LE MONDE DU NOUVEAU TESTAMENT, par Dr. Wilbert Kreiss - index
CHAPITRE 1: LA PERIODE GRECQUE (332-167 av. J.-C.)
Les conquêtes d'Alexandre le Grand:
Philippe II (382-336 av. J.-C.), roi de Macédoine (356-336 av. J.-C.), voulait une Grèce unifiée. Ayant affermi ses positions du côté de l'Illyrie et de la Thrace, il se tourna vers la Grèce. La victoire de Chéronée en 339 av. J.-C. faisait du lui le maître du pays. Pendant 23 ans, il s'efforça de reprendre les villes grecques à la domination perse et de mobiliser une armée qui lui permettrait un jour d'écraser la Perse. Il s'apprêtait à lui déclarer la guerre, quand il fut poignardé en 336 av. J.-C. au cours d'une procession, à l'instigation de sa femme Olympias. On soupçonna celle-ci, mère d'Alexandre, d'avoir commandité l'assassinat pour empêcher la naissance d'un fils par une autre épouse.
Alexandre (356-323 av. J.-C.) devint empereur à l'âge de 19 ans. Aristote lui avait inculqué une grande soif de connaissance, l'amour de la culture et des idées grecques, l'art de gouverner un pays, la philosophie, la métaphysique, l'éthique, la science et la médecine. Il eut l'idée d'établir un empire universel où régnerait la culture grecque. Pour cela, il l'implanta en établissant des colonies partout où il se rendit.
Ayant soumis les Thraces au-delà du Danube, il franchit l'Hellespont (détroit des Dardanelles) en 334 av. J.-C. pour livrer combat aux Perses. Il vainquit Darius III à Issus, sur le chemin conduisant de Cilicie en Syrie, s'empara de Tyr qui lui opposa pendant sept mois une résistance farouche (332 av. J.-C.), de Gaza, puis de Jérusalem. Ayant vaincu l'Egypte, il établit des plans pour une grande ville qui devait porter son nom, puis se rendit par Damas sur les rives du Tigre où il régla son sort à l'empire perse en conquérant Babylone, Suse la capitale, et Persépolis. Les butins de ces villes prospères lui permirent de payer les dettes qu'il avait contractées pour mobiliser son armée et financer ses campagnes.
Ses conquêtes amenèrent Alexandre dans le pays des Parthes, puis à Bactriane, à l'est de la mer Caspienne, et enfin sur les rives de l'Indus. Arrivées là, ses troupes refusèrent d'aller plus loin. Il décida de rentrer, en prenant la route du sud, et mourut d'une fièvre à Babylone (323 av. J.-C.), à l'âge de 33 ans, après avoir parcouru plus de 25.000 km. En moins de 14 ans, il avait fondé un empire plus grand que celui des Perses, y avait propagé la culture grecque et établi un nouveau genre de gouvernement. Il avait aussi employé à la construction de villes les soldats blessés ou trop vieux pour combattre. Ceux-ci épousaient des femmes du pays et formaient ainsi le noyau de la population de ces cités nouvelles. Ces mariages mixtes aidèrent à unifier les différentes cultures. Un an avant sa mort, en 324 av. J.-C., fut publié un édit de déification visant à donner à Alexandre le rang d'un fils de dieu et à asseoir ainsi son autorité sur l'empire.
Les diadoques:
Alexandre ne laissa aucun héritier au trône, bien que ses généraux l'aient encouragé à se marier avant d'aller envahir l'Asie. Son successeur devait être son demi-frère, Philippe, un malade mental, ou l'enfant qu'il attendait de Roxanne, son épouse. Philippe fut tué par sa mère Olympias, qui avait déjà assassiné son père Philippe II. Finalement tout ce monde fut mis à mort et quatre généraux s'emparèrent du pouvoir en 315 av. J.-C. On les appela les diadoques, ce qui signifie les successeurs. Ainsi fut morcelé l'immense empire fondé par Alexandre. Le destin des juifs allait se jouer entre Seleucus Nicanor qui avait reçu en partage la Babylonie, la Syrie et l'Asie Mineure, et Ptolémée qui régnait sur l'Egypte et la Palestine.
Les juifs sous la dynastie des Ptolémées (305-198 av. J.-C.):
On sait peu de choses de la Palestine pendant la période des Ptolémées qui vit se succéder Ptolémée I Soter (323-285 av. J.-C.), Ptolémée II Philadelphe (285-246 av. J.-C.), Ptolémée III Evergète I (246-221 av. J.-C.), Ptolémée IV Philopator (221-203 av. J.-C.) et Ptolémée V Epiphane (203-181 av. J.-C.). Le premier souverain de cette dynastie, Ptolémée I Soter, avait déporté 100.000 juifs en Egypte. D'autres s'y rendirent de leur propre gré. Une forte colonie alla s'intaller à Alexandrie, dans un quartier situé à l'écart, près de la côté, où ils purent vivre, semble-t-il, en toute tranquillité et pratiquer leur religion. Beaucoup de ces juifs furent fortement influencés par l'environnement grec. Ils développèrent avec le temps un type de judaïsme qui incorporait les idées nouvelles disséminées par les Grecs. C'est pendant cette période que fut entreprise la traduction grecque de l'Ancien Testament appelée les Septante (LXX).
Quant aux juifs restés en Palestine, ils payaient un tribut au souverain égyptien, mais jouissaient d'une certaine autonomie sous la direction du souverain sacrificateur. Mais ils supportaient mal la domination étrangère et se réjouirent quand ils apprirent que Ptolémée V Epiphane avait été vaincu par Antiochus III (198 av. J.-C.). Ils ignoraient alors les difficultés auxquelles ils auraient à faire face sous le règne des Séleucides.
Les juifs sous la dynastie des Séleucides (198-164 av. J.-C.):
En 217 av. J.-C. déjà, Antiochus III (198-187 av. J.-C.) avait tenté à deux reprises de s'emparer de la Palestine, mais fut chassé par Ptolémée IV Philopator. Le successeur de ce dernier était un enfant de cinq ans, quand il monta sur le trône égyptien. Antiochus en profita pour lui ravir la terre des juifs. Dès lors, c'en fut fait de leur paix et de leur tranquillité. Ils allaient devoir affronter d'énormes difficultés.
Le Carthaginois Hannibal réussit à entraîner Antiochus dans un conflit avec Rome. Il fut vaincu en 202 av. J.-C. et alla se réfugier en Syrie, à la cour d'Antiochus. Celui-ci décida d'envahir la Grèce à qui Rome avait donné sa liberté. Alors les Romains lui déclarèrent la guerre en 192 av. J.-C.. Antiochus fut vaincu au col des Thermopyles et à Magnésie, dut abandonner tous ses territoires sauf la Cilicie et verser aux Romains un fort tribut de guerre. Il augmenta donc les impôts des juifs. Les exigences croissantes des Séleucides à ce sujet ne firent que multiplier les problèmes.
Par ailleurs, depuis l'époque des Ptolémées, le souverain sacrificateur de Jérusalem devait s'acquitter d'un impôt annuel lui garantissant la reconnaissance royale. Le souverain sacrificateur Onias II s'y refusa. Son neveu Joseph, dirigeant d'une faction rivale, décida de le payer pour empêcher Ptolémée de placer la Judée sous contrôle militaire. Il fut alors nommé collecteur d'impôts pour tout le pays, ce qui fit de lui un haut fonctionnaire et de sa famille une des plus riches de la Palestine. Malgré l'augmentation des taxes, les juifs jouirent pendant 22 ans d'une prospérité indéniable.
Pour s'acquitter de l'énorme tribut de guerre imposé par les Romains, Antiochus III avait, en plus des impôts prélevés sur les juifs, confisqué le trésor du temple de Jérusalem. Son fils Séleucus IV Philopator (187-175 av. J.-C.) poursuivit cette même politique. Trois des fils de Joseph, connus sous le nom de "fils de Tobias", soulevèrent la foule et fomentèrent des révoltes. Onias II, grand-prêtre depuis 174 av. J.-C., décida d'aller trouver Séleucus pour implorer son secours. Mais celui-ci fut assassiné.
Son frère Antiochus IV (175-164 av. J.-C.) lui succéda. Il avait vécu 12 ans à Rome comme otage, après la défaite de Magnésie en 190 av. J.-C., et avait eu l'occasion d'admirer la culture hellénistique et le pouvoir romain. Il chercha à poursuivre la politique d'expansion de son père Antiochus III et à promouvoir la culture hellénistique, se donna le titre d'Epiphane, ce qui veut dire "illustre", se proclama divin et exigea qu'on lui rendît un culte (2 Maccabées 6:2).
Les juifs se révoltèrent contre les prétentions et le style du nouveau régime. Mais Antiochus IV était déterminé à helléniser son royaume à tout prix. Convaincu que la religion des juifs était le ferment de leur révolte, il résolut de l'anéantir et de la remplacer par les dieux grecs. Il interdit l'observance du sabbat, la pratique de la circoncision et la possession de la Torah, introduisit les rites païens et l'adoration des dieux grecs et punit de mort les rebelles. Il commit même ce que la Bible appelle "l'abomination de la désolation" (Daniel 11:21-35), fit ériger un autel à Zeus dans le temple de Jérusalem.
Il suscita ainsi trois types de réactions: l'acquiescement de ceux qui sympathisaient avec l'hellénisme ou craignaient de s'opposer au roi, la résistance passive et la résistance active, surtout dans les campagnes. Antiochus ne s'attendait pas à une opposition aussi farouche. Loin de résoudre le problème palestinien, il incita de nombreux juifs à se révolter ouvertement en 168 av. J.-C.
Les juifs, ayant perdu leur indépendance politique en partant en exil à Babylone, reconstituèrent leur nation autour de leur religion. Ceux de la diaspora avaient compromis leurs croyances en assimilant des éléments de la civilisation grecque, mais ceux de la Palestine entendaient, au moins dans leur majorité et surtout dans les campagnes, rester fidèles à la religion de leurs pères.
Onias III, souverain sacrificateur jusqu'en 174 av. J.-C., entra en conflit avec Simon, commandant de la garde du Temple, parce qu'un civil collectait les impôts à sa place. Quant à Séleucus, il fit piller le trésor du temple pour payer l'impôt à Rome. La tension entre les juifs orthodoxes et ceux favorables à l'hellénisme s'accrut. Onias III était fidèle au mouvement orthodoxe, mais son frère Josué, qui avait adopté le nom de Jason, dirigeait le parti helléniste de Jérusalem. Quand Onias III fut démis de ses fonctions par Antiochus, il devint souverain sacrificateur à sa place. Il est probable qu'il ait monnayé cette charge au roi. Cependant les juifs orthodoxes trouvèrent intolérable qu'un souverain sacrificateur fût nommé à ce poste par un païen. Le fait que Jason fût de famille sacerdotale les retint de se révolter.
Jason fit construire un gymnase et encouragea l'hellénisation de la ville. Sous son sacerdoce, des conflits éclatèrent entre les hellénisants conduits par les prêtres et les juifs orthodoxes appelés hassidim. La jeunesse acceptait les idées nouvelles, adoptait le costume grec (tunique attachée aux épaules par des broches, chapeau à larges bords et bottes lacées). Comme les athlètes évoluaient nus dans le stade, bien des jeunes gens firent "réparer" leur circoncision pour ne pas être l'objet des moqueries de la foule. Courses de chevaux, théâtre, jeux divers et langue grecque attirèrent de plus en plus de juifs. Jason non seulement ne fit rien pour interdire le culte d'autres dieux, mais semble même l'avoir encouragé.
En 171 av. J.-C., Ménélas, frère d'un personnage haut placé du temple, offrit à Antiochus une somme d'argent supérieure à celle de Jason et fut nommé souverain sacrificateur. A la différence de ce dernier, il n'appartenait pas à la famille sacerdotale et encouragea une hellénisation plus radicale encore. Il était détesté de tous les juifs qui respectaient la Loi. Il organisa l'assassinat d'Onias III, le souverain sacrificateur légitime. Jason échappa à la mort en s'enfuyant chez les Ammonites. Quand la rumeur courut qu'Antiochus IV avait été tué, il rentra de son exil et chassa Ménélas de Jérusalem. Mais Antiochus était encore en vie. Il revint à Jérusalem, neutralisa Jason, confisqua les trésors du temple et établit des magistrats sur la ville.
L'année suivante, il organisa une campagne contre Alexandrie en Egypte. Les Romains débarquèrent (peut-être les "navires de Kittim" de Daniel 1:30), et le légat romain Laenas lui ordonna de se retirer. Antiochus obéit, mais se vengea de l'affront subi et libéra sa colère en s'en prenant à nouveau à la Palestine.
Il fit périr des milliers de gens en représailles pour avoir permis que Ménélas fût démis de son sacerdoce et chassé hors de Jérusalem, et décida d'anéantir le judaïsme et de coloniser le territoire en y installant des gens à tendances hellénistiques. Un détachement de 20.000 hommes conduit par Apollonius entra dans la ville le jour du sabbat, sachant que les juifs orthodoxes ne combattraient pas ce jour-là, et commença son oeuvre de destruction. De nombreux hommes furent exécutés, des femmes et des enfants emmenés en esclavage. Toute pratique religieuse fut supprimée, le temple profané, les livres sacrés brûlés. En 167 av. J.-C., des décrets vinrent interdire la circoncision, l'observance du sabbat et la lecture de la Bible. En décembre de la même année, on offrit de la viande de porc sur l'autel de Zeus érigé dans le sanctuaire (2 Maccabées 6:2). Des orgies indécentes accompagnèrent les cultes idolâtres. On obligea les gens, sous peine de mort, à participer aux nouveaux rites religieux. Certains juifs choisirent de mourir plutôt que de se souiller en mangeant les mets du roi (1 Maccabées 1:63; cf. Daniel 1). Des mères qui avaient circoncis leurs nouveau-nés furent exécutées (1 Maccabées 1:60.61). Beaucoup de hassidim résistèrent jusqu'à la mort (2 Maccabées 6:18-31; 2 Maccabées 7), tandis que d'autres choisirent de s'enfuir de la ville. Les vieux murs de la ville, construits par Néhémie, furent détruits. On bâtit l'Acre, citadelle flanquée de murs solides et d'énormes tours. La ville de David fut ainsi transformée en une forteresse syrienne.
Les hassidim furent les précurseurs des pharisiens de l'époque du Christ, tandis que les prêtres sympathisant avec l'occupant et favorables à l'hellénisation firent naître le mouvement des sadducéens connu pour son engagement politique en faveur du pouvoir impérial et la tolérance dont il faisait preuve à l'égard des idées importées du paganisme. L'Acre continua à abriter des soldats étrangers pendant la période romaine. L'araméen persistait en Palestine, mais le grec était devenu la langue officielle et culturelle, celle qu'utiliseront les auteurs du Nouveau Testament. Du temps de Jésus, la traduction de l'Ancien Testament appelée les Septante était répandue non seulement dans la diaspora, mais dans toute la Palestine.
Questions de révision et exercices: