LES MIRACLES DE CHRIST, par Dr. Wilbert Kreiss - index
LE PARALYTIQUE DE BETHESDA: Jean 5:1-16
Jésus se rend une nouvelle fois à Jérusalem. On constate qu'à la différence des Synoptiques (Matthieu, Marc et Luc) qui parlent surtout de l'activité du Christ en Galilée, Jean concentre son attention sur son ministère en Judée et à Jérusalem. C'est à l'occasion des grandes fêtes qu'il se rendait dans la capitale, accomplissant les pèlerinages prescrits par la loi ou la coutume. On constate ainsi qu'il respectait le calendrier juif avec ses fêtes. Ce qui ne l'empêcha pas de "violer" le sabbat.
Près de la porte des brebis, il y a une piscine:
Les murs de Jérusalem étaient percés de différentes portes qui portaient des noms. L'une d'elles, du côté ouest, s'appelait la "porte des brebis". C'est par là qu'on faisait entrer dans la ville les brebis destinées aux sacrifices. C'est aussi par là qu'on passait pour se rendre dans le jardin de Gethsémané et sur le Mont des Oliviers. Tout près de cette porte, dans l'enceinte de la ville, se trouvait la piscine de Béthesda (ou Bethzatha), ce qui signifie "maison de la grâce". Elle était faite de cinq portiques sous lesquels gisaient des malades de toutes sortes qui y cherchaient la guérison ou, à défaut de guérison, un peu de soulagement.
La fin du V.3 et le V.4 qui racontent que les malades attendaient le mouvement de l'eau et qu'un ange descendait de temps en temps dans la piscine pour l'agiter, procurant la guérison au premier qui s'y jetait, manquent dans un certain nombre de manuscrits qui se trouvent être les plus anciens, donc, selon toute vraisemblance, les meilleurs. On pense qu'il s'agit d'une explication personnelle et un tantinet superstitieuse qu'un copiste avait un jour inscrite dans la marge de son manuscrit et qui a fini par être insérée dans le texte. Nous n'en tiendrons pas compte, car ce verset ne fait certainement pas partie du texte inspiré. La chose est signalée dans les traductions contemporaines de la Bible. Il s'agit manifestement d'une superstition que l'évangéliste ne sanctionne pas. Celui qui guérit, c'est Jésus et non une eau miraculeuse. Malheureusement, l'Eglise, au vingtième comme au deuxième siècles, a toujours ouvert ses portes à la superstition. Ce n'était pas le propre du Moyen-Age, et aujourd'hui il n'est pas nécessaire de se rendre à Haïti pour le constater. Un petit tour dans le sud de l'Espagne, par exemple, ou à Lourdes suffit pour s'en convaincre.
Malade depuis trente-huit ans:
On ne nous dit pas de quoi il souffrait exactement. Etait-il paralysé ou perclus de rhumatismes? Quoiqu'il en soit, cela faisait trente-huit ans que cela durait. L'heure de la guérison va sonner pour ce malheureux qui jouait toujours de malchance. Chaque fois que le moment était venu de descendre dans l'eau, d'autres le précédaient. Jésus qui sait tout de cet homme (V.6) le prend en pitié. C'est à lui qu'il va offrir non pas un soulagement passager, mais la guérison.
Lève-toi..., prends ton lit et marche:
La guérison totale. Sans spectacle, sans folklore et sans magie, miraculeuse, mais discrète. Un ordre et c'est tout. La parole de Jésus est revêtue de sa toute-puissance divine. Un homme est couché, et Jésus lui demande de se lever et de partir. C'est tout. Pas d'incantations, pas de transes, rien qui puisse attirer les regards et faire accourir les journalistes. C'est ainsi qu'agit le Christ.
Ne pèche plus, de peur qu'il ne t'arrive quelque chose de pire!
On ne s'attend pas à cette phrase. On la retrouve une autre fois, quand il pardonne à la femme adultère (Jean 8:11), mais pas dans un récit de guérison. Cet homme avait-il péché pour être malade pendant trente-huit ans? Jésus n'établit jamais de rapport entre la souffrance et un péché donné, mais affirme plutôt le contraire, comme nous l'apprendra le récit suivant (Jean 9:2.3) ou comme l'enseigne un texte comme Luc 13:1-5. Ici cependant, il a pu vouloir dire à cet homme qu'il avait été responsable de sa maladie pour avoir vécu dans le péché et l'impénitence. Lui peut se le permettre, mais pas nous, et cela pour deux raisons: 1) Il sait tout, alors que nous savons si peu et ne pouvons pas lire dans les coeurs. 2) Il est saint et sans péché, tandis que nous sommes nous-mêmes pécheurs. Qui sommes-nous, dès lors, pour dire à un homme qu'il souffre parce qu'il a péché et fait quelque chose de très grave et qu'il n'a pas encore demandé pardon à Dieu? Quand on raisonne ainsi, on s'érige en juge. On a par ailleurs de fortes chances de se tromper, et enfin on est sûr de faire mal... Le livre de Job est là pour nous dire que ce n'est décidément pas notre rôle.
"Ne pèche plus!" Cette phrase, loin d'imputer à cet infirme un péché particulier, peut aussi vouloir simplement dire qu'il y a plus grave que la maladie: le péché. Qu'il y a plus urgent que la guérison, le pardon. Et que Jésus, qui veut bien guérir les malades, est venu pour nous guérir de la pire de nos maladies, pour nous délivrer de notre mal fondamental, de notre injustice et de nos fautes, en nous apportant la guérison totale, la rédemption et le salut éternels. Façon de dire à cet infirme: "Tu viens d'être guéri, mais n'oublie pas le reste, le plus important, le salut de ton âme!"
C'était un jour de sabbat:
Décidément, on dirait que Jésus le fait exprès. N'aurait-il pas pu attendre le lendemain pour venir faire un tour dans la piscine? Il était à Jérusalem pour quelques jours, et cet infirme, il était sûr de le voir un autre jour. Et faut-il qu'il lui demande explicitement de prendre son lit et de l'emporter à la maison? Faut- il que tout Jérusalem et surtout les pharisiens et les scribes voient cet homme faire ce qu'on n'a pas le droit de faire ce jour-là?
Oui, c'est encore un miracle de rupture. Jésus ne se moque pas de la loi. N'est-il pas venu en pèlerin célébrer une fête? Ceux qui croient pouvoir le prendre en exemple pour afficher leur mépris du jour du repos se trompent, et terriblement, parce que Jésus, lui, était au temple (V.9). Alors avait-il un compte à régler avec le sabbat? Non, pas avec le sabbat, mais avec la théologie des scribes et des pharisiens, avec leur façon d'observer le sabbat et le mérite qu'ils y attachaient. Quelqu'un a dit un jour que le Notre Père, si malmené, si mal prié, était le plus grand martyr de la chrétienté. Le sabbat, quant à lui, était et est encore le plus grand martyr du judaïsme. Non, Jésus n'a rien contre le sabbat, mais il veut un sabbat libérateur et riche en bénédictions, et non un rite aliénant, triste, fait uniquement de contraintes. Cf. à ce sujet Marc 2:23-28 et le récit de la guérison de l'homme à la main sèche (Marc 3:1-6).
A peine dans les rues de Jérusalem, l'ancien infirme se fit accoster et interpeller. Il violait le sabbat, provoquait ostensiblement et... renvoya la balle à celui qui l'avait guéri. Il ne savait même pas que c'était Jésus, et il fallut qu'il le rencontrât dans le temple pour l'apprendre. Il alla donc dare-dare le dire à ces ultrapieux, ces gardiens tatillons de la loi. Ce n'était pas rendre service au Seigneur, mais après tout n'était-ce pas ce qu'il voulait? Ne cherchait-il pas la confrontation? N'est-ce pas ce qui lui permit de s'expliquer devant eux et de faire l'un de ses exposés les plus importants (V.17-47)? D'ailleurs la plupart des miracles racontés par Jean sont associés à d'importants discours que Jésus n'aurait peut-être pas eu l'occasion de prononcer autrement.
Avez-vous noté au passage que Jésus retrouva l'ancien infirme dans le temple? Ne sachant pas encore que c'était Jésus de Nazareth qui l'avait guéri, il n'a pas pu, comme l'un des dix lépreux, revenir sur ses pas pour le remercier. Alors il est allé dans le temple dire merci à Dieu. Une leçon pour chacun de nous!
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