LES MIRACLES DE CHRIST, par Dr. Wilbert Kreiss - index
LES NOCES DE CANA: Jean 2:1-11
C'est le premier des miracles rapportés par l'évangéliste Jean qui, rappelons-le, était avec Matthieu, et à la différence de Marc et de Luc, l'un des douze apôtres du Christ, donc un témoin oculaire. Il en raconte six: les noces de Cana, une multipication des pains, les guérisons du fils de l'officier, du paralytique à la piscine de Béthesda et de l'aveugle-né, et la résurrection de Lazare. Aucun de ces récits, à l'exception de la multiplication des pains, ne figure chez les Synoptiques. Ils sont propres à Jean. Trois d'entre eux d'ailleurs eurent lieu à Jérusalem. Nous n'essaierons donc pas de les insérer dans la vie de Jésus dans un ordre chronologique, mais les étudions à la suite des miracles racontés par Matthieu, Marc et Luc.
Il y eut des noces à Cana... Jésus y fut aussi invité:
L'événement se situe "trois jours après" (V.1). Après quoi? Après la rencontre avec Jean-Baptiste qui le baptisa dans le désert et le choix des premiers disciples. Nous sommes donc tout au début du ministère du Christ, à Cana en Galilée, localité difficile à situer de nos jours. On l'invita à des noces, ainsi que sa mère et ses disciples. Peut-être était-il en parenté avec l'un des époux ou un ami de la famille. L'évangile précise aussi que Nathanaël était de Cana (Jean 21:2). Tout cela permet d'expliquer qu'on l'ait invité Jésus avec sa mère et ses disciples. Il va donc à des noces. Lui qui est venu pour le salut du monde entier sait aussi consacrer du temps à des individus (Nicodème, la Samaritaine, Zachée, etc.) et partager leurs joies et leurs peines.
Les noces judaïques pouvaient durer jusqu'à sept jours. Pendant ce temps, de nouveaux convives arrivaient et se mettaient à table. La présence de six vases d'eau destinés à la purification semble indiquer qu'il s'agissait de grandes noces. Rien d'étonnant à ce que le vin vînt à manquer. Situation délicate pour l'hôte chargé de veiller à ce que les provisions soient suffisantes, surtout en Orient où les règles d'hospitalité et de politesse sont sacro-saintes...
Femme, qu'y a-t-il entre moi et toi?
Marie s'était permis d'intervenir. Elle n'avait rien demandé à son fils, mais s'était contentée de constater devant lui qu'il n'y avait plus de vin. Cependant cette constatation même était une demande implicite, et Jésus le comprit. A noter que le manque de vin lors de noces, même s'il est très gênant pour l'hôte et regrettable pour les convives, n'a rien de catastrophique. Il y a décidément pire que cela.
La réaction de Jésus est lourde de sens. Marie savait qu'il était le Messie promis et attendu par Israël. L'ange le lui avait révélé. Mais sa foi n'était sans doute pas exempte des fausses notions messianiques qui avaient cours à son époque et que le Christ dut constamment combattre chez ses disciples. Il n'est pas un "faiseur de miracles" ni le "roi du pain", un monarque de ce monde chargé de procurer aux siens aisance et bonheur. Ce n'est pas pour donner du pain et servir du vin qu'il est venu sur terre. Sa mission se situe ailleurs.
"Qu'y a-t-il entre moi et toi". Formule courante qu'employaient aussi les démoniaques quand Jésus les accostait (Matthieu 8:29; Marc 1:24; 5:7; Luc 8:28). Elle exprime donc un certain mécontentement, voire de l'agressivité. Jésus veut exprimer la différence qui existe entre lui, le Fils de Dieu, et Marie. Certes, elle est sa mère, mais elle n'est aussi qu'une créature qui n'a pas d'ordres à donner au Seigneur ni à s'immiscer dans son ministère. Il ne lui manque pas de respect, mais lui donne à comprendre qu'il agit indépendamment, en vertu de sa seule autorité, et que dans l'exercice de son ministère, il n'est tributaire d'aucun lien naturel. Il avait dit à peu près la même chose lorsque, à l'âge de douze ans, ses parents vinrent le chercher dans le temple: "Ne saviez-vous pas qu'il faut que je m'occupe des affaires de mon père?" (Luc 2:49).
Faites ce qu'il vous dira:
Marie est une croyante et l'a déjà montré plus d'une fois. Elle accepte donc la leçon de son Fils, sans pour autant douter qu'il va exaucer sa prière muette (V.5).
Six vases de pierre:
Ils contenaient chacun "deux ou trois mesures"". Dans l'original: deux ou trois "baths", soit deux ou trois fois 35 litres = 70 à 105 litres. Il y en avait six, donc de quoi contenir de 420 à 630 litres. Quantité énorme, mais il fallait toute cette eau pour la "purification" des convives, en l'occurrence pour leur permettre de se laver mains et pieds. Cf. Marc 7:4. On notera que Jean explique à ses lecteurs la présence de ces vases. Il dit pourquoi ils étaient là. Et il le fait souvent, quand il s'agit de coutumes juives ou d'indications géographiques. On en conclut que son évangile était destiné en premier lieu à des lecteurs d'origine païenne qui ne connaissaient pas la Palestine et n'étaient pas familiers des us et coutumes des juifs, certainement les chrétiens de l'Asie Mineure (cf. les lettres aux sept Eglise dans Apocalypse 2 et 3).
Quand l'ordonnateur du repas eut goûté l'eau changée en vin...:
Jésus ordonna aux serviteurs de remplir les vases et de servir à boire à l'ordonnateur du repas, c'est-à- dire au maître de cérémonies, généralement un ami intime de l'époux. Et celui-ci but du... vin. Et du bon vin, meilleur que celui qu'on avait bu jusqu'à présent. Une appellation contrôlée, signée Jésus de Nazareth, ne figurant pas au catalogue des vins de la Palestine. L'ordonnateur du repas, ignorant tout du miracle, constata simplement qu'on avait agi contrairement à la coutume, réservant le meilleur vin pour la fin.
"Après qu'on s'est enivré", traduit Segond. L'ordonnateur du repas ne fait qu'énoncer une règle, ne dit en rien que les invités étaient soûls ou presque. Dans ce cas, Jésus ne leur aurait certainement pas donné de vin. D'ailleurs le verbe peut aussi bien se traduire de la façon suivante: "après qu'on a bu a satiété". Jésus n'approuve et n'encourage en aucun cas l'ivresse. Mais il ne désapprouve pas non plus le vin et n'interdit pas d'en boire. Ne réjouit-il pas le coeur de l'homme, quand il est consommé avec modération (Psaume 104:15; Ecclésiaste 10:19)?
Ce récit est empreint de la simplicité et de la sobriété qui caractérisent tous les récits de miracles et la Parole de Dieu en général. Aucune phrase inutile, pas de verbiage ni de délayage ni de recherche du sensationnel. Aucune publicité autour du miracle. Jésus veut tirer des époux de l'embarras dans lequel ils se trouvent. Il veut aussi manifester sa gloire, mais discrètement. C'est en tout cas ainsi que le décrivent les évangélistes.
Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui:
On dit en théologie que la gloire de Dieu est la somme de tous ses attributs divins manifestés aux hommes. Jésus dévoile ici sa toute-puissance de Créateur: il change de l'eau en vin, sans raisin, sans soleil, sans alcool, sans tonneaux, sans tout le travail de l'homme. Et sans faire de geste spectaculaire, sans même prononcer une parole. Simplement parce qu'il a décidé qu'il en serait ainsi. Il manifesta ainsi sa gloire. Devant tous, bien qu'apparemment seuls les disciples aient cru en lui (V.11). Ou se pourrait-il que seuls les disciples aient été témoins du miracle, que les époux et les autres invités ne se soient doutés de rien?
Ils crurent en lui. Non qu'ils n'aient pas déjà cru en lui, mais ce miracle les confirma dans leur foi, leur donnant la certitude de sa divinité. Il fallait cela, car il vivait avec eux comme un simple homme et allait de plus s'humilier, s'abaisser, subir des outrages et se sacrifier pour la rédemption du monde. Il était nécessaire que les disciples ne doutent pas de la divinité de leur Maître. Tel fut donc le premier miracle accompli par Jésus. Littéralement: "le premier signe". Un miracle du Christ est toujours un signe, de même que les langes furent un signe pour les bergers de Bethléhem (Luc 2:12) et que le baiser de Judas fut un signe pour les gardes venus arrêter le Christ (Matthieu 26:48). Le miracle est plus qu'un événement prodigieux et frappant. Il montre qui est Jésus et ce qu'il est venu faire.
Thèmes de réflexion:
Questions de révision et exercices:
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