LES PARABOLES DU SEIGNEUR, par Dr. Wilbert Kreiss - index
LE PHARISIEN ET LE PUBLICAIN: Luc 18:9-14
C'est l'une des paraboles les plus connues du Christ, un texte favori des prédicateurs. Jésus s'y dresse contre la piété des pharisiens, c'est-à-dire ce scrupuleux accomplissement purement extérieur de certains rites cachant l'impénitence et la méchanceté du coeur, qui incite ces gens à se considérer comme particulièrement pieux et à mépriser leurs semblables. Il a en horreur ce type de religion et affirme nettement que ses adeptes se situent en dehors du Royaume de Dieu.
Certaines personnes se persuadant d'être justes:
Il y a de fait des gens qui sont convaincus d'être justes. Or la Bible est formelle: "Il n'y a point de juste, pas même un seul... Il n'y a point de distinction, car tous ont péché" (Romains 3:10.22.23). Aucun homme ne peut de lui-même devenir juste devant Dieu. Il ne le sera que s'il est recouvert de la justice du Christ, acquitté et pardonné. Cf. dans Petite Dogmatique Luthérienne, le chapitre sur la justification, p. 80-84.
Deux hommes montèrent au temple pour prier:
C'était l'heure de la prière publique au temple. Un pharisien et un publicain sont là et invoquent le Seigneur. Les deux extrêmes en Israël, l'élite religieuse et les parias. Les Juifs récitaient des prières rituelles, mais utilisaient aussi la prière libre, déversant leur coeur devant le Seigneur. C'est bien dans ce moment de dialogue avec le Seigneur que l'homme montre ce qu'il a dans le coeur, qu'il dévoile ses pensées les plus secrètes.
Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même:
Il se tient debout, sans doute tout devant, devant la barrière séparant le lieu saint du parvis. Il rend grâces à Dieu, le remercie, mais seulement dans sa forme, pas dans son contenu. En fait, il se remercie lui-même. Il ne loue pas non plus le Seigneur pour ce que sa grâce a fait de lui, car ce n'est pas la grâce de Dieu qui a fait de lui ce qu'il est. Il le doit à lui-même, à ses efforts et ses exercices de piété. D'ailleurs la grâce de Dieu ne fabrique pas des propres-justes. Cf. Luc 16:15. Cet homme se mesure selon un barème humain et non selon le critère de la Parole de Dieu. Il ne mesure donc que la valeur de ses rites, de ses oeuvres visibles. Il ne vole pas, il n'est pas particulièrement injuste, ne commet pas d'adultère en ce sens en tout cas qu'il n'a jamais couché avec une autre femme que la sienne. Il prononce donc une auto-absolution sur lui-même. Quoi de plus normal! Il n'a pas de péché!
Puis il passe à ses oeuvres surérogatoires, énumère tout le bien qu'il fait, tous ses exercices de piété. Et il y en a plus qu'il n'en faut. La preuve? Il jeûne deux fois par semaine, alors que la Loi ne prescrivait qu'un jeûne annuel, le jour des expiations (Lévitique 16:29; 23/27). Les Juifs avaient introduit le jeûne pour les quatre grandes fêtes annuelles, et après l'exil ils se mirent à pratiquer le jeûne privé. C'était pour les pharisiens une marque de sainteté qui avait valeur de mérite, mais ils ignoraient tout du jeûne qui plaît au Seigneur (Esaïe 58:4-7).
Il paie aussi la dîme de tout ce qu'il acquiert, de tous ses revenus. Pas seulement celle des produits de la terre et du bétail que les Juifs devaient aux Lévites pour leur service dans le temple (Nombres 18:21.24.27), mais aussi celle de la menthe, du cumin et autres herbes (Luc 11:42). Oeuvres surérogatoires, selon le dogme catholique traditionnel, ce qui signifie qu'il en faisait plus qu'il ne fallait. Sûr de sa piété, il était assuré de son salut! N'était-il pas meilleur que les autres? Meilleur que ce publicain?
Le publicain, se tenant à distance:
C'est l'inverse du pharisien. Il est lui aussi debout, mais se tient à distance. A l'entrée du parvis, sans doute. C'est qu'il ne se sent pas digne de s'approcher de la barrière du lieu saint. Il n'ose pas non plus lever les yeux au ciel, tant il a honte, se frappe la poitrine et n'a qu'un soupir: "O Dieu, sois apaisé envers moi qui suis un pécheur!" Il implore pitié. Que le Seigneur l'épargne! La pensée que d'autres pèchent aussi ne le console pas. En cet instant, il est le pécheur, le seul pécheur devant Dieu, celui qui ne peut pas se racheter, que le Seigneur seul peut sauver dans sa miséricorde.
Il implore le pardon. Il en a le droit. Le temple est ouvert aux pécheurs. Ils sont les bienvenus. Le pardon y est proclamé à tous ceux qui le cherchent. Se sachant condamné par la Loi, ce publicain en appelle à l'Evangile, aux promesses de pardon annoncées par les prophètes, fondées sur l'oeuvre du Rédempteur promis et visualisées par les sacrifices du temple. "Sois apaisé envers moi!" C'est la miséricorde par l'expiation des péchés réalisée en son temps par le sacrifice du Christ à Golgotha. Cf. Esaïe 53:2-7.
"Je vous le dis...":
Jésus parle avec son autorité de Fils de Dieu et acquitte ce pécheur en le déclarant justifié. Justifié par sa propre justice? Certainement pas! Justifié parce que Dieu, au nom de ses promesses, l'a déclaré juste. Parce que, comme l'enseigne saint Paul, il lui a imputé la justice du Christ. Il est donc parfaitement juste, "à la fois juste et pécheur", comme disait Luther, tandis que l'autre, le pharisien, rentre chez lui couvert de tous les péchés dont il niait l'existence.
Le pharisien s'était élevé. Dieu l'a abaissé, en brisant son arrogance. Il n'a pas été justifié, parce qu'il voulait se justifier lui-même. Le publicain, lui, a accepté le verdict de condamnation de la Loi, puis s'est tourné vers Dieu dans la foi en ses promesses. Dieu ne peut rien mettre dans un vase plein, mais il remplit de sa grâce un vase vidé par la Loi.
Thèmes de réflexion:
Questions de révision et exercices: