immenses masses de l'islam et le poids des circonstances économiques qui ne laissent guère espérer en un changement et un avenir meilleur, ont favorisé une sorte d'inhibition devant l'action : « On ne peut rien y faire ! C'est comme ça ! C'est la volonté d'Allah ! » Ou bien : « Les choses changeront quand Dieu le voudra ! On ne peut qu'attendre et espérer ». L'enseignement de la Bible est radicalement différent. Certes, Dieu est souverain et libre. Mais par amour pour les hommes il s'est lié à eux par des promesses irrévocables. Qui plus est, il conclut avec eux une alliance par laquelle il se « lie » à ses enfants et qu'il ne rompra jamais, même si eux lui sont infidèles. Elle est fondée sur le sang que son Fils a répandu sur la croix et procure pardon et salut dès maintenant à tous ceux qui croient en lui. Dès maintenant, il veut que les pécheurs repentants soient déliés de leurs péchés et a, pour cela, institué le ministère des clés, la prédication de l'Evangile et l'administration des sacrements. Ce sont des promesses dignes de foi qui procurent aux croyants sincères force et consolation, joie, paix et espérance.
Le port du voile et le statut de la femme dans l'islam
L'islam attache une importance capitale à la famille, cellule de la société. Tout est mis en uvre pour la protéger. Aussi le mariage est-il un acte fondamental vers lequel tout doit converger. Il est capital pour des parents musulmans que leurs filles arrivent vierges au mariage. C'est le cadeau qu'ils veulent faire à leurs futurs gendres, tout en veillant à ce qu'un sang étranger ne vienne pas s'introduire dans la famille. On est, par contre, beaucoup moins exigeant avec les garçons. La perte de leur virginité n'est pas sujette à vérification, et par ailleurs ce ne sont pas eux qui risqueraient d'importer du sang étranger. Gardien du mariage, le Coran insiste particulièrement sur l'« amour et l'indulgence » entre époux et sur la piété filiale. On ne badine dans l'islam ni avec la fidélité conjugale, requise des deux conjoints, ni avec l'obéissance et le respect que les enfants doivent à leurs parents.
Voici ce que dit le Coran sur le statut de la femme : « Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause de leurs qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au-dessus de celles-ci, et parce que les hommes emploient leurs biens pour doter les femmes. Les femmes vertueuses sont obéissantes et soumises. Elles conservent soigneusement pendant l'absence de leurs maris ce que Dieu a ordonné de conserver intact. Vous réprimanderez celles dont vous aurez à craindre la désobéissance. Vous les reléguerez dans des lits à part, vous les battrez. Mais aussitôt qu'elles vous obéissent, ne leurs cherchez point querelle. Dieu est élevé et grand » (IV, 38). Il n'est donc pas interdit à un musulman de battre son épouse, à condition de le faire avec mesure. Ce que le Nouveau Testament dit du mariage et des devoirs des époux, notamment de l'amour qu'ils se doivent l'un à l'autre, bien que de six siècles plus âgé que les préceptes du Coran, se situe à un tout autre niveau.
Le Coran cependant prône les mesures destinées à améliorer la condition des femmes. L'infanticide des filles, jadis dominant dans certaines tribus, est interdit; les filles obtiennent elles aussi une part de l'héritage, bien que cette part soit seulement la moitié de ce qui est alloué aux garçons. Il est recommandé aux maris de bien traiter leurs femmes. L'islam autorise la polygamie dans la limite de quatre épouses, mais établit également que « si tu crains de ne pas être également juste envers les épouses, n'épouse qu'une seule femme ». Le nombre de concubines esclaves que pouvait avoir un homme était jadis illimité. L'abus de la polygamie et du droit des hommes, reconnu dans l'islam traditionnel, à répudier leur femme, même si leur conduite est irréprochable, a récemment conduit à la promulgation de lois familiales nouvelles dans beaucoup de pays musulmans. Cela dit, le Coran concédait déjà en son temps aux épouses le droit de divorcer en cas de mauvais traitements.
Concernant le port du voile, voici ce qu'on peut lire dans le Coran et qui donne lieu, chez les musulmans des diverses obédiences, à des interprétations divergentes : « Commande aux femmes qui croient de baisser leurs yeux et d'être chastes, de ne laisser voir de leurs ornements que ce qui est à l'extérieur (N.B. : « Comme les bagues, et non pas les ornements qu'elles portent aux jambes ), de couvrir leurs seins d'un voile, de ne faire voir leurs ornements qu'à leurs maris ou à leurs pères ou aux pères de leurs maris, à leurs fils ou aux fils de leurs maris, à leurs frères ou aux fils de leurs frères, aux fils de leurs s urs ou aux femmes de ceux-ci ou à leurs esclaves ou aux domestiques mâles qui n'ont pas besoin de femmes ou aux enfants qui ne distinguent pas encore les parties sexuelles d'une femme. Que les femmes n'agitent point leurs pieds de manière à faire voir leurs ornements cachés. Tournez vos c urs vers Dieu, afin que vous soyez heureux » (XXIV, 31). « O prophète, prescris à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants de laisser tomber leur voile jusqu'en bas. Ainsi il sera plus facile d'obtenir qu'elles ne soient méconnues et calomniées. Dieu est indulgent et miséricordieux » (XXXIII, 59).
Selon l'interprétation donnée ou le souci d'orthodoxie des uns et des autres, les femmes sont tenues de porter le tchador, la burka ou le chadri grillagé des Afghanes, un voile plus discret ou le vêtement noir des chiites qui les enveloppe de la tête aux pieds en ménageant deux ouvertures pour les yeux. Bien des musulmanes cependant, dans la mesure où elles s'intègrent à la civilisation occidentale, renoncent à tout voile et s'habillent comme les Européennes7.
Voici quelques autres textes suivants fournissant des indications sur la thématique « sexualité, mariage, répudiation et remariage » : « N'épousez point les femmes idolâtres tant qu'elles n'auront pas cru. Une esclave croyante vaut mieux qu'une femme libre idolâtre, quand même celle-ci vous plairait davantage. Ne donnez point vos filles aux idolâtres tant qu'ils n'auront pas cru. Un esclave croyant vaut mieux qu'un incrédule libre, quand même il vous plairait davantage. Les infidèles vous appellent au feu, et Dieu vous invite au paradis et au pardon. Par sa volonté seule il explique ses enseignements aux hommes, afin qu'ils les méditent. Ils t'interrogeront sur les règles des femmes. Dis-leur : C'est un inconvénient. Séparez-vous de vos épouses pendant ce temps, et n'en approchez que lorsqu'elles seront purifiées. Lorsqu'elles seront purifiées, venez à elles, comme vous l'ordonne Dieu. Il aime ceux qui se repentent, il aime ceux qui observent la pureté. Les femmes seront votre champ. Allez à votre champ comme vous voudrez, mais faites auparavant quelque chose en faveur de votre âme (N.B. : « Par ces mots, Mahomet recommande aux croyants de faire quelque acte de dévotion ou de charité avant de voir leurs femmes ) » (II,220-223).
Se fondant sur ce texte, l'islam interdit le mariage d'un musulman avec une païenne. Il est cependant licite avec des juives ou des chrétiennes. Dans tous les cas, les enfants doivent être musulmans. Quant à la musulmane, elle ne peut en aucun cas épouser un non-musulman.
Le Coran dit par ailleurs : « O prophète, ne répudiez point vos femmes qu'au temps marqué (N.B. : « C'est-à-dire quand elles auront eu trois fois leurs règles, afin de s'assurer si elles ne sont point grosses ). Avant ce temps, vous ne pouvez ni les chasser de vos maisons, ni les en laisser sortir, à moins qu'elles n'aient commis un adultère prouvé. Tels sont les préceptes de Dieu. Celui qui les transgresse se perd lui-même » (LXV, 1).
La fidélité conjugale sur le plan sexuel est, comme nous l'avons déjà souligné, rigoureusement exigée. Elle n'exclut cependant ni la polygamie, bien qu'elle ait été officiellement interdite dans certains pays musulmans, ni la répudiation. Il ressort de ces textes que le mariage est tenu en haute estime, sans pour autant être considéré comme une institution divine. C'est la raison pour laquelle il est toujours possible à un musulman de répudier son épouse, et parfois l'inverse, alors que le lien conjugal est déclaré par Jésus indissoluble, et la répudiation contraire à la volonté de Dieu. On a souvent l'impression, quand on se penche sur le droit musulman relatif à la famille et la société, que l'islam s'inspire beaucoup plus de l'Ancien Testament que du Nouveau qui est venu accomplir et transcender l'Ancien six siècles avant que le Coran ne soit rédigé. Mahomet et ses successeurs n'ont manifestement pas reçu les enseignements de Jésus.
L'expansion de l'islam, le djihad ou la guerre sainte
La guerre sainte est une notion abondamment attestée par le Coran : « O croyants, lorsque vous marchez pour la guerre sainte, pesez vos démarches. Que la soif des biens de ce monde ne vous fasse pas dire à celui que vous rencontrerez et qui vous adressera le salut : C'est un infidèle » (N.B. : « Il arrivait souvent que les mahométans, en rencontrant dans leurs courses des hommes qu'ils ne connaissaient pas, les tuaient. Les agresseurs, pour se disculper, disaient que c'étaient des infidèles. En réalité, c'était pour les dépouiller ») (IV, 96).
« Les mois sacrés expirés (N.B. : « Les quatre mois chavval, dhoulcada, doulhidjjè et monharram ), tuez les idolâtres partout où vous les trouverez, faites-les prisonniers, assiégez-les et guettez-les à toute embuscade. Mais s'ils se convertissent, s'ils observent la prière, s'ils font l'aumône, alors laissez-les tranquilles, car Dieu est indulgent et miséricordieux Combattez-les, afin que Dieu les châtie par vos mains et les couvre d'opprobre, afin qu'il vous donne la victoire sur eux et guérisse les c urs des fidèles Pensez- vous que vous serez abandonnés, comme si Dieu ne connaissait pas ceux d'entre vous qui combattent et qui ne recherchent d'autre alliance que celle de Dieu, de son apôtre et des croyants ? Dieu est instruit de ce que vous faites. Les idolâtres ne doivent pas visiter le temple de Dieu, eux qui témoignent eux-mêmes de leur incrédulité. Leurs uvres deviendront nulles, et ils demeureront éternellement dans le feu. Que les temples de Dieu ne soient visités que de ceux qui croient en Dieu et au jour dernier, qui observent la prière et font l'aumône et qui ne craignent que lui » (IX, 5.14.16.18).
A lire ces textes on pourrait avoir l'impression que la guerre sainte se mène toujours l'arme au poing et qu'elle consiste à faire couler le sang des non-musulmans. Il est un fait qu'elle n'hésite pas à l'occasion à recourir aux armes pour frapper les infidèles - c'est écrit textuellement dans le lvire sacré de l'islam, le Coran -, mais elle ne le fait pas nécessairement. Le concept de djihad est beaucoup plus vaste que cela. Sa dimension militaire n'en est qu'un aspect parmi d'autres. Mener le djihad, c'est, selon les commentateurs du Coran, défendre toute cause que l'islam reconnaît pour juste, y compris le prosélytisme, l'éducation et le bien-être moral des gens ou toute cause d'intérêt public. C'est avant tout se battre pour faire connaître et défendre l'islam.
La vie de Mahomet illustre la ferveur, la rigueur, l'exclusivisme, voire le fanatisme avec lesquels le musulman doit s'investir pour la cause d'Allah. Le fondateur de l'islam suscita à La Mecque des moqueries de la part des juifs en raison de sa mauvaise connaissance de la Loi de Moïse et des prophètes, et de l'hostilité d'une façon générale, si bien qu'il dut s'enfuir à Médine en 622. Il parvint à y fonder un état religieux et entreprit des campagnes de pillage et de conquête. Médine fut entièrement conquise en 630 et, peu de temps après, toute la péninsule arabe. Les vaincus furent contraints d'embrasser l'islam. Les successeurs du Prophète parvinrent à conquérir en l'espace d'un siècle l'Afrique du nord qui avait été christianisée de bonne heure, une bonne partie de l'Espagne et du Moyen-Orient (Palestine, Jordanie, Syrie) et des parties entières de l'actuelle Turquie. Mahomet écrit dans le Coran que les pays conquis doivent avoir un « Etat divin » unissant les pouvoirs spirituel et temporel. Le droit islamique doit y régner dans tous les secteurs de la société. La charia qui se fonde sur le Coran et des traditions orales prescrit des mesures draconiennes : châtiments corporels, mutilations, lapidation en cas d'adultère, la peine de mort en général (fatwa) pour tous les cas d'apostasie, en particulier la conversion à une autre religion. C'est encore en grande partie le cas, quoique à des degrés divers, dans des pays musulmans fondamentalistes tels que l'Iran, l'Arabie Saoudite, la Libye, le Soudan, l'Afghanistan et le Pakistan. Une forte opposition à des régimes plus démocratiques se fait jour dans des pays comme l'Algérie, la Turquie et l'Indonésie.
La législation concernant la guerre est abondante, mais souvent théorique : sort réservé aux vaincus, règles du butin, etc. Il existe, en dehors du Coran proprement dit, une masse de textes auxquels un musulman peut faire appel en cas de besoin, tant l'islam a été depuis les débuts marqué par la guerre. Celle-ci est un devoir qui incombe à la communauté comme telle. Offensive selon certains juristes, en tant que dirigée contre un peuple qui refuse de répondre à l'appel à se convertir, ou bien défensive selon d'autres pour riposter à une attaque, récupérer des butins, protéger la propagande religieuse ou les droits de minorités opprimées , la guerre légale doit aboutir à étendre le règne de la loi musulmane. Les conversions forcées, bien que prescrites dans le Coran dans les textes que nous avons cités, sont de fait interdites; mais il y eut des cas dans l'histoire, notamment après des révoltes accompagnées d'apostasie, comme en Afrique du Nord au VII siècle, où seule la conversion permettait aux non-musulmans de sauver leur vie. Aujourd'hui, la conception musulmane n'est pas encore bien claire sur ce point. Le recours à la coercition, l'interdiction pour les chrétiens de faire du prosélytisme en terre musulmane, de construire des églises, de vendre ou distribuer de la littérature religieuse, y compris la Bible, ou de se réunir pour célébrer leurs cultes, sont monnaie courante dans de nombreux pays islamiques. Une certaine liberté religieuse n'est possible que dans ceux qui ont opté pour la laïcité, et ils ne sont pas si nombreux que cela.
On constate d'une façon générale une prise de conscience des musulmans de leur identité religieuse, en particulier quand ils se sont expatriés et qu'ils constituent une minorité, et la volonté d'affirmer leurs convictions et leur fidélité à leur religion. Citons pour mémoire l'exemple du voile islamique que bien des parents tentèrent de faire porter à leurs filles dans les collèges et les lycées, et cela d'une façon ostentatoire, n'hésitant pas à braver les lois de la laïcité en France. Il y a là manifestement une volonté de provoquer. Les musulmans expatriés n'hésitent pas non plus à revendiquer le droit de construire des moquées, droit qu'on ne saurait leur dénier dans un pays laïque, mais qui ne trouve pas sa contrepartie dans leurs pays d'origine. Il est aussi de notoriété publique que des pays musulmans fondamentalistes comme l'Arabie Saoudite financent la construction à grande échelle de mosquées dans les pays du Tiers-Monde, et même dans une grande ville comme Lyon où il devrait y avoir suffisamment de musulmans pour qu'ils subviennent eux-mêmes aux frais de construction de leur lieu de culte. Cette même Arabie Saoudite se montre aussi extrêmement généreuse dans l'octroi de bourses à de nombreux d étudiants africains démunis et s'applique ainsi à transformer des musulmans modérés et tolérants en musulmans fanatiques et intégristes.
Vu sous une perspective chrétienne, Mahomet est en réalité, il faut bien le dire, un personnage assez triste et déroutant. D'abord homme sincèrement désireux de découvrir Dieu, séduit par de fausses espérances et des visions fallacieuses, il devint un faux prophète et finalement un conquérant cruel. Il n'est pas sans ressembler à certains rois infidèles d'Israël. A l'inverse, Jésus résista à la tentation du pouvoir temporel (Matthieu 4 :8 ss.), confessa que son Royaume n'était pas de ce monde (Jean 18 :36.37), échappa à la foule quand elle voulut le faire roi (Jean 6 :15) et refusa toujours de recourir aux armes pour défendre la cause de l'Evangile et convertir le monde. Un abîme sépare ces deux hommes dans leur enseignement et leur manière de vivre.
Mahomet avait fait l'expérience qu'il était plus facile de répandre la religion nouvelle par la force des armes que par la prédication et l'enseignement. Le terme djihad généralement traduit par « guerre sainte », désigne en fait toute lutte visant à atteindre l'objectif islamique qui consiste à « réformer la terre ». Selon la loi islamique classique, le monde est divisé en trois zones : la Maison de l'islam (où les musulmans dominent), la Maison de la Paix (puissances avec lesquelles les musulmans ont signé des accords de paix) et la Maison de la Guerre, le reste du monde. « Les vrais croyants sont ceux qui ont cru en Dieu et à son apôtre et qui ne doutent plus, qui combattent de leurs biens et de leurs personnes dans le sentier de Dieu. Ceux-là seuls sont sincères dans leurs paroles ». Allah « aime ceux qui combattent en ordre dans son sentier et qui sont fermes comme un édifice solide » (XLIX, 15 ; LXI, 5.11). Le salut est promis à ceux qui meurent en menant le djihad : « Ceux qui auront succombé dans le chemin de Dieu, Dieu ne fera point périr leurs uvres. Il les dirigera et rendra leurs c urs droits. Il les introduira dans le paradis qu'il leur a déjà fait connaître » (XLVII, 5-7). « Croyez en Dieu et à son apôtre, combattez dans le sentier de Dieu, faites le sacrifice de vos biens et de vos personnes. Cela vous sera avantageux si vous le comprenez. Dieu pardonnera vos offenses. Il vous introduira dans les jardins baignés par les courants d'eau, dans les habitations charmantes des jardins d'Eden » (LXI, 11.12). C'est une déclaration de guerre à tous les pays non islamisés, et plus particulièrement à l'occident dépravé et corrompu. Il y eut pour cette raison de vives discussions au sein de l'ONU, dont tous les pays membres s'engagent à renoncer à toute guerre de conquête, à propos de l'admission des pays musulmans. Il faut dire cependant à la décharge de tous les musulmans convaincus : ils éprouvent une sainte horreur devant l'abandon dans nos pays occidentaux de toutes les valeurs traditionnelles régissant le comportement sexuel, la vie de famille et le travail.
Tout cela explique pourquoi, au début de ce XXI siècle, des musulmans, galvanisés par certains chefs religieux et politiques, disciples studieux de certaines écoles coraniques ultra fondamentalistes, suivent une formation spéciale destinée à faire d'eux des kamikazes d'Allah, des pilotes qui projettent des avions contre des édifices incarnant le pouvoir politique ou la puissance économique de pays considérés comme dominés par Satan8, des gens qui se munissent de bombes qu'ils font exploser dans les lieux publics9. Avec la plus grande détermination et, apparemment, la plus grande sérénité. Le paradis leur est promis, un paradis dont les délices éternelles ne manquent pas d'attiser les convoitises des zélateurs d'Allah. Mais il est juste aussi de dire que telle n'est pas la conception de tous les musulmans.
Dans ce domaine aussi, Jésus a eu une attitude fondamentalement différente. A Pierre qui avait tiré l'épée pour le défendre, il ordonna de la remettre dans son fourreau, déclarant que celui qui se servirait de son épée périrait par elle (Matthieu 26 : 52 ss.). L'apôtre Paul écrit : « Si nous marchons dans la chair, nous ne combattons pas selon la chair. Les armes avec lesquelles nous combattons ne sont pas charnelles, mais elles sont puissantes devant Dieu pour renverser des forteresses » (2 Corinthiens 10 :3.4). « Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les man uvres du diable. Car nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les principautés, contre les pouvoirs, contre les dominateurs des ténèbres d'ici- bas, contre les esprits du mal dans les lieux célestes. C'est pourquoi, prenez toutes les armes de Dieu » (Ephésiens 6 :11 :13). Vient ensuite la liste de ces armes : la ceinture de la vérité, la cuirasse de la justice, les chaussures que donne le zèle de l'Evangile, le bouclier de la foi, le casque du salut et l'épée de la Parole (Ephésiens 6 :14-17). Reconnaissons cependant bien humblement que dans ce domaine l'Eglise chrétienne a souvent désobéi à son Maître et que les chrétiens n'ont pas beaucoup de leçons à donner aux autres...